Réponse à Gérald Larose

Le devoir de cohérence

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars


Chacun a ses propres valeurs et je ne discuterai pas celles de Gérald Larose, mais je crois que la cohérence est la principale valeur qui doit fonder l'action politique dans une société démocratique parce que les citoyens ont besoin de confiance et de fiabilité pour exercer un choix éclairé entre divers projets politiques. Or le Parti québécois, au nom de l'électoralisme, n'a pas été un parangon de vertu à cet égard. Il nous a habitués à des contorsions idéologiques et stratégiques. Il a arrimé son destin à la boussole des sondages et a joué plusieurs fois le refrain des conditions gagnantes et du vote stratégique.
Faut-il rappeler à Gérald Larose, [qui écrivait cette semaine en cette page->11089], que le Parti québécois a déjà pris le beau risque du fédéralisme, qu'il a considéré la souveraineté comme une police d'assurance qu'on pouvait mettre au placard le temps d'un scrutin? Il est par la suite revenu à son option fondamentale et l'a défendue jusqu'en 1996, puis l'a de nouveau remisée au musée des espoirs. Tous ces aléas n'ont sans doute pas renforcé la crédibilité du mouvement souverainiste. Un projet dont on ne veut pas assumer la défense et dont on peut suspendre indéfiniment la réalisation ne peut pas être pris au sérieux et avoir force de conviction. Il n'est pas étonnant que de nombreux Québécois soient allés voir ailleurs.
Cette fois-ci, c'est «le référendisme» qu'il faut «congédier» pour bâtir un pays dans le cadre constitutionnel canadien. Gérald Larose propose que le Parti québécois ne fasse plus de référendum, du moins à court terme. Voilà une nouvelle stratégie bien adaptée à l'ère du temps puisque, depuis des lustres, les fédéralistes nous disent à quel point les référendums sont néfastes et divisifs. Même des souverainistes historiques partagent le point de vue des hérauts de la normalisation québécoise. Mario Dumont nous le dit depuis au moins dix ans. Pourquoi le citoyen ferait-il confiance à un nouveau converti?
Objectif: souveraineté
La proposition que j'ai faite au Parti québécois visait essentiellement à utiliser le processus électoral pour faire la promotion de la souveraineté et à régler la question du référendum, qui est toujours au programme de ce parti, dans les meilleurs délais. Je suis d'accord avec M. Larose pour dire qu'on ne peut pas construire un pays en restreignant le débat à une période référendaire. C'est plutôt en faisant de la souveraineté un objectif qui prime sur tous les autres et en tout temps.
Mais je diverge d'opinion avec lui lorsqu'il cherche à justifier l'évacuation de la souveraineté comme enjeu des prochaines élections. Sa position n'est pas non plus très limpide en ce qui a trait à la démarche qui nous donnera accès à l'indépendance. Et, comble d'ironie, lui qui pourfend le référendisme ajoute que «congédier le référendisme n'équivaut pas à renoncer au processus référendaire». On annoncera sans doute un jour au bon peuple ébahi la feuille de route à suivre pour légitimer le changement de régime politique. Comment ce flou stratégique permettra-t-il de regagner la confiance des militants?
L'objet du débat n'est pas de savoir si le référendum est une bonne ou une mauvaise stratégie mais de savoir si le Parti québécois sera un parti souverainiste ou un parti nationaliste et s'il fera de la souveraineté un enjeu électoral. Les Québécois auront-ils à voter pour un parti dont la priorité est la réalisation de l'indépendance ou voteront-ils pour un parti qui veut construire une identité québécoise dans le cadre du fédéralisme puisque, ne l'oublions pas, le Québec fait toujours parti du Canada?
Des intentions claires
Autrement dit, si je vote pour le Parti québécois, mon vote servira-t-il à faire avancer la réalisation de la souveraineté ou servira-il à renforcer la légitimité du fédéralisme canadien? Que le Parti québécois revienne à l'affirmation nationale et qu'il veuille gérer une province, cela se conçoit, et cela aurait le mérite de clarifier les enjeux. Si le Parti québécois nous dit qu'on peut défendre l'intérêt national du Québec dans le cadre de la Constitution canadienne en faisant adopter des mesures de défense culturelle, fort bien.
Mais on ne peut pas en même temps justifier la nécessité de la souveraineté. Il y a des limites à l'incohérence et à l'ambivalence. Si cette logique prévalait au cours des prochains mois, je ne vois pas quelle différence fondamentale il y aurait entre le PQ, le PLQ et l'ADQ. Nous aurions trois partis qui réclament divers degrés d'autonomie dans le cadre canadien. Il y aurait toutefois un fossé de crédibilité entre le PQ et ses deux adversaires qu'on ne peut pas taxer d'incohérence puisque les deux autres partis n'ont jamais voulu sortir du Canada.
Quant à moi, j'estime que c'est la responsabilité première d'un parti de dire clairement quelles sont ses intentions. Je m'investirai dans un parti qui correspond à ce que je pense être la meilleure voie d'avenir pour le Québec, et ce n'est pas la voie de l'autonomie provinciale. À moins de vouloir jouer sur les mots et d'entretenir la confusion, on ne construit pas un pays en étant un gouvernement provincial comme si on pouvait finalement tout faire dans le cadre du fédéralisme.
Le seul changement de cap stratégique qui vaille et qui soit innovateur consisterait à mettre fin aux tergiversations. C'est par la constance de ses engagements et par la cohérence de son discours qu'un parti peut inspirer confiance aux citoyens. Mon vote est trop important pour le confier à un parti qui ne me dit pas clairement à quoi il va servir tant sur le plan national que sur le plan social. Espérons que ce débat servira à clarifier la position du Parti québécois.
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Denis Monière, Professeur de science politique à l'Université de Montréal
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