Un tollé démesuré

France-Québec : fin du "ni-ni"?


"Much ado about nothing", comme diraient les Parisiens. Bien du chahut pour rien, en effet, que ce tollé suscité par la perspective, soulevée par Jean-Pierre Raffarin, que le président Sarkozy renouvelle la maxime dite du "ni-ni" datant de 1977 - maxime selon laquelle la France s'impose envers le Québec une attitude de "non-ingérence, non-indifférence".
Cette prudente formule, qui se voulait une réaction contre le fameux "Vive le Québec libre" du général de Gaulle, s'inscrivait dans le contexte préréférendaire. Le contexte, depuis, a évidemment changé. La souveraineté, repoussée par deux référendums successifs, n'est même plus à l'ordre du jour du Parti québécois!
Est-ce pour autant nécessaire de trouver une nouvelle formule pour définir les rapports de la France et du Québec? Pas du tout. Ce "ni-ni" convient à toutes les époques. On ne voit pas pourquoi les porte-plume de M. Sarkozy devraient s'échiner à fignoler quelque chose de neuf.
Cela dit, le tollé qu'a suscité ici cette histoire est totalement démesuré. À lire les commentaires outrés d'une Louise Beaudoin, on croirait que le destin du Québec tient à quatre mots, et que si la France se permettait de manifester le moindre intérêt envers le Canada, cela voudrait dire qu'elle laisserait tomber le Québec.
Mme Beaudoin estime que "toutes les grandes avancées internationales du Québec" depuis 30 ans sont dues à l'appui actif ou tacite de la France. Pas si vite! Il est vrai que la France ne s'est jamais mise en travers de la recherche de visibilité du Québec sur la scène internationale, et qu'elle a pu faciliter bien des choses en coulisse. Mais force est de constater que chaque "avancée" a d'abord tenu à la conjoncture canadienne.
Ainsi en fut-il de l'aménagement d'un statut spécial pour le Québec au sein de la Francophonie. C'est l'arrivée au pouvoir de Brian Mulroney qui a débloqué l'impasse, parce que M. Mulroney avait de bonnes relations avec les nationalistes québécois, et évidemment parce que cela le servait politiquement.
Même chose en ce qui concerne l'octroi d'une place au Québec à l'UNESCO. Stephen Harper y a vu l'occasion d'améliorer la position de son parti au Québec en répondant à une vieille demande de la classe politique québécoise.
Autrement dit, ces deux "avancées" tiennent essentiellement au poids politique du Québec au sein du Canada. On ne peut impunément négliger les sensibilités de la deuxième plus grosse province, avec ses 75 circonscriptions qui peuvent faire et défaire les gouvernements. MM. Mulroney et Harper ont accommodé certains désirs de reconnaissance internationale du Québec parce qu'ils avaient besoin politiquement du Québec, voilà tout.
Quant au dossier de la "diversité culturelle", il ne s'est jamais agi d'un dossier strictement québécois. La France a toujours voulu aménager des contrepoids à la puissance américaine, sur tous les plans, militaire ou diplomatique. À plus forte raison dans le domaine culturel! C'est un cas où les intérêts de la France convergeaient avec ceux du Québec et d'autres pays soucieux de se dégager de l'emprise des industries culturelles américaines.
Ce qui a changé, et qui évidemment a de quoi désoler Mme Beaudoin, c'est que la France, depuis quelques années, n'a pas d'yeux que pour le Québec.
Cela tient au dépérissement du mouvement souverainiste, mais aussi au fait que le Canada a conquis une modeste place dans l'imaginaire français. C'est dû, en partie, au travail de l'ambassade canadienne à Paris, qui a intelligemment changé sa stratégie de communication. Au lieu de s'engager dans de vaines querelles avec la Délégation, elle a fait connaître aux Français, sans pour autant négliger le Québec, diverses réalités canadiennes en multipliant les voyages de presse et en dépolitisant les dossiers.
Ainsi, les Français s'intéressent aux politiques d'immigration canadiennes, au multiculturalisme torontois, aux ressources naturelles albertaines, à la pêche dans les provinces Atlantique, etc. Surtout, on fait grand état, en France, de la façon dont le gouvernement canadien a réduit son déficit, parce que ce projet est l'une des grandes priorités du président français et que l'exemple canadien sert de modèle.
Cela n'entache aucunement la relation privilégiée que maintient la France avec le Québec. On peut aimer sans porter des oeillères!


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé