QUÉBEC

Le grand coup

Avec Anticosti, Marois indique qu’elle entend, elle aussi, parler d’économie

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Le PLQ et la CAQ déculottés

Québec — Tant Philippe Couillard que François Legault souhaitaient qu’on sorte du débat sur la charte de la laïcité pour qu’on parle enfin d’économie. À l’approche du déclenchement des élections, Pauline Marois, en annonçant un investissement majeur dans l’exploration des gisements pétroliers de l’île d’Anticosti, a passé le message qu’ils ne seront pas les seuls à parler d’économie lors de la prochaine campagne.
Les négociations entre le gouvernement Marois et les entreprises qui détiennent les permis d’exploration pour le pétrole de l’île d’Anticosti avaient commencé l’été dernier. Avec la transaction de 115 millions annoncée jeudi et en tenant compte des participations et des options qu’il détient déjà, l’État québécois détiendra 48 % de Pétrolia et 42 % de Junex, ou près de la moitié des permis de l’île.

Il s’agit donc de la moitié des droits que détenait Hydro-Québec en 2003 au moment où le gouvernement Charest forçait la société d’État à les céder pour presque rien au secteur privé. Un cadeau de quelque 300 millions au regard de la valeur actuelle.

Mais au cabinet du ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, on estime tout de même que la transaction s’est faite à bon prix. Les propriétaires des droits avaient du mal à trouver du capital : certes, ils pouvaient faire miroiter un potentiel de plusieurs milliards de barils mais, en revanche, ils ne pouvaient fournir aucune garantie que l’État en autoriserait l’extraction.

L’engagement de l’État dans l’exploitation, « c’était possiblement la seule façon d’avoir une adhésion large de la population », souligne-t-on aux Finances. Après la déconfiture du gaz de schiste, c’est un constat que l’industrie elle-même faisait sien.

Au gouvernement, on comprend qu’il existe de fortes réticences dans la population quant à l’exploitation des ressources pétrolières par l’entreprise privée. Mais si c’est l’État qui s’en charge, si c’est la collectivité qui en tire profit, ces réticences tombent en grande partie. C’est ce que certains sondages montrent. Une majorité de Québécois juge que les ressources naturelles comme l’hydroélectricité et les hydrocarbures sont des richesses collectives qu’il ne faut pas brader à des intérêts privés.

Avec cette transaction, Pauline Marois montre qu’elle a de la suite dans les idées. En 2008, à la suite d’une mission en Norvège, la chef péquiste avait été séduite par ce modèle où l’État possède 49 % de l’exploitation pétrolifère. Elle l’avait fait sien et, des paroles, elle est passée aux actes.

Auparavant, la première ministre a su vaincre l’opposition des écologistes dans ses rangs. L’irréductible Martine Ouellet a dû choisir sa bataille, mais une seule, celle des gaz de schiste, qu’elle a remportée. La chef péquiste a réussi à réduire au silence l’intempestif Daniel Breton en l’associant à l’électrification des transports. Exploiter le pétrole, oui, afin de réduire la dépendance du Québec au pétrole importé, mais diminuer aussi la consommation de l’or noir grâce à cette électrification et les transports en commun, que l’on appelle étrangement aujourd’hui — signe des temps — mobilité durable, ce qui fait penser au mouvement perpétuel.

Certes, les groupes écologistes n’ont pas attendu pour monter aux barricades. Mais faute d’un appui populaire, ils ne parviendront pas à contrer l’exploration pétrolière comme ils l’ont fait pour le gaz de schiste, prévoit-on. Le PQ déplaît à gauche aux sympathisants de Québec solidaire, mais on ne se fait pas de soucis : on prédit que le parti de Françoise David et Amir Khadir ne fera élire que ses deux têtes d’affiche, sans plus. Et puis, « un gouvernement majoritaire, ça se gagne au centre », rappelle-t-on.

L’initiative déculotte les deux autres adversaires, la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Québec. François Legault a déjà salué la transaction puisqu’il en a fait la proposition.

Il est vrai qu’il pourrait s’agir d’un mirage. Les gisements de pétrole de schiste de l’île d’Anticosti pourraient s’avérer impossibles à exploiter de façon économique ; les quantités pourraient ne pas être au rendez-vous. Mais voilà, avec l’investissement annoncé jeudi — les forages commencent cet été pour se poursuivre l’an prochain —, on en aura le coeur net dans deux ans, assure-t-on. Dans l’état actuel des choses, les sociétés privées, laissées à elles-mêmes, encore là faute d’acceptation sociale, n’auraient pu y parvenir, aussi rapidement du moins.

Manifestement, Pauline Marois vient d’abattre une carte maîtresse. La chef péquiste illustre concrètement en quoi consiste sa stratégie économique. Création d’emplois et de richesse grâce aux leviers de l’État, volontarisme économique pour « fouetter la croissance », comme elle le dit, la chef péquiste fait la preuve qu’elle est en action. On peut être pour ou contre cette approche interventionniste, mais en campagne électorale, Pauline Marois pourra parler d’économie sans faire des bulles.


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