Des points pour Charest, mais pas de votes

Sortie de crise



Il est toujours facile de tirer des conclusions après une crise, mais s'il y a une chose qui ressort clairement de notre plus récent sondage CROP, c'est que le Parti québécois a été bien avisé de ne pas plonger le Québec en campagne électorale.


Le Parti québécois s'attire des fleurs en désamorçant la crise budgétaire (et, surtout, en épargnant aux Québécois une campagne estivale). Il gagne même deux points dans les intentions de vote, se hisse tout juste devant l'ADQ chez les francophones. Cela dit, la course reste extrêmement serrée et son score reste à peu de chose près ce qu'il était le 26 mars.
Première conclusion, donc: l'effet Marois s'est vite essoufflé et il aurait été bien hasardeux de se précipiter aux urnes dans les circonstances. Bon point pour le PQ, toutefois, la chute dans les intentions de vote est stoppée, ce que confirme le sondage. On observe même un léger gain (dans la marge d'erreur) chez les francophones.
L'effet Mario, maintenant. C'est la deuxième conclusion de ce sondage. Les Québécois n'ont pas apprécié l'attitude de Mario Dumont la semaine dernière. Les chiffres de CROP traduisent le mécontentement des électeurs face à la stratégie de l'ADQ et lancent un avertissement clair à Mario Dumont: on n'aime pas la chicane, jouez votre rôle de chef de l'opposition avec plus de sérieux. De toute évidence, Mario Dumont a perdu des points, à la fin de la crise budgétaire, quand il a nonchalamment refusé de rencontrer le premier ministre en compagnie du PQ.
Cette insatisfaction sera-t-elle durable dans l'électorat? Trop tôt pour le dire, mais chose certaine, Mario Dumont a raté son premier test postélectoral et il devra prendre bonne note de l'avertissement exprimé dans ce sondage. Il peut, pour le moment, se compter chanceux parce que son parti ne perd que trois points et reste compétitif auprès des électeurs francophones.
À l'inverse, Jean Charest reçoit une bonne note (en chiffres!) pour sa gestion de la crise. Malheureusement pour lui, cela ne se reflète pas en intentions de vote. Certes, les Québécois apprécient la fermeté de Jean Charest et acceptent volontiers les baisses d'impôts, mais le Parti libéral reste bon troisième dans les intentions, très loin dans l'électorat francophone.
Autre élément d'inquiétude pour les libéraux: ils perdent des plumes chez les non-francophones, un phénomène rarissime dans cette partie de l'électorat généralement acquise aux rouges. Désaffection passagère ou grogne durable? Toujours est-il que 16% des non-francophones tournent le dos au parti de Jean Charest pour se stationner chez les verts. Autour de 5% vont même chez Québec solidaire.
Mince consolation pour le premier ministre, les Québécois, très majoritairement, le voient à la tête du PLQ aux prochaines élections. Voilà une donnée qui déplaira à beaucoup de libéraux, qui, eux, ne croient plus qu'ils peuvent conserver le pouvoir avec le chef actuel.
Au pied de la lettre (ou, plutôt, des chiffres), ce sondage donne un gouvernement péquiste minoritaire, en raison de l'avance du PQ chez les francophones, mais cette conclusion est plus que douteuse. Le problème vient du fait que l'on ne sait plus comment répartir les indécis.
Le phénomène de la prime à l'urne, qui faisait en sorte qu'une majorité d'indécis se ralliaient aux libéraux le jour du vote, a clairement éclaté le 26 mars au profit de l'ADQ.
Voyez par vous-mêmes: dans les jours avant le vote, CROP donnait 26% à l'ADQ, 28% au PQ et 33% au PLQ après avoir réparti les indécis. La réalité, c'est que l'ADQ a fini avec 31%, une différence de 5% (les prédictions pour le PQ et le PLQ étaient en plein dans le mille). Or, ce nouveau sondage démontre que l'ADQ recueille, avant répartition, 27%, le PQ 26% et le PLQ 25%, soit 4% de moins que la veille du vote, en mars.
Les chiffres démontrent donc, malgré la réaction négative de l'électorat à l'égard de la stratégie de Mario Dumont la semaine dernière, une augmentation de ses intentions de vote. Modeste augmentation, certes, mais de tous les partis, l'ADQ reste le parti le mieux placé en ce moment. La nuance est importante: en ce moment.
Le défi pour Mario Dumont est de démontrer qu'il est véritablement une solution de rechange crédible pour diriger le Québec, ce qu'il n'a pas fait la semaine dernière, loin de là. C'est toujours le principal défi pour le chef de l'opposition, mais cela devient encore plus pressant pour M. Dumont depuis que Pauline Marois a relancé le PQ.
En décidant de s'exclure lui-même des pourparlers budgétaires de dernière minute, Mario Dumont a abdiqué son pouvoir de forcer la main du gouvernement pour bonifier le budget. À tout le moins, le pouvoir d'essayer. Même si Mario Dumont était persuadé, avec raison, que Jean Charest lui dirait non, il se devait d'accepter son invitation à discuter. Tout ce dont on se souvient, aujourd'hui, c'est que Mario Dumont a rejeté le budget, sans savoir en quoi il l'aurait amélioré. Voilà une leçon gratuite pour la prochaine fois.
Pauline Marois, de son côté, constatera à la lecture de ce sondage que l'effet médiatique peut être aussi spectaculaire qu'éphémère. Elle se doit maintenant de rester dans les projecteurs, ce qui n'est pas facile en été, et de préparer une rentrée forte à l'automne.
Et Jean Charest, que doit-il faire? Toujours la même chose: se rapprocher des Québécois, ce qu'il a bien du mal à faire depuis des années. C'est peut-être pour ça qu'on l'a vu hier les mains dans l'eau, déclarant la guerre aux algues bleues ou que son bureau a lancé une rubrique «Le premier ministre vous répond» sur Internet.
Faut ce qu'il faut.


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