Le gouvernement est sauvé, il n'y aura donc pas d'élections estivales, mais la campagne électorale a néanmoins commencé hier. La seule différence, c'est qu'elle durera 10 mois au lieu de 35 jours.
Il suffisait d'écouter les échanges entre Jean Charest et Mario Dumont, hier à l'Assemblée nationale, pour comprendre que cet épisode budgétaire n'aura été qu'un modeste prélude au prochain grand affrontement, dans une dizaine de mois, au dépôt du prochain budget. Sans oublier que le PQ refait ses forces et se prépare à sauter dans l'arène dès l'arrivée de Pauline Marois.
Rendez-vous à l'automne, donc. Pour le moment, la faune politique et médiatique pourra tranquillement partir en vacances, et les électeurs aussi.
Ce dénouement raisonnable semble aboutir à une situation idéale: pas d'élections tout de suite et des baisses d'impôts. Même si les Québécois n'en veulent pas tant que ça, en tout cas moins que Jean Charest tenait à leur en donner, personne ne renverra l'argent à Revenu Québec en guise de protestation.
C'est le meilleur des deux mondes. Du moins pour l'instant. Parce que, à plus long terme, cela débouche sur le pire des deux mondes: moins de revenus pour un État qui en manque déjà pour financer les services publics.
Ce budget confirme la culture du pelletage en avant. Les coûts de la santé explosent au même rythme que le vieillissement de la population et, encore une fois, on ne sait faire autre chose que de pomper de l'argent dans le système.
Cela vaut aussi pour les autres services. Quel est le plan à long terme pour assurer le financement et la pérennité du réseau public d'éducation, de garderie, des routes, des projets en environnement et de développement durable?
Mario Dumont n'a pas tort quand il dit que ce budget ne fait que consacrer la fuite en avant en repoussant le moment, pourtant inévitable, où nous devrons collectivement faire des choix douloureux.
Tout ça pourquoi, déjà? Pour satisfaire l'obsession de Jean Charest de baisser les impôts des Québécois, qui lui disent depuis des années que leur priorité, ce sont les services publics. Les Québécois, à ce chapitre, sont beaucoup plus raisonnables que leur premier ministre. La moindre des choses aurait été de les écouter.
Jean Charest maintient cette politique à des fins électoralistes, c'est l'évidence. Pourtant, la rentabilité électorale des baisses d'impôts est plus que douteuse.
Prenez la réduction de 1% de la TPS consentie par Stephen Harper. Bon coup de pub électorale, sans doute, mais qui s'en souviendra quand viendra le temps d'aller voter? Les conservateurs eux-mêmes s'étonnaient l'hiver dernier de constater que les Canadiens avaient oublié la baisse de la TPS.
À part l'Alberta, où payer le moins d'impôts possible est le premier commandement du dieu Pétrole (facile quand une province n'a même plus de dette et qu'elle connaît un taux de croissance de plus de 14%), aucune province n'a les moyens de se priver volontairement de revenus.
Demandez aux Ontariens: ils en sont revenus des baisses d'impôts de l'ère Mike Harris. Quand le party a été fini, il n'y avait même plus assez d'argent pour contrôler la qualité de l'eau potable dans les petites villes ou pour s'assurer que les abattoirs ne vendent pas de viande avariée.
Vrai, les Ontariens payaient beaucoup moins d'impôts que leurs voisins québécois, mais ils se sont réveillés avec un déficit de 7 milliards quand les conservateurs ont quitté le pouvoir.
La même chose attend le Québec, dont l'équilibre budgétaire repose sur un échafaudage comptable créatif qui ne passerait pas le test de n'importe quel étudiant en comptabilité.
Quelques fleurs à Monique Jérôme-Forget, toutefois, qui a eu hier la modestie de reconnaître qu'elle avait mal jaugé les demandes de l'opposition et qui promettait d'y voir la prochaine fois.
Petite fleur aussi pour deux éléments du budget qui vont dans le bon sens: le dégel des droits de scolarité (après 15 ans, il était temps) et la formation d'un groupe de travail (le comité Castonguay) sur le réseau de la santé. On verra bien les réponses, notamment sur le financement de cette immense machine, mais on pose au moins les bonnes questions dans le mandat du comité.
Pour le reste, par contre, c'est mince. Comment financera-t-on à long terme les garderies ou la politique environnementale, par exemple?
Ce que les libéraux ont réussi à sauver, hier, ce n'est pas un plan, c'est un programme électoral. Un programme à court terme.
Jean Charest a-t-il un plan de match pour la suite? Si oui, il est bien caché. Une petite révolution en santé? De grands projets hydroélectriques? Une grande corvée?
C'est trop demander, peut-être. Le chef libéral a eu tellement de mal à manoeuvrer à la tête d'un gouvernement majoritaire, tellement de mal à trouver sa route, on voit mal comment il pourrait maintenant le faire en situation minoritaire. Pour imposer un plan, encore faut-il que les Québécois suivent.
N'empêche que ça ferait du bien parce que, quand on y pense, le dernier grand projet auquel ont été conviés les Québécois, c'est la lutte contre le déficit, à la fin des années 90.
Dans l'immédiat, M. Charest est plus en mode survie. Celle de son gouvernement et la sienne.
En mitraillant Mario Dumont comme il l'a fait hier, Jean Charest cherchait d'abord à faire diversion sur ses propres problèmes.
Le chef de l'ADQ aura des comptes à rendre à la population parce qu'il a refusé de participer à la recherche d'un compromis budgétaire, affirme M. Charest.
Rien n'est moins sûr. Mario Dumont a fait preuve d'une nonchalance juvénile en rejetant la main tendue du premier ministre, jeudi, mais il ne restera probablement aucune trace de tout ça dans 10 ou 12 mois, au printemps 2008, quand la vraie campagne électorale commencera.
Au fait, ce n'est pas pour vous embêter, mais on risque fort de se taper deux élections au printemps 2008, une au fédéral et une au Québec
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
Le meilleur des deux mondes... pour l'instant
Dans l'immédiat, M. Charest est plus en mode survie. Celle de son gouvernement et la sienne.
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