Immobilisme des uns, dérive des autres

Le fait qu’ils ne fassent plus d’erreurs depuis qu’ils ne font plus rien n’est certainement pas étranger à cette popularité.

Chronique de Louis Lapointe

Beaucoup d’analystes ont interprété la remontée du PLQ comme étant la
conséquence du retour de John Parisella dans l’entourage du premier
ministre. Or, Jean Charest est moins populaire que son parti. Il ne
recueille que 32% de la faveur des électeurs, soit 5 % de moins que son
parti. Comment expliquer cette différence?
Cela est probablement dû au fait que les électeurs reconnaissent que le
succès du PLQ est surtout la conséquence de la contribution d’autres
personnes au sein de ce parti. On doit le reconnaître, les Québécois aiment
les Libéraux depuis qu’ils sont minoritaires. Le fait qu’ils ne fassent
plus d’erreurs depuis qu’ils ne font plus rien n’est certainement pas
étranger à cette popularité. Les Québécois ont rapidement compris que la
dérive du gouvernement apathique de Jean Charest au centre d’un océan sans
vent était beaucoup moins menaçante que les récifs qu’ils ont longés
pendant les quatre années de leur premier mandat. On doit le constater, il
n’y a plus de péril en la demeure depuis que les Libéraux de Jean Charest
sont minoritaires. Cela suffit à donner l’illusion de sécurité à de
nombreux Québécois qui s’en déclarent pleinement satisfaits, tant ils ont
été échaudés par ce même parti par le passé.
***
Quant à Madame Marois, elle ne réussit tout simplement pas à se démarquer
de son équipe. L’appui à Pauline Marois, tout comme celle accordée au PQ,
avoisine les 30% de la faveur populaire. Le PQ stagnerait. Le sondage Léger
Marketing de la semaine dernière révélait que les Québécois percevaient
d’abord les troupes de Pauline Marois comme la véritable opposition
officielle à Québec. Sans progresser dans la faveur de l’opinion publique,
la perception du public à l’égard de ses troupes aurait tout de même
évolué. Si le PQ stagne dans l’intention de vote, la perception à son égard
change et elle est cohérente avec les intentions de vote des Québécois.
L’équipe de Jean Charest est perçue comme un gouvernement et celle de
Pauline Marois comme l’opposition officielle.
Au lieu de se féliciter de cette évolution, comme le faisait la semaine
dernière le leader parlementaire du deuxième parti d’opposition, le PQ
devrait tout faire pour que cette impression de bonne opposition officielle
ne s’incruste pas trop longtemps dans l’imaginaire des Québécois. Le
problème du PQ, c’est qu’il n’a plus rien à proposer aux Québécois depuis
qu’il a délaissé le référendum. Pas que l’idée d’abandonner cette chose
vétuste était mauvaise, mais surtout du fait qu’il ne l’a pas remplacée. Ça
prend un véhicule pour se déplacer, et le PQ n’en a plus. Les verts
proposent un Québec plus propre et Québec Solidaire un Québec plus juste.
Que propose au juste le PQ ?
Maintenant que l’ADQ s’effondre, le PQ voudrait reprendre le bâton de
pèlerin des réformistes adéquistes, croyant récupérer cette clientèle du
même coup. Le PQ nous propose donc de changer le Canada en faisant des
gestes de souveraineté autorisés par la constitution, comme changer la loi
101 pendant que le Bloc tente de son côté de donner un contenu à la notion
de Nation québécoise. Comme si on pouvait faire la souveraineté tout en
restant dans le Canada. Difficile d’être plus ambigu.
***
La stratégie de Jean Charest et de Stephen Harper consiste à laisser les
Marois et Duceppe crier au loup sans répondre à leurs demandes. Ne rien
faire qui pourrait justement faire sortir le loup de sa tanière, ne rien
faire qui pourrait mettre en danger la survie de leurs gouvernements. La
stratégie consiste tout simplement à garder le silence tant qu’ils seront
minoritaires à Québec et à Ottawa et attendre de redevenir majoritaires
pour reprendre leurs bonnes vieilles habitudes que les Québécois auront
rapidement oubliées pendant l’intermède que nous vivons présentement, car
tout le monde le sait, le temps arrange bien les choses. Ne rien faire pour
nourrir les faux espoirs de Madame Marois de changer le Canada jusqu’à ce
que plus personne n’entende ses «Au loup ! Au loup ! », jusqu’à ce qu’elle
s’épuise, tant elle aura crié face à un ennemi apathique. Tout cela pendant
que les tiers partis s’affairent à gruger lentement mais sûrement la base
du PQ. Il est difficile d’avoir une direction claire lorsqu’on n’avance
pas. C’est exactement ce qui arrive actuellement au PQ.
***
Pendant ce temps, plusieurs Québécois croient que le Canada peut encore
changer et que ça prendrait de vrais fédéralistes pour accomplir cette
tâche, ce qu’est l’ADQ, ce qu’est le PLQ et ce que ne prétend justement pas
être le PQ. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs adéquistes rejoignent
actuellement le PLQ, préférant choisir un parti résolument fédéraliste pour
réformer le Canada. Comme le PQ est en porte-à-faux sur cette question
depuis qu’il a ajourné la tenue du référendum sur la souveraineté pour le
remplacer par des gestes de souveraineté, un concept étriqué, il ne peut
semer que doute, méfiance et confusion, tant chez les fédéralistes que les
indépendantistes. Le PQ ne propose donc rien de nouveau, la récente sortie
de Pauline Marois sur la loi 101 nous le présentant d’abord comme un bon
chien de garde, exactement les qualités qu’il faut pour être une bonne
opposition officielle. Voilà pourquoi le PQ stagne.
Louis Lapointe
Brossard
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2008

    M. Lapointe écrit : «Le PQ ne propose donc rien de nouveau, la récente sortie de Pauline Marois sur la loi 101 nous le présentant d’abord comme un bon chien de garde, exactement les qualités qu’il faut pour être une bonne opposition officielle. Voilà pourquoi le PQ stagne.»
    Selon les derniers sondages, spécialement ce CROP de ce matin, les chances du PLQ de M. Jean Charest sont fortes pour gagner la prochaine élection provinciale. Si Mme Marois ne peut pas aller chercher plus de 30 % des votes pour le PQ, elle ne va pas stagner comme chef du PQ plus longtemps que M. Boisclair et l'ADQ risque de disparaître aussi. Ça va devenir une autre joute.
    Des conditions plus favorables à des changements constitutionnels peuvent émerger ou le fruit pourra peut-être enfin...mûrir avant de pourrir.
    À ce moment, même si Mme Marois promettait un référendum rapide, il n'y a que le PI qui pourrait en souffrir dans son recrutement de membres sans que ça fasse gagner l'élection au PQ parce que le nombre de souverainiste n'est pas assez élevé pour gagner solidement une élection et un référendum qui suivrait.