Le «nouveau Charest» et la désaffection civique

Élection du 8 décembre 2008 - Résultats



Une courte majorité. Mais une épaisse couche de cynisme. De toute son existence, le Québec n'aura jamais si peu voté. Jean Charest se maintient au pouvoir avec l'appui de moins de 25 % des électeurs. Le pire score de toute l'Amérique du Nord. Pire que celui des Américains! Un record de désaffection civique. Une magistrale régression démocratique. Comment en sommes-nous arrivés là? Une addition de facteurs.
D'abord, la répétition abusive du processus. Usant! Ensuite, l'instrumentalisation strictement partisane de l'exercice à la seule fin de s'incruster au pouvoir. Dégradant. Troisièmement, le formatage du message comme des publicités répétées. Abrutissant! Quatrièmement, le tout sur fond de combat de coqs. Abêtissant! Plus grave encore, des politiciens savaient qu'ils allaient trouver leur compte dans la dépolitisation du processus démocratique. Navrant! J'ai nommé Jean Charest.
Il s'est foutu de notre gueule
Cette élection n'avait pas lieu d'être. Le peuple le savait. Il l'a dit. On s'est foutu de sa gueule. Il s'est foutu de la gueule des politiciens.
On lui a dit qu'il y avait une récession MONDIALE et qu'une tempête terrible allait s'abattre. Aucun plan, aucun chiffre. Plutôt des millions et des milliards. Et dans un type d'État sans grands pouvoirs, sans ressources significatives et sans accès aux forums où s'élaborent les solutions durables. Quand c'est MONDIAL, ce n'est pas provincial, ça regarde Ottawa. Quand c'est l'économie, ce n'est pas les services, ça le regarde aussi. D'ailleurs, en pleine campagne électorale québécoise, les manifestants interpellaient Harper, pas Charest. D'autant plus que lui-même s'échinait à ignorer le seul instrument de développement économique qu'il avait à sa portée, la Caisse de dépôt et de placement, dont il ne voulait pour rien au monde entendre parler. Alors l'économie? C'était pour faire semblant! Le peuple l'a vite su. Il a haussé les épaules et détourné la tête.
Il nous a pris pour des consommateurs, pas des citoyens
Mais il y avait aussi un «nouveau Charest», lui a-t-on dit. «Packagé» et vendu comme un nouveau produit «plus authentique», «moins arrogant», «rassembleur». Résultat de travaux de focus-groups et de données de sondages, le nouveau «produit Charest» fut mis en marché comme le sont les nouvelles savonnettes, dans des contextes parfaitement contrôlés. Sans retour. Sans débat. Le message s'adressait aux consommateurs. Les citoyens, eux, sont restés chez eux.
Il a exhibé un faux passeport
Et ce produit était maintenant québécois! Il a planté Harper (oui, délicatement!). Il a défendu le Bloc (oui, avec hésitations). Il a fait appel aux votes souverainistes (oui, en se pinçant les lèvres). Et maintenant, il rêve d'une «stature» internationale pour le Québec (oui, pour faire oublier que la question de son statut en est la condition première!). Il a parlé avec monsieur Sarkozy (oui, entre deux avions). Etc. Etc. «Il y a bel et bien une révolution Charest», nous affirme Patrice Servant, son principal rédacteur de discours, dans La Presse du 11 décembre dernier, en nous assurant qu'il était maintenant, «pleinement et en son âme et conscience, premier ministre du Québec». Ah oui! Et non plus «Captain Canada»? Qui l'a cru? Il est vrai que le Québec est habitué aux belles phrases. Elles jalonnent son histoire. Même M. Harper, naguère, en a eu des jolies à son endroit. Y aurait-il des surprises à en entendre de la bouche de M. Charest? Peut-être pas. Est-ce suffisant pour aller voter? Assurément non.
La presse: beaucoup de coulisses, peu d'enjeux
Ce qui n'aide pas, c'est la dérive médiatique de plus en plus prononcée à couvrir les campagnes électorales davantage comme des combats de coqs que comme des choix de société à débattre et à faire. On nous dit tout des politiciens. Très peu des politiques. Tout des coulisses. Très peu des enjeux. Nous sommes au spectacle! La presse elle-même y détenant un grand rôle avec ses «unes» et ses «scoops» pas toujours dépourvus d'intérêt, y compris pécuniaires. Et nous?
Toujours consommateurs. Très peu citoyens.
Duplessis n'est plus un modèle
La démocratie est une construction permanente. Le processus électoral est un processus dont la modalité est délicate. Cette fois-ci, au Québec en décembre, comme au Canada en octobre, elle a été détournée de sa finalité par opportunisme, électoralisme et partisanerie crasse. Résultats? Abstentionnisme record, cynisme et dépolitisation qui sont de puissants ingrédients d'une démocratie musclée ou d'une gouvernance autoritaire. En 2008, il devrait être permis de rêver à des objectifs autres que ceux de battre les records de Maurice Duplessis ?
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Gérald Larose, Président du Conseil de la souveraineté du Québec


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