Les ego avant les négos

La partie de poker budgétaire a été éprouvante pour le leadership de Jean Charest.

Charest en fin de régime - L'art de ne rien faire


Après une semaine de fou sur la colline parlementaire à Québec, il est rassurant de voir que la raison a finalement prévalu. Mais s'il y a une chose que la crise budgétaire aura démontré au cours des derniers jours, c'est que le gouvernement minoritaire de Jean Charest ne fera pas de vieux os.



On a bien vu hier soir que tout ce psychodrame budgétaire n'était que du bluff, que le Parti québécois n'a jamais vraiment voulu faire tomber le gouvernement. En fait, correction: Pauline Marois ne voulait pas d'élections tout de suite. Le PQ plie finalement sur le principe fondamental de son argumentation (abolir les baisses d'impôts et investir dans les services sociaux) et ne gagne que 111 millions de dollars. Tout ça pour ça, pour citer Lelouch.
Cela dit, le PQ a profité de la crise pour se relever de son coma post-élections, pour jouer un rôle au Parlement et rétablir un certain rapport de forces. Mme Marois s'installera bientôt confortablement aux commandes du Parti québécois, elle fera vraisemblablement son entrée l'automne prochain, et à partir de ce moment, le PQ sera en mode campagne électorale.
Dans l'immédiat, tous les partis, dans le fond, pousse un ouf! parce que ces élections arrivaient trop vite. Trop vite pour Pauline Marois, qui n'a pas eu le temps de placer son monde et d'imposer son programme. Trop vite pour Mario Dumont, qui doit recruter des candidats de calibre, notamment des femmes et un gros nom pour Montréal. Et trop vite pour les libéraux, qui se dirigeaient vers un carnage. En rappelant les candidats battus le 26 mars pour leur demander s'ils étaient prêts à reprendre du service, les organisateurs de Jean Charest se sont aperçus que l'on ne se bousculera pas aux portillons.
Tout se met en place pour que la prochaine crise emporte les libéraux. À moins qu'ils changent de chef pour relancer un parti qui semble, après seulement quatre ans au pouvoir, complètement au bout du rouleau.
Mauvaise lecture de l'humeur des Québécois, mauvaises priorités, arrogance, inflexibilité, le gouvernement libéral a laissé dégénérer en un pénible psychodrame ce qui aurait pu (et dû) se régler en trois coups de cuillère à pot. Contre une opposition officielle inexpérimentée et un troisième parti qui n'a même pas de chef. Imaginez un peu ce que cela va donner quand Mario Dumont aura fini son recrutement et son financement pour la prochaine campagne et que Pauline Marois sera couronnée à ses conditions par un parti qui était même prêt à lui confectionner un programme électoral sur mesure en une journée.
La partie de poker budgétaire a été éprouvante pour le leadership de Jean Charest. Vrai, Mario Dumont a refusé d'emblée le jeu de la négociation. Vrai aussi, les péquistes se sont mis à jouer après avoir dit qu'ils passeraient un tour. Il aura suffi d'un sondage favorable après le retour en scène de Pauline Marois pour que le PQ se mette à rêver. Mais le fait est que tout ce que le PQ cherchait pour appuyer ce budget, c'était une porte de sortie honorable. À rabais, en plus, soit entre 200 et 300 millionsde dollars ou, si vous préférez, un demi d'un dixième de un pour cent du budget total du gouvernement québécois.
Nous sommes tout de même loin des 4,6 milliards que le chef du NPD, Jack Layton, avait réussi à arracher en avril 2005 à Paul Martin en échange de son appui au budget du gouvernement libéral minoritaire. Si on transposait cette somme à l'échelle budgétaire du Québec, on arriverait à des demandes d'environ un milliard. On peut reprocher au PQ d'avoir mal joué ses cartes, d'avoir fait preuve d'obstination après avoir dit qu'il ne ferait pas obstruction, mais on ne pourra lui reprocher d'avoir été trop gourmand.
Pour s'entendre, toutefois, il faut négocier. Avant le sprint d'hier soir, il n'y a pas eu de vraies négociations. Pour une raison fort simple: les ego sont passés avant les négos.
L'ego de Jean Charest, d'abord, qui envoie depuis une semaine le message d'un chef entêté prêt à jeter son parti dans le vide d'une campagne perdue d'avance juste pour ne pas plier devant les modestes demandes de l'opposition.
De toute évidence, Jean Charest confond ténacité avec entêtement et il est toujours incapable de reconnaître une erreur. Curieux, tout de même, pour un premier ministre qui a passé son premier mandat à reculer (tous en choeur, le refrain de la danse à reculons: le mont Orford, les écoles juives, le Suroît, l'aide aux étudiants). Même la dégelée électorale de mars et sa nouvelle position minoritaire ne semblent pas lui avoir appris quelques leçons de modestie.
Peut-être que Jean Charest a refusé de céder parce qu'il se sait condamné à court terme par son caucus et par son parti et qu'il a conclu qu'il ne sera plus là aux prochaines élections. En termes crus: vaut mieux mourir en se battant vaillamment au champ d'honneur que de se faire honteusement condamner à l'exil par son camp avant la bataille.
Au chapitre des ego, M. Charest est en bonne compagnie dans la crise actuelle. À sa droite, d'abord, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui parle très souvent d'elle-même à la troisième personne du singulier. Généralement, ce n'est pas un signe de modestie.
Il y a aussi l'ego des péquistes, notamment le chef intérimaire François Gendron, qui s'est dit humilié par le budget Jérôme-Forget, et François Legault, qui prône la ligne dure. M. Legault, de l'aveu de ses collègues au caucus, se paye un «méchant power trip» ces temps-ci au caucus, jouant les califes en l'absence de la calife.
Mario Dumont n'est pas en reste, lui qui a nonchalamment décliné l'invitation à discuter du premier ministre, comme s'il s'agissait d'une banale épluchette de blé d'Inde. L'appel à la trêve de Jean Charest était tardif, peut-être, mais le geste était noble et méritait réponse de celui qui aspire à le remplacer sur le fauteuil de premier ministre.


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