Ce samedi 20 avril avait lieu le Conseil général du Bloc québécois, le deuxième depuis la cuisante défaite de mai 2011. Il va sans dire que l'ambiance était totalement différente de celle de l'an dernier, aux dires des participants. Et pour cause! Le Bloc reprend progressivement sa place sur l'écran radar de la politique fédérale. Il était inspirant de voir le dynamisme qui transpirait de ces 150 militants, soit deux délégués par circonscription. Du nombre, beaucoup de jeunes. Plus que j'ai pu en voir dans de nombreux autres évènements politiques auxquels j'ai déjà participé.
Après s'être accordé du temps pour réfléchir, nombreux sont les militants qui sont revenus au bercail. Les anciennes têtes se mélangent ainsi avec les nouvelles, elles aussi très présentes.
Malgré tout, il serait erroné de penser qu'il ne reste pas des souverainistes qui soient encore sceptiques quant au rôle et à la pertinence du Bloc québécois. J'entreprendrai donc, dans les lignes qui suivent, de défaire les principaux mythes qui sont entretenus à son égard.
1. La souveraineté se fera à Québec, pas à Ottawa
C'est évidemment vrai. Toutefois, puisque nous devrons incontestablement négocier avec le gouvernement fédéral au lendemain de la décision du peuple québécois, il faut préparer le terrain à Ottawa. Ce n'est pas à Québec que nous aurons un quelconque impact sur tout ce qui se décide au fédéral. Pensons notamment à la Loi sur la Clarté référendaire.
De plus, des forces vives, nous en avons besoin aussi à Ottawa. Advenant une campagne référendaire, il serait nettement préférable, et c'est peu dire, de pouvoir compter sur un grand nombre de députés fédéraux indépendantistes pour riposter efficacement au camp du NON. Il ne faudrait pas sous-estimer le rôle que ces derniers ont joué en 1995.
2. Le Bloc ne sert à rien puisqu'il n'a aucune chance de prendre le pouvoir
Si on suit ce raisonnement, alors sur la scène provinciale, Québec solidaire et Option nationale devraient disparaître. Mais nous savons tous que ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. Le Bloc ne cherche pas le pouvoir, c'est évident - et surtout, impossible -, pas plus qu'il n'envisage former l'Opposition officielle. Mais, ne serait-ce qu'avec un siège au Parlement, on arrive à faire entendre ses idées. Et le Bloc, avec son nombre de députés oscillant entre 38 et 54 depuis sa première élection en 1993 et jusqu'en 2011, avait largement la possibilité de le faire. C'est ainsi qu'il nous a si bien défendu toutes ces années.
Cependant, maintenant, avec seulement cinq députés (le néo-démocrate Claude Patry a quitté les rangs de son parti pour joindre ceux du BQ il y a quelques semaines), le Bloc ne peut poser qu'une question par jour à la Chambre des communes, n'a pas le droit de parole et n'a pas de place dans les comités parlementaires. Il ne peut ainsi prétendre mener une joute efficace contre les assauts du fédéral et c'est pourquoi il est impératif que les Québécois reportent un grand nombre de députés bloquistes à la Chambre des communes lors des prochaines élections fédérales qui devraient avoir lieu en 2015.
3. Le Bloc n'est que le prolongement du Parti québécois, mais sur la scène fédérale
Au contraire, le Bloc se veut un parti où, enfin, tous les souverainistes québécois peuvent être réunis en un seul et même lieu, formant un seul et même «bloc» - c'est le cas de le dire! - contre le gouvernement fédéral. Beaucoup de membres actifs du Bloc appuient Option nationale ou Québec solidaire. Certains viennent même de la Coalition avenir Québec. Il y a des bloquistes plus à gauche, d'autres plus à droite. Les opinions politiques sont en ce sens très diversifiées, mais tous les militants ont un point en commun: l'indépendance du Québec comme nécessité.
4. Le Québec peut faire la différence au Canada et empêcher la réélection de Stephen Harper s'il appuie massivement le NPD
Ce n'est malheureusement pas le cas. Le Québec, depuis quelques années, perd de plus en plus de son poids politique dans le Canada, pour des raisons démographiques et ce, au profit de l'ouest du pays. Ainsi, il était auparavant impossible pour un parti fédéral de se faire porter au pouvoir s'il ne pouvait pas compter sur l'appui du Québec et de l'Ontario. Ce n'est aujourd'hui plus le cas, comme en ont témoigné les dernières élections de mai 2011 où, malgré une forte opposition au Québec (seulement 6 des 75 sièges sont allés aux conservateurs), Stephen Harper a réussi à former un gouvernement majoritaire.
Pourtant, les Québécois avaient fait élire 58 députés néo-démocrates, score qui sera difficile, voire impossible à égaler avec l'arrivée de Justin Trudeau à la tête du Parti libéral du Canada. Cela est bien sûr quelque peu simpliste, me direz-vous, puisqu'il n'est pas certain que les Canadiens votent aussi massivement pour M. Harper aux prochaines élections, j'en conviens et les derniers sondages le confirment également. Il ne faut toutefois pas oublier la conjoncture de mai 2011, où le PLC avait atteint un creux historique. Dans le reste du Canada, encore plus qu'au Québec, l'effet Trudeau risque donc de changer la donne et de reporter le PLC dans la catégorie de parti aspirant sérieusement au pouvoir, au détriment du NPD qui, dépourvu du charismatique et regretté Jack Layton, ne pourra se démarquer hors Québec dans ce contexte. Bref, toute stratégie en ce sens se trouve alors vaine.
5. Le NPD défend tout aussi bien les intérêts du Québec étant donné que la majorité de ses sièges à la Chambre des communes proviennent du Québec
Les néo-démocrates ne s'attendaient pas à faire élire autant de députés au Québec lors de la dernière élection, il va sans dire. La compétence de certains laisse donc à désirer, dans plusieurs cas, car beaucoup ne servaient que de «candidats-poteau». On ne peut pas leur en vouloir, ces personnes ont voulu aider le NPD à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, mais sans jamais envisager qu'ils pourraient être élus, ce qui explique qu'un grand nombre d'entre eux n'ait pas fait campagne.
Quiconque suit la scène politique fédérale de près sait donc que les députés néo-démocrates sont bien souvent mal préparés pour faire face à la musique des débats en chambre. Vous souvenez-vous du ridicule de l'opposition adéquiste au Québec entre 2007 et 2008? La ressemblance est frappante, mais on en entend beaucoup moins parler, parce qu'au Québec, la politique canadienne intéresse peu (cela sonne-t-il une petite cloche?).
Outre cela, qui peut réellement prétendre que le NPD se préoccupe des intérêts du Québec? En effet, depuis 2011, le NPD a, entre autres, donné son aval au projet du Bas-Churchill, qui fera une concurrence déloyale à Hydro-Québec faisant ainsi perdre des millions de dollars aux Québécois. Il a aussi cautionné la nomination d'un juge unilingue anglophone et a proposé une «nouvelle loi de la Clarté» qui est, à plusieurs égards, encore pire que la loi libérale originale. On ne peut toutefois pas reprocher au NPD de favoriser les intérêts canadiens: c'est un parti fédéraliste! Les néo-démocrates doivent donc obéir à une ligne de parti conforme à leur vision des intérêts canadiens, qui sont bien souvent contraires à ceux du Québec, de par leur nature fondamentale (ce pour quoi il est si important de faire la souveraineté, par ailleurs).
De surcroît, le NPD est le parti le plus centralisateur de tous les partis fédéraux, c'est-à-dire qu'il prône plus de pouvoirs à Ottawa, moins aux provinces et donc, un accroissement de l'État fédéral. Le PLC souhaite la même chose, par ailleurs. Cela est évidemment contraire à toute visée indépendantiste, qui souhaite justement en finir avec l'État fédéral. Malgré la bonne volonté des Québécois, il n'est donc pas du tout dans notre intérêt (et ce, peu importe notre positionnement politique sur l'axe gauche-droite) d'appuyer le NPD, pas plus que le PLC.
En définitive, tant que la souveraineté ne sera pas réalisée, on doit s'assurer que la nation québécoise sera respectée à Ottawa. Et puisqu'aucun parti fédéraliste ne peut répondre à cela, le Bloc québécois doit retourner en force à la Chambre des communes en 2015.
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