Le sourire de Jean Charest

Charest en fin de régime - L'art de ne rien faire

Lors de la question finale d'une entrevue bilingue accordée à Jean Charest par L. Ian MacDonald pour Options politiques, M. MacDonald cite Stephen Harper qui lui aurait déjà confié en entrevue qu'il: «pense que le pays est bien servi quand un bon fédéraliste est premier ministre du Québec.» M. MacDondald lui demande ce qu'il pense de ça?
Comme si cela allait de soi, John James répond tout simplement que «oui, un bon fédéraliste est quelqu'un qui croit beaucoup au Québec.»
Il faudrait bien m'expliquer par quel procédé philosophique, exempt de l'influence de la schizophrenie, des fédéralistes qui se disent québécois, qui sont invariablement anglicisés et tournés vers le futur, ces fiers citoyens ouverts sur le monde, tout en étant amnésiques, voire apologistes quant à la minorisation, à la folklorisation et à la mise en réserve du peuple majoritaire du Québec contemporain, comment ceux-ci peuvent-ils croire beaucoup au Québec ou en son peuple, quand ils sont imbus de cette sacro-sainte doctrine multiculturelle du Canada, cette antithèse du Québec, qui est fondamentalement leur seul et unique credo?
Par ailleurs, Stephen Harper semble user d'un langage codé que la plupart des Québécois comprennent, selon M. Charest.
Dans une autre question adressée par M. MacDonald à M. Charest au sujet d'une déclaration controversée de M. Harper concernant la fondation de Québec en 1608 marquant l'acte de naissance du Canada selon lui, du moins de la naissance du Canada français, M. Charest répond que ça l'a fait sourire «parce qu'il y avait beaucoup de rhétorique dans les réactions aux propos de M. Harper et que l'histoire du Canada commence avant 1608 si on retourne à Jacques Cartier.»
Par la suite, il déclare que ceux qui cherchent à le présenter autrement cherchent à instrumentaliser l'histoire à leur avantage et pour servir une cause en ajoutant que: «Moi, j'ai parfaitement compris ce qu'il voulait dire et je pense que les Québécois aussi ont parfaitement compris ce qu'il entendait par là.»
Il enchaîne en tentant de nous faire comprendre que l'Acte du Québec de 1774, c'est la référence historique qui est encore la plus importante, que c'est un acte fondateur de ce que nous sommes aujourd'hui Québécois et Canadiens. Il poursuit son petit exposé en expliquant que les souverainistes passent vite là-dessus parce qu'ils veulent aller à 1867 et qu'ils aiment bien parler du rapport Durham et de l'Acte d'Union, qui, avoue-t-il nébuleusement, n'a pas été un succès, qui n'a pas bien fonctionné. Mais l'Acte de Québec...

Voyons donc! En 1774, une majorité de Canadiens descendants de la Nouvelle-France était contrôlée par une minorité Britannique bien armée qui parasitait leur patrie fraîchement abandonnée par Louis XV, dit le bien-aimé. La suite n'est qu'une longue succession d'événements qui ont mené à notre minorisation et ce, aux bons soins de l'occupant britannique et de ses serfs assimilés qui sont encore à l'oeuvre aujourd'hui. L'Acte de 1774 avait pour fonction de soumettre les croyants catholiques Canadiens à un serment de loyauté envers la couronne d'Angleterre. Les loyaux sujets de Georges III étaient nerveux et ils flairaient la révolte de 1776 des 13 colonies de la Nouvelle-Angleterre. Ils craignaient par-dessus tout que la révolte gagne ces descendants de la Nouvelle-France épris de liberté.
Avec leur langue comme matrice et comme ciment de survie culturelle, les descendants de la Nouvelle-France forgèrent une nouvelle identité, éventuellement en parallèle avec la vie religieuse, toujours distincte de la britannique. Ils furent solidement et fertilement implantés sur les rives et au-delà de cette grande rivière du Canada d'alors rebaptisé Saint-Laurent.
Pour revenir à cette entrevue de M. Macdonald, il est intéressant de lire cette partie où il est question de la relation entretenue entre M. Charest et M. Harper. Jean Charest la caractérise comme étant une bonne relation, sans vouloir personnaliser cette relation, dit-il. Évoquant le fait qu'il a connu Chrétien, Martin et Harper, et qu'un grand nombre de dossiers ont connu du succès, en outre le déséquilibre fiscal, la reconnaissance du Québec en affaires internationales avec notre participation à l'UNESCO et la reconnaissance du Québec comme nation. Il avoue tout de même qu'en vivant dans un système fédéral, il y a des choses sur lesquelles on peut avoir de la difficulté à s'entendre. Mais, selon M. Charest, on est pas moins canadien pour autant parce que l'on ne s'entend pas sur certaines affaires.
Après cette déclaration, M. McDonald lui fait remarquer, en anglais, qu'il est Irlandais à moitié, et il lui demande comment il fait pour maintenir l'équilibre entre son rôle de défenseur des intérêts du Québec, tout en conservant une relation interpersonnelle harmonieuse avec le Premier Ministre du jour, indépendamment de qui ça pourrait être?
Il répond en disant qu'aucun ordre de gouvernement ne détient le monopole du bien commun et que c'est ce qui définit une fédération. M. McDonald réplique que M. Mulroney disait qu'Ottawa n'était pas le seul dépositaire de sagesse en cette fédération, sur quoi M. Charest en profite pour répéter son mantra à savoir que dans notre système de gouvernement, nous reconnaissons nos différences et nous devrions être capables d'en discuter d'une manière mature. À la fin, dit-il, nous avons tant de choses en commun qu'il n'est pas de son rôle de souligner les différences, qu'il défend les intérêts du Québec et qu'il ne voit pas de contradiction entre son identité québécoise et canadienne.
Là où ça devient vraiment du grand guignol dans cette entrevue, c'est quand Charest s'explique sur une inspiration commune de lui et de Harper, en faisant référence à l'orangiste Diefenbaker et ses «chemins vers le nord». M. Charest confie qu'il avait été inspiré par les accomplissements de Diefenbaker dans le nord. Quand il avait été ministre de l'environnement et qu'il avait voyagé dans le nord, il y avait encore des souvenirs de Diefenbaker qui décrivait le nord comme étant une grande partie de notre pays et de notre mythologie, qu'il croit ça également pour le nord du Québec où il voit un grand potentiel de développement des ressources énergétiques et minières, du transports et du tourisme. C'est primordial de le faire avec la participation des autochtones, selon M. Charest.
C'est quand même impressionnant d'observer jusqu'où peut aller le révisionnisme de Jean Charest, surtout en compagnie de quelqu'un comme M. MacDonald avec lequel il est manifestement très à l'aise. Dans le cas de Diefenbaker et de son programme, il n'était pas tant question d'unir le nord au sud que de développer les infrastructures pour aller y exploiter les ressources. Les médias de l'époque annonçaient le programme de développement de Diefenbaker en le nommant «roads to resources», qui est traduisible par «routes vers les ressources», ce qui est assez différent de «chemins vers le nord».
Expansif comme un cochon qui s'en prend à des ordures, presque rayonnant, Jean Charest aborde aussi son conseil de confédération dont il très fier, tout en nous énonçant que malgré les nombreuses divergences d'intérêts des provinces sur beaucoup de sujets litigieux, selon lui, les relations sont très bonnes.
Afin de démontrer à M. McDonald jusqu'où va sa loyauté envers le Canada, en particulier l'Ontario, il a abordé, pour la première fois à ma connaissance, une ligne de connexion hydro-électrique entre le Québec et l'Ontario, en précisant que s'il avait le choix d'exporter de l'électricité aux États-Unis ou à l'Ontario, qu'il l'exporterait à son voisin canadien. Il a abordé ce sujet après avoir fait un survol des problèmes avec le projet de développement de la Lower Churchill du Labrador, contesté par Terre-Neuve. Là encore, il insiste pour dire que ses relations avec Terre-Neuve et Labrador sont très bonnes.
En conclusion, on doit garder à l'esprit que cette entrevue de M. McDonald était sensé souligner le 400e de la fondation de Québec qu'ils abordent un peu au début de l'entrevue. Cependant, le corps de cette entrevue souligne plutôt la relation de Charest avec Harper et les autres provinces et son penchant conservateur de bon ententisme.
D'autre part, j'ai su que Jean Charest recevra bientôt la grand-croix de la Légion d'honneur des mains du désastre Sarkozy, tout comme Paul Desmarais, ce franco-ontarien assimilé, qui se dit maintenant québécois, ce dernier a confié récemment au magazine de la droite française «Le Point» qu'il est attaché à la liberté ainsi qu'à la démocratie et que si le Québec se sépare, ce sera sa fin.
Je pense que l'on comprend mieux maintenant que tout a été mis en oeuvre, avec la collaboration béate du maire Régis Lembeaumé, ce digne successeur de Mom Boucher, pour faire en sorte que le 400e du Québec ne serve surtout pas la cause nationale ou au rayonnement du fait français en Amérique.
Un franc succès, me direz-vous?
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Michel Guay Répondre

    18 juillet 2008

    Charest est en train de vendre le Québec pour des miettes comme jamais un premier ministre du Québec à osé faire .
    John Charest ne devrait même pas avoir ce droit d'être un élu au Québec pour avoir violé la loi référendaire Québecoise en 1995
    Son sourire est son déguisement en presque nationaliste Québecois mais son véritable visage est 100% fédéraliste et contre tous les droits nationaux et internationaux de la nation québecoise

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juillet 2008

    Bonjours M.Sénéchal.
    A tout prendre, le choix de l'Ex-Beatle Paul McCarney pour représenter l'Empire britannique dont semble si fier les organisateurs du 400e de la Ville de Québec, est un mal pour un bien, parait que le Lord va s'adresser à la foule dans la langue de Moliere, c'est pas peu dire.
    Il s'en fallu de peu que ce soit la Reine-Mère en personne, Elisabeth 2 que le Ministre des Affaires inter-gouvernementales libéral Benoît Pelletier aurait souhaité recevoir pour défiler sur La Grande-Allée, entouré de drapeaux canadiens au son des cornemuses. Stephen Harper a cependant refusé d'acquiescer à la demande du gouvernement Charest, le symbole britannique ne se prête pas aussi facilement à toutes sortes de tribus ou nations bien qu'elles s'effacent. Si seulement le King Elvis était encore de ce monde, imaginez tous les Elvis Graton qui s'en seraient donnés à coeur joie sur les plaines!

  • Archives de Vigile Répondre

    16 juillet 2008

    "Un franc succès, me direz-vous ?"
    D'un point de vue fédéraliste, il n'y a pas de doute que c'est un "grand" succès. J'imagine que dans les confessionaux du conseil de confédération, c'est une bonne façon D'ORGANISER le Québec.
    C'est la nuit au Québec. J'ai hâte que la lueur du jour se fasse voir et ENTENDRE. Dire que Duplessis parlait d'autonomie pour le Québec. Aujourd'hui, Dumont et Marois parlent de quoi au juste, sont-ils encore en vie?
    ...Le drapeau du Canada flotte à la maison des jeunes de La Malbaie...
    J'ai la rage au coeur.