Le fruit est mûr pour que François Legault fasse une profession de foi souverainiste, selon le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon. Mais l’« appétit pour la souveraineté » n’est pas là, a répliqué jeudi le premier ministre.
D’après le chef du Parti québécois (PQ), le temps pour faire l’indépendance commence à manquer. En refusant « trois fois en 48 heures » de confier davantage de pouvoirs au Québec en matière d’immigration, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a lancé un message clair à son homologue québécois, a analysé M. St-Pierre Plamondon lors d’un point de presse à l’hôtel du Parlement, jeudi.
« Le premier ministre du Québec dit : c’est une question de survie pour l’avenir de notre nation, a soulevé le chef du Parti québécois. Je pense que c’est un appel au devoir, que je lance à François Legault. »
« Vous avez des prédécesseurs, M. Legault, qui ont osé dire : “Si vous ne nous donnez pas un traitement équitable, ce sera notre liberté, notre indépendance”. Je demande que François Legault nomme cette possibilité-là », a-t-il enchaîné.
Le bon véhicule ?
Mercredi, en marge du dévoilement de la statue de son ex-mari Jacques Parizeau, l’ancienne députée péquiste Lisette Lapointe a convenu qu’elle voyait du « très bon » dans le projet nationaliste de la Coalition avenir Québec. Tellement qu’à ses yeux, il pourrait guider le Québec vers l’indépendance.
Aux yeux de l’ex-premier ministre Lucien Bouchard, lui aussi présent à l’inauguration du monument, le véhicule traditionnel de la souveraineté, le PQ, pourrait avoir poussé son dernier souffle. « Les véhicules en politique, ça peut se remplacer. Ce sont des véhicules », a-t-il lancé aux journalistes mercredi.
Or, jeudi, moins de 24 heures après avoir lui-même participé au dévoilement de la statue, François Legault s’est appliqué à cadrer le programme de la Coalition avenir Québec (CAQ) à l’intérieur du fédéralisme canadien. « D’abord, il faut faire une distinction. On est un parti nationaliste, à l’intérieur du Canada. “Nationaliste”, ça veut dire quoi ? Entre autres, promouvoir et protéger le français », a-t-il dit juste avant son entrée au Salon bleu.
Le chef caquiste maintient que l’opinion publique québécoise n’est pas intéressée par le projet souverainiste. « Moi, je veux être nationaliste à l’intérieur du Canada. Il n’y a pas d’appétit pour la souveraineté », a-t-il poursuivi.
Le caucus de la CAQ rassemble tant des députés indépendantistes que des fédéralistes. Interrogés sur leurs positions mardi, une dizaine d’élus se sont contentés de faire un plaidoyer en faveur du « nationalisme ».
Selon le député de Chauveau, Sylvain Lévesque, la souveraineté, « ce n’est pas dans les cordes de la CAQ ». Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, qui affirme avoir déjà été indépendantiste, a comme « premier souci la pérennité et la prospérité de la nation du Québec ». « Mais je suis tout à fait à l’aise avec le contexte actuel », a-t-il dit jeudi.
Ancien député du PQ, le ministre caquiste de l’Environnement, Benoit Charette, a abandonné ses convictions souverainistes. « Pour ma part, c’est terminé, a-t-il convenu lors d’un impromptu de presse. Les Québécois ont aussi tranché cette question-là. »
Des intentions caché ?
Qu’à cela ne tienne, le Parti libéral du Québec ne croit pas François Legault quand il dit qu’il ne fera pas de référendum. À la mi-avril, le député Marc Tanguay exhortait le chef du gouvernement à afficher ses couleurs. Jeudi, le leader parlementaire libéral, André Fortin, a renchéri.
« M. Legault a dit que, pour arriver à un consensus, il fallait rapatrier des pouvoirs en immigration, il fallait mettre un accent sur la langue française, a-t-il souligné. Alors, si je [regarde ce] que M. Legault a lui-même mis en avant pour qu’il y ait une plus grande acceptation sociale de l’indépendance, bien, je trouve qu’il est en train de suivre le plan de match à la lettre, son propre plan de match. »
À l’autre bout du spectre, Paul St-Pierre Plamondon craint qu’il soit bientôt trop tard pour faire l’indépendance. « À force de répéter aux Québécois qu’ils ne sont pas bons, qu’ils ne sont pas capables, à un moment donné, ç’a un impact, a-t-il dit, visiblement pris par l’émotion, jeudi. On est capables d’être un pays, puis on n’a pas le choix si on veut une pérennité linguistique et culturelle. »
Avec Alexandre Robillard