Sans le rêve

Pourquoi remplacer une équipe jugée performante par une autre qui n'a rien de particulier à proposer? Finalement, pourquoi le PQ sans le rêve?

Charest en fin de régime - L'art de ne rien faire

Rendons à César ce qui lui appartient: Jean Charest a indiscutablement dominé la scène politique québécoise depuis l'automne dernier.
On ne grimpe pas de 10 ou 14 points en neuf mois dans les sondages sans qu'il y ait des raisons. Selon Pauline Marois, cette popularité est simplement le fruit d'une illusion créée par la publicité, mais l'explication paraît un peu courte. En réalité, la comparaison avec les partis d'opposition est sans doute la meilleure publicité dont bénéficie présentement le gouvernement.
Dans son bilan de fin de session, Mario Dumont a accepté de prendre le blâme pour la dégringolade de son parti dans les sondages. Mme Marois, dont le parti fait du surplace depuis qu'elle devenue chef, devrait peut-être faire un examen de conscience elle aussi.
Il n'est certainement pas normal que la dégringolade de l'ADQ profite exclusivement aux libéraux. Le sondage CROP-La Presse dont les résultats ont été publiés hier sont sensiblement différents de ceux du dernier Léger Marketing-Le Devoir en ce qui concerne le PLQ et l'ADQ, mais ils concordent sur le surplace du PQ depuis un an.
On a parfois l'impression qu'il se satisferait de récupérer son statut d'opposition officielle à l'Assemblée nationale. Aux yeux de bien des électeurs, le renvoi du référendum aux calendes grecques peut constituer une raison de ne pas voter contre le PQ, mais il est plus difficile de trouver une raison de voter pour.
Maintenant que la souveraineté n'est plus qu'un lointain objectif, à quel projet concret peut-on l'associer? La «gouvernance nationale»? Les uns n'y voient qu'un pâle succédané de la souveraineté, les autres, un prétexte à chicanes avec Ottawa.
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Il y a bien des choses qu'on peut reprocher à l'ADQ, mais les grandes lignes de son programme sont claires, même si les modalités sont moins précises. La «médecine à deux vitesses», l'abolition des commissions scolaires ou encore l'octroi d'une allocation aux parents qui ne bénéficient pas des services de garde subventionnés sont autant de propositions bien concrètes dont la mise en oeuvre marquerait une rupture très nette avec le modèle actuel.
Le PQ ne propose rien qui soit de nature à frapper les imaginations. L'accord de libre-échange avec l'Union européenne que fait miroiter le premier ministre demeure sans doute un peu abstrait, mais il a l'attrait de l'envergure.
En prenant le leadership de la lutte contre les changements climatiques, M. Charest s'est également inscrit dans une certaine modernité que le PQ, préoccupé à juste titre par la question identitaire, réussit moins à incarner aux yeux d'une bonne partie de la population.
On peut se réjouir que Pauline Marois, contrairement à tous ses prédécesseurs péquistes depuis 25 ans, semble déterminée à renforcer certaines dispositions de la Charte de la langue française, mais le problème linguistique n'est malheureusement pas perçu comme une urgence à l'extérieur de Montréal où, de toute manière, la carte électorale est presque immuable depuis près de 40 ans.
Manifestement, Mme Marois a compris la nécessité de ne pas laisser au premier ministre le monopole des projets de développement économique, même si le mirage du gaz et du pétrole n'est pas précisément nouveau.
Tant mieux s'il est possible d'entrevoir un avenir plus prospère, mais on demande surtout à un gouvernement de bien gérer le quotidien, qui se vit au travail, à l'école, sur les routes ou dans les hôpitaux. En quoi la gouvernance péquiste serait-elle si différente de celle des libéraux? Un petit peu moins de privé en santé? Un petit peu plus de réformes à l'école?
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Quand elle est devenue chef, Mme Marois s'était engagée à «moderniser» la social-démocratie. Le document qui avait été distribué aux militants en prévision du conseil national de la mi-mars ouvrait la porte à des révisions déchirantes. Fallait-il introduire une tarification pour certains services de santé ou instaurer une contribution de l'usager? Laisser une plus grande place aux assurances privées?
Le document avançait un postulat qui rompait avec l'orthodoxie péquiste: «Les valeurs d'équité n'impliquent pas nécessairement des modèles uniformes et mur-à-mur pour toutes les couches sociales et pour tout le territoire.» La réaction péquiste au rapport Castonguay sur le financement des soins de santé et au rapport Montmarquette sur la tarification a cependant indiqué très clairement les limites de la modernisation évoquée par Mme Marois.
Il est vrai que la chef du PQ a toujours eu tendance à vouloir ménager la chèvre et le chou. De toute manière, après avoir mis le référendum en veilleuse, il y avait des limites à ce qu'elle pouvait imposer à l'aile progressiste de son parti.
Et puis, il y a l'opinion publique. Il est assez paradoxal qu'on reproche aujourd'hui à M. Charest de ne plus faire ce dont on l'a accusé tout au long de son premier mandat, c'est-à-dire de chercher à imposer des réformes dont la population ne voulait pas.
Le refus de mettre en oeuvre les recommandations les plus spectaculaires du rapport Castonguay est-il un signe de paresse ou simplement la reconnaissance que les Québécois ne souhaitent pas remettre en question les grands principes qui ont présidé à la mise en place du régime d'assurance maladie au début des années 1970? Bien sûr, ils souhaitent que le modèle québécois soit mieux géré, mais ils ne le rejettent pas.
Après la dérive du premier mandat, les libéraux se sont replacés là où se retrouve la majorité des électeurs, c'est-à-dire au centre, et ils semblent bien déterminés à s'y maintenir. Pourquoi remplacer une équipe jugée performante par une autre qui n'a rien de particulier à proposer? Finalement, pourquoi le PQ sans le rêve?
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P.S. Cette chronique fera relâche au cours des prochaines semaines. Bon été à tous.
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mdavid@ledevoir.com


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