L'idéal: ne rien faire!

Le principal facteur de cette lune de miel tardive, c'est que M. Charest n'entreprend plus rien, et qu'il gère sans gouverner

Charest en fin de régime - L'art de ne rien faire



Plus ou moins forcé par les circonstances, Jean Charest s'est coulé dans la peau de Robert Bourassa tel qu'il était lors de son dernier mandat. Il ne gouverne pas, il "surfe" doucement, sans rien changer, soucieux de ne pas faire de vague, évitant comme la peste tout ce qui déclencherait l'ombre d'une controverse.
Le rapport Castonguay sur le financement des services de santé? Il n'était pas déposé qu'il s'en allait déjà à la poubelle. Le rapport Montmarquette sur la tarification? Même scénario. On se demande pourquoi le gouvernement Charest institue des commissions d'enquête, si c'est pour envoyer leurs rapports à la déchiqueteuse sans même prendre la peine d'y réfléchir.
Même les projets moins complexes sont affectés par cette impuissance chronique, pour peu qu'ils risquent d'irriter quelques personnes ici et là. Les droits de scolarité universitaires sont encore à moitié gelés. Après six ans de règne libéral, le sort de la rue Notre-Dame reste toujours en suspens, et les travaux de prolongement de l'autoroute 30 - un dossier qui pourrit depuis 40 ans! - viennent à peine d'être annoncés.
C'est sans compter le CHUM, un projet sans cesse reporté et qui confine aujourd'hui au pathétique, depuis que l'on a déterré un testament datant de 1818 et qui interdirait supposément de construire sur le square Viger - un parc de béton que personne n'utilise.
De son côté, l'hôpital universitaire de McGill est prêt: ses plans sont définis, son financement privé assuré, et contrairement au CHUM, coincé dans un espace réduit et obligé de faire du neuf avec du vieux, il dispose d'un vaste terrain où la construction, flambant neuve, pourrait aller bon train. Mais l'hôpital de McGill est incapable de bouger parce qu'il attend le feu vert d'un gouvernement pusillanime qui ne veut surtout pas voir l'hôpital anglais s'élever avant sa contre-partie française. On ne sait jamais, tout d'un coup que Victor-Lévy Beaulieu monterait sur ses grands chevaux!
Cela pénalise non seulement la clientèle anglophone, mais toute la population de la région montréalaise, car ne l'oublions pas, à peu près la moitié des patients de l'hôpital universitaire de McGill sont francophones. À défaut du CHUM, dont la réalisation s'éloigne de plus en plus dans le temps, on pourrait au moins avoir un hôpital universitaire ultramoderne!
On a peine à croire que ces forces d'inertie se produisent dans une société qui a construit la Manic et la Baie-James. Comment se fait-il que ce Québec qui a aménagé les rivières et bâti des chefs-d'oeuvre d'ingénierie dans les terres hostiles du Grand Nord soit aujourd'hui incapable de construire un hôpital?
Le pire, c'est que tout le monde a l'air d'apprécier l'immobilisme induit par la situation minoritaire du gouvernement, à commencer par Jean Charest lui-même, qui recouvre maintenant cette réalité d'un qualificatif positif.
Il se trouverait, aime-t-il dire, dans un "gouvernement de cohabitation". L'expression est plus conviviale que le concept de "gouvernement minoritaire", mais elle ne tient pas debout en régime parlementaire britannique. On parle de cohabitation en France, quand l'Assemblée nationale est contrôlée par le parti adverse de celui du président de la République, mais ici, le parti au pouvoir est minoritaire, point à la ligne.
Chose certaine, le Québec d'aujourd'hui semble aimer ces gouvernements impotents, entravés par leur statut minoritaire. La cote de satisfaction à l'endroit du gouvernement Harper, qui n'a plus rien de substantiel à son agenda (sauf la réforme de l'immigration) se maintient autour de 50%, ce qui n'est pas mal pour un gouvernement sans racines profondes au Québec. Et depuis que Jean Charest s'est confortablement installé dans son fauteuil bancal de chef minoritaire, sa cote de popularité a fait des bonds de géant.
On ne peut attribuer cette popularité soudaine au seul fait que M. Charest ait légèrement modifié son entourage, et gagné en bonne humeur ce qu'il a perdu en kilos. Le principal facteur de cette lune de miel tardive, c'est que M. Charest n'entreprend plus rien, et qu'il gère sans gouverner. Que faut-il en déduire? Que les Québécois sont si heureux qu'ils n'ont plus rien à désirer ou qu'ils ont une peur bleue du changement?


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