Bienvenue au beau pays de l'Absurdistan!

Comment se fait-il que tous les partis politiques ne soient pas d'accord avec des baisses d'impôts? C'est à n'y rien comprendre!

Sortie de crise


À Ottawa, il s'est développé, au fil des expériences, une pratique particulière en situation de gouvernement minoritaire. Quelques règles spécifiques, en somme, et quelques formes appropriées de comportement auxquelles on a recours dans un pareil cas de figure. C'est comme dans un "set carré": il faut au moins deux danseurs qui virevoltent enlacés pendant que les autres peuvent taper du pied et frapper des mains. Un exemple récent: lors du dépôt du dernier budget fédéral, le Bloc a accepté, de mauvaise grâce il est vrai, de valser avec le gouvernement conservateur, alors que le NPD et le PLC giguaient tout seuls dans leur coin. Mais, au Québec, cette culture du rigodon à plusieurs n'existe pas. Et c'est pourquoi on se retrouve soudainement en Absurdistan, avec des élections à l'horizon, en pleine canicule, deux mois à peine après un scrutin général. Espérons que la bulle dans laquelle les élus sont enfermés va éclater avant le vote fatidique sur le budget libéral.
Face à une situation aussi surréaliste, une petite question bien candide me traverse l'esprit: a-t-on pensé, juste un tout petit peu, au bon peuple des électeurs? Sûrement pas! Sinon, les députés et les chefs de partis auraient vite enregistré l'hostilité intégrale des citoyens pour des élections injustifiées en plein été.
Je sais bien que c'est d'une insolente vulgarité d'évoquer le peuple quand se déroule au Parlement un tournoi de nobles chevaliers de si haute tenue, mais enfin, c'est ce peuple qui vote, excusez-moi de rappeler cette trivialité. Il se pourrait bien qu'il décide de ne pas répondre à un appel aux urnes aussi absurde. Un taux de participation excessivement bas - car c'est ce qui surviendra sans doute - ne serait certes pas à l'honneur de la démocratie québécoise.
Pourtant...
Et, tout à fait entre nous, comment se fait-il que tous les partis politiques ne soient pas d'accord avec des baisses d'impôts? C'est à n'y rien comprendre! Le fardeau fiscal des Québécois est d'une pesanteur insoutenable et une majorité d'élus s'opposent à son allégement! Renversant! L'ADQ, surtout, depuis sa fondation, n'a cessé d'exiger de telles baisses. Maintenant qu'elles pourraient devenir réalité, le parti de Mario Dumont se cabre et s'oppose.
Je comprends que le PQ ne soit pas très porté sur les baisses d'impôts, sa vieille tendance interventionniste l'incitant à privilégier de nouvelles dépenses. Mais, l'ADQ?
La réduction du fardeau fiscal fait partie de son programme depuis toujours. Or, comme le parti s'est retrouvé à l'Assemblée nationale avec un logiciel d'opposition en cas de gouvernement majoritaire, il a appliqué mécaniquement la règle le "gouvernement propose, l'opposition s'oppose". C'est clair, c'est simple et ça fait plaisir.
Face à un gouvernement minoritaire, il faut changer de logiciel et c'est plus compliqué. Il est évident que Mario Dumont a négligé d'en emprunter à un parti d'opposition à Ottawa. Je suis sûr que le Bloc se serait empressé de luis refiler l'élément approprié.
Ces fameuses baisses d'impôts sont destinées à la classe moyenne. C'est elle qui porte la plus grande part du fardeau fiscal. Sachez que les familles de cette catégorie sociale, soit 20% des contribuables, paient plus de la moitié des impôts sur le revenu. Ce qui est compréhensible quand on sait que 40% de Québécois ne paient tout simplement pas d'impôts.
Mais, cette classe moyenne, siphonnée par le fisc, est une classe muette. Les syndiqués, les femmes, les entreprises, les pauvres, les locataires de HLM, les écolos et les pêcheurs à la mouche, peuvent tous compter sur des porte-parole verbeux à souhait et prompts à prendre à défense de leurs ouailles. Pas la classe moyenne, qui est pourtant une classe productive et besogneuse. Mais muette! Elle n'a personne pour parler en son nom.
Dans le cas présent, pour dire aux élus que cette baisse d'impôts, pour elle, est une bénédiction. Une bouffée d'oxygène. Pourtant, si on additionne libéraux et adéquistes qui ont tous courtisé la classe moyenne en lui faisant miroiter une réduction du fardeau fiscal, nous avons une forte majorité à l'Assemblée nationale. Étant donné que les muets sont vite oubliés...
Alors, peut-on sortir de cette impasse? Oui, à la condition que chaque parti change son logiciel de combat. Jean Charest doit cesser de faire le faraud et se rappeler qu'une élection aussi irrationnelle mettrait fin à sa carrière politique. C'est d'ailleurs à lui de prendre l'initiative pour sortir du cul-de-sac.
Quant aux deux autres partis, se montrer intraitable serait irresponsable. L'ADQ, d'ailleurs, n'a que des motifs plutôt artificiels pour s'opposer au budget. Et le PQ, lui, qui est sorti éclopé de la dernière bagarre électorale, devrait plutôt songer à panser ses plaies encore vives et à faire peau neuve.


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