Le multiculturalisme contre la fraternité

Chronique de José Fontaine

Le multicuturalisme, ce n'est pas nécessairement le fait de prôner le dialogue entre les cultures. C'est probablement l'idéologie la plus commune à la Belgique et au Canada pour y réprimer les volontés d'autonomie au nom de principes qui s'affublent de moralité universelle.
Canada et Belgique
Il y a quelque chose de commun à la Belgique et au Canada, c'est qu'y coexistent deux cultures affirmées. Lorsque je suis allé au Québec, j'ai été étonné de revoir, certes sous une autre forme, ce qui est prôné en Belgique unitariste également, c'est-à-dire non pas exactement le bilinguisme qui est le fait de l'individu, mais une sorte de diglossie (deux langues existent dans une même communauté), qui fait que tant au Canada qu'en Belgique, ne sont vraiment belges ou canadiens que ceux qui contiennent en eux-mêmes cette dualité en quelque sorte par naissance. Nature qui devrait s'imposer à tous.
De la dualité culturelle on passe d'ailleurs très vite au multiculturalisme. Pourtant, ce n'est pas à cette pluralité culturelle que je veux m'en prendre ici, mais à la façon dont la coexistence de plusieurs cultures est manipulé dans un seul sens, celui de l'unité canadienne ou de l'unité belge. Il arrive aussi que l'on utilise la métaphore du métissage. C'est une métaphore trompeuse. Personne ne peut évidemment s'élever contre le fait du métissage, d'autant plus qu'il dément radicalement l'odieuse idéologie raciste adversaire des mélanges. Nous sommes tous des êtres humains et le métissage le fonde et le prouve. Mais faut-il étendre cette idée du métissage aux cultures? Autrement dit encore, faut-il prôner l'idée du métissage des cultures de la même manière qu'il faut prôner l'idée d'une société multiraciale contre les xénophobes?
Le métissage métaphore douteuse
C'est la métaphore et son idéologisation qui est douteuse, pas le fait bien sûr, je le redis. L'idéologie du métissage ou du multiculturalisme ont les apparences en leur faveur, là où des cultures sont en conflit. Elles semblent signifier que la dualité peut être dépassée, que la contradiction des appartenances peut être surmontée puisque nous appartiendrions tous finalement à toutes les cultures. Mais c'est une façon commode de se débarrasser de l'altérité ou de l'étrangeté des cultures les unes par rapport aux autres. Et donc de l'humanité même des êtres humains.

D'autant plus que cette appartenance à toutes les cultures ne s'énonce pas dans l'abstrait. Elle s'énonce dans des Etats bien concrets, le Canada ou la Belgique qui sont également des nations dont l'unité est mise à mal par la contradiction de deux appartenances. En identifiant unité canadienne ou unité belge au dépassement de la dualité nationale et même au-delà, en identifiant unité canadienne et belge au dépassement multiculturel, les idéologues nationalistes canadiens ou belges, par un tour de passe-passe habile, transforme l'adhésion à la nation belge ou à la nation canadienne en adhésion à l'universel - un faux universel, celui du syncrétisme. Vouloir autre chose que le Canada ou la Belgique ce serait alors refuser l'«ouverture» et lui préférer le «repli».
Ne pas confondre dialogue et syncrétisme
J'ai relu l'autre jour la très belle conférence prononcée par Paul Ricoeur sous le titre Civilisation universelle et cultures nationale, parue dans le recueil de textes Histoire et vérité. Ricoeur s'y affirmait d'emblée comme opposé à ce qu'il appelle les «syncrétismes vagues» qui sont au fond comme le multiculturalisme, des façons d'échapper au drame de la rencontre, à l'exigence du dialogue qui est aussi l'exigence de la création. Le multiculturalisme qui tend à nier les cultures en les mélangeant toutes, est ce syncrétisme dont le philosophe français soulignait bien qu'il est un «précipité historique», un phénomène de «retombée» ne comportant rien de créatif et justement rien d'ouvert, rien de fraternel. Le nationalisme canadien ou belge visent de même à nier les différences et à empêcher le dialogue entre les cultures. Car dès qu'il y a dialogue, un conflit possible existe et c'est ce qu'ils veulent éviter. Or, il n'y a rien d'aussi mortel que de refuser dialogue et conflit. L'unité humaine, comme l'a vu Taguieff n'est pas logique mais tragique. Car on doit tenir - à la fois [ Humanité une et diverse, piège de nombreux débats [(la position de Taguieff) ]]- , que les hommes sont semblables et qu'ils sont différents. Dire cela c'est se contredire. Mais croire que l'on pourrait concilier les deux par un raisonnement abstrait, logique, c'est espérer en une humanité d'un seul bloc, granitique, sans fissures, nier la liberté comme le font souvent les utopies.
Et la fraternité.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    13 avril 2013

    Dire que toutes les cultures se ressemblent, voudrait aussi dire qu'ici au Canada, nous enlevons le clitoris aux fillettes.
    Cela voudrait dire aussi, que nous nous faisons des guerres tribales nous aussi, comme les musulmans dans les pays du Moyen-Orient.
    Cela voudrait dire aussi, que nous enseignerions la haine des autres cultures et autres races a nos enfants.
    Cela voudrait dire aussi, que nous marierions nos jeunes filles en bas age.
    Cela veut dire aussi, que nous dirions a nos descendants de ne pas épouser ou entrer en relation avec d'autres cultures différentes de la notre.
    Il est assez paradoxal aussi de d'essayer de faire insérer des gens mono culturel dans une société qui prone le multiculturalisme a tour de bras.
    Comme le disait M. Winston Churchill: ''C'est comme essayer de mélanger de l'huile et du vinaigre''
    Arretez de l'agiter et l'huile se séparera du vinaigre.
    Nous avons des décideurs UTOPISTES et nous sommes de grands UTOPISTES comme citoyens occidentaux, car tous les occidentaux son concernés par cette attitude.
    Je vous envoi un lien: Le principe de la fraternité en islam.
    Un musulman est un frere d'un autre musulman, peu importe ou il habite, Arabie-Saoudite, Jordanie, Palestine, Canada, Iran, USA' etc.. Par contre, un musulman ne sera jamais un confrere d'un non musulman peu importe ou il habite, meme dans son propre pays. Comme par exemple, un Égyptien ou un turc non musulman, sont considérés comme des intrus et non des Égyptiens meme si l'Égypte est chrétienne copte depuis des siecles ou qu'un Turc qui a des ancetres depuis des siecles en Turquie sont aussi des intrus et doivent quitter leurs pays ou se convertir a l'islam s'ils veulent etre considérés comme des Égyptiens ou de Turcs.
    http://europenews.dk/en/node/49441