Le château Frontenac - DAVID BOILY / AFP
Par Guerric Poncet - À l'occasion du 400e anniversaire de la ville
de Québec, lepoint.fr revient sur l'immigration française vers le Canada et
plus particulièrement vers la province du Québec ainsi que sur les us de
"nos cousins".
Chaque année, le Canada attire 270.000 immigrants du monde entier, dont
une grande quantité de Français, qui s'installent principalement à Montréal
et à Québec. Ainsi, même s'il est dix fois moins peuplé que les États-Unis,
le Canada et ses 33 millions d'habitants accueillent trois fois plus
d'immigrants. D'après la Maison des Français de l'étranger , un service du
ministère des Affaires étrangères, la communauté française au Canada est
estimée à 150.000 personnes.
Le Canada et particulièrement le Québec jouissent d'une excellente
réputation en France. L'image d'Épinal veut que le pays soit une terre de
rêve, pour qui veut vivre une expérience nouvelle dans des conditions
idéales. Par exemple, les obstacles à la création d'entreprise, dénoncés en
France, sont largement réduits au Québec. De même, le logement est plus
aisé et le coût de la vie est largement inférieur alors que le chômage
touche 6,1 % de la population active au Canada.
Pour les étudiants, c'est l'eldorado : les formations sont plus
professionnalisantes et accessibles. Les choix de cours sont beaucoup plus
libres, la plupart des cursus permettant à l'étudiant d'en choisir une
grande partie. Au contraire, en France, l'étudiant ne choisit que le
diplôme et la plupart des cours lui sont ensuite imposés. La Belle Province
séduit, car elle mélange intelligemment les modèles nord-américain et
français. En effet, le modèle social québécois est particulier en Amérique
du Nord, car il mêle un zeste de solidarité à la française à un dynamisme
économique résolument nord-américain.
De multiples obstacles
Mais tout n'est pas si facile. Le Canada et le Québec en particulier ont
une politique d'immigration extrêmement sélective. Pour être admis, il faut
correspondre à un profil recherché, c'est-à-dire pouvoir exercer l'un des
quelques métiers dont manque le Québec. Pour les étudiants étrangers, les
frais de scolarité sont très élevés, sauf pour les citoyens d'un pays
disposant d'un accord avec le gouvernement du Québec (dont la France).
Côté administratif, le système fédéral implique un partage des
compétences, en matière d'immigration notamment, entre Ottawa et Québec.
Ainsi, un candidat à l'immigration doit être accepté à la fois au Québec et
au Canada. Même si le casse-tête n'est pas insoluble, il n'est pas
négligeable.
Autre obstacle, souvent méconnu : l'hiver. Il ne s'agit pas que d'un mot :
l'hiver québécois est un mastodonte doté de nombreuses armes. Physiquement
d'abord, l'immigrant doit s'habituer au froid. Même si les hivers sont de
moins en moins durs ces dernières années, la température peut facilement
tomber à trente à quarante degrés en dessous de zéro. Comme disent les
fumeurs : impossible de sortir deux doigts pour tenir une cigarette. Les
tempêtes de neige sont parfois de véritables murs de glace qui s'abattent
régulièrement sur les villes d'octobre à fin avril, très loin des quelques
flocons qui, paradoxalement, arrivent chaque année à paralyser Paris.
Devenir québécois, un défi
Pour ceux qui survivraient au froid, l'hiver a un autre tour dans son sac
: l'attaque morale. L'absence de soleil dès le milieu d'après-midi,
combinée à des journées grisâtres peuvent rapidement avoir raison des
immigrants les plus motivés. Les Québécois, quant à eux, raffolent des
lampes spéciales qui reproduisent la lumière du soleil, et en installent
chez eux comme au bureau.
De très nombreux immigrants craquent après deux ou trois hivers. Ainsi, la
première chose qu'un Québécois demande à un immigrant, c'est le nombre
d'hivers qu'il a passés au Québec. Si la réponse est zéro, le Québécois
sourit et avertit. Si la réponse est comprise en un et cinq, le Québécois
reste perplexe. Enfin, si la réponse est supérieure à cinq, l'immigrant
devient presque un Québécois.
Devenir québécois est aussi, en soi, un défi. L'immigrant doit devenir
résident permanent, avant de pouvoir prétendre à la citoyenneté canadienne.
Cela prend, dans le meilleur des cas, trois à cinq ans. Dans les esprits,
la transition est parfois plus longue. L'accent français, bien réel, est
facilement détectable par des Québécois très fiers de leur identité, qui
n'assimilent pas aisément l'étranger, tout français qu'il soit.
L'impression de sympathie généralisée ressentie par le touriste, qui voit
des sourires partout et apprécie le tutoiement systématique, est vite
supplantée par une impression tout autre. Si le sourire est de mise, il n'a
pas la même signification qu'en France. Il n'est pas forcément synonyme
d'amitié, ni même de volonté de communiquer. Le sourire est simplement
omniprésent, ce qui est agréable, mais perturbant. Les Français mettent
souvent du temps avant de comprendre que les usages ne sont pas les mêmes,
et qu'il ne faut pas utiliser des normes sociales européennes pour se
comporter dans la société québécoise.
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