Au Québec, Fillon réveille les susceptibilités

Québec 400e - vu de l'étranger


De notre envoyé spécial à Québec Bruno Jeudy - François Fillon était à Québec, jeudi, pour assister à la célébration du
400e anniversaire de la fondation de la ville. Crédits photo : AP
En parlant de la «Belle Province» comme d'un «pays», le premier ministre a
lancé un début de polémique entre les tenants de l'indépendance et ceux du
Canada uni.

François Fillon a-t-il gaffé en qualifiant le Québec de «pays» ? Ses
déclarations ont en tout cas réveillé la polémique sur l'indépendance de la
«Belle Province». Durant son séjour, le premier ministre a en effet à
plusieurs reprises prononcé le mot de «pays» en parlant du Québec. Dans son
discours lors des cérémonies du 400e anniversaire (nos éditions de
vendredi), il avait aussi invoqué le souvenir du général de Gaulle qui
lança en 1967 : «Vive le Québec libre !» Ce qui avait ravi une partie des
Québécois, même si l'idée d'indépendance n'est plus forcément au goût du
jour.
Vendredi, François Fillon a assumé ses propos : «L'histoire, c'est
l'histoire. Il n'y a aucune raison de l'ignorer.» Pour lui, c'est grâce au
général de Gaulle que la France et le Québec ont renoué leurs relations en
1967. Quant au mot «pays», il en a donné un autre sens : «C'est un mot qui
a plusieurs sens. Je suis moi-même président du pays de Sablé-sur-Sarthe.
Chez moi, un pays est un endroit où il y a des paysans !» Pas sûr que cette
justification soit appréciée côté québécois. Fillon a insisté :
«Rassurez-vous, je ne suis pas venu créer un nouvel incident
diplomatique.»
Accord de libre échange
Le premier ministre québécois, Jean Charest, s'est voulu apaisant : «Il
faut se décoincer dans la relation France-Québec quand on parle du général
de Gaulle.» Au terme de la visite, les deux premiers ministres ont signé un
accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
L'objectif est de favoriser la mobilité de la main-d'œuvre entre la France
et le Québec. Il s'agit de permettre à des médecins, des ingénieurs ou des
artisans d'exercer plus facilement. «Nous, le plombier polonais, on le
veut», s'est félicité non sans humour Jean Charest, qualifiant cet accord
sur les qualifications de «première mondiale».
La signature sera officialisée lors du sommet de la francophonie qui se
tiendra à Québec les 17, 18 et 19 octobre, en présence de Nicolas Sarkozy.
À cette occasion, le chef de l'État, qui préside pour six mois l'Union
européenne, devrait enclencher la négociation d'un accord de libre-échange
entre le Canada et l'Europe.
François Fillon a achevé vendredi soir son périple québécois à Montréal et
laissé sur place son ami Alain Juppé, qui a enseigné au Québec pendant son
exil canadien et dont la ville, Bordeaux, est jumelée avec Québec. L'ancien
premier ministre a prévu de rallier à vélo Québec à Montréal par «le chemin
du Roy». Celui qu'avait emprunté le général de Gaulle le 24 juillet 1967 à
bord d'une Cadillac. L'écolo Juppé a prévu d'effectuer les trois cents
kilomètres en trois jours.



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INTERNATIONAL : Le discours de Fillon froisse les Québécois
Le Temps, Vendredi 4 juillet 2008


Ludovic Hirtzman, Montréal - Les dignitaires canadiens, québécois et français se sont succédé jeudi
dans un florilège de discours, pour rendre hommage à la fondation de la
ville de Québec il y a quatre cents ans par l'explorateur français Samuel
de Champlain. Les abords du prestigieux Château Frontenac étaient bondés de
curieux, venus écouter les discours officiels, malgré la pluie battante.
Le premier ministre François Fillon a rendu hommage aux fondateurs de la
capitale du Québec, qui ont traversé l'Atlantique pour fonder ce qui
s'appelait alors «Kébec», en langage amérindien. Puis, le Français a lancé:
«Voilà quarante ans qu'une grande voix, une voix historique, l'a tiré
(ndlr: le Québec), pour reprendre un mot qui vous appartient, de son
hivernement.» La référence au général de Gaulle, et à son fameux «Vive le
Québec libre!», a étonné. «L'hivernement» a rappelé crûment aux Québécois
que le Québec n'a pas toujours été prospère et surtout que ce serait les
Français et Charles de Gaulle qui ont tiré la Belle Province de ce mauvais
pas. La déclaration, au parfum un peu colonialiste, a été moyennement
appréciée au Québec. François Fillon, qui semble avoir oublié que la
Nouvelle-France n'est plus française depuis 1763, en a rajouté: «Il n'y a
qu'une France et c'est elle qui depuis quatre siècles est présente en
Amérique.»


http://www.letemps.ch/template/international.asp?page=4&article=235420


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