Malgré les similitudes, il y a une différence fondamentale entre le nouveau «plan pour la souveraineté» de Pauline Marois et le rapport Allaire ou encore le «beau risque» de René Lévesque.
La souveraineté n'était que le plan B du rapport Allaire, et le père fondateur du PQ était prêt à y renoncer si le «projet d'accord constitutionnel» qu'il avait proposé à Brian Mulroney était accepté, même s'il savait certainement qu'il serait rejeté.
Mme Marois, elle, annonce d'entrée de jeu qu'elle ne sera jamais satisfaite. Peu importe les concessions que pourrait faire Ottawa, elle exigera «toujours plus», jusqu'à ce que le Québec ait tous les attributs d'un État souverain.
Aujourd'hui, il est facile d'opposer la détermination de Jacques Parizeau, qui n'a pas hésité à tenir -- et à perdre -- un référendum, à l'attentisme de ses successeurs, mais il n'aurait pas pu le faire sans l'échec de l'accord du lac Meech, qui a provoqué la colère des Québécois. Jusque-là, M. Parizeau proposait lui aussi la tenue de référendums sectoriels pour récupérer certains pouvoirs.
Contrairement à Robert Bourassa, Jean Charest est à l'aise dans le Canada actuel. Il n'a surtout pas envie de contribuer à son tour à l'éclosion des «conditions gagnantes». Ne rien demander est encore la meilleure façon d'éviter un refus.
Il est évident qu'un gouvernement souverainiste est le moins crédible pour démontrer l'impossibilité de réformer le fédéralisme. Même si l'obtention de nouveaux pouvoirs serait objectivement avantageuse pour le Québec, on le soupçonnera inévitablement de programmer un échec.
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Hier, le lieutenant québécois de Stephen Harper, Christian Paradis, laissait entendre qu'il suffirait qu'une demande vienne du PQ pour justifier un refus. Dans une récente entrevue au Devoir, Michael Ignatieff était également très clair: selon lui, le Québec possède déjà tous les pouvoirs dont il a besoin.
Mme Marois peut bien accuser Jean Charest d'être en position de faiblesse pour négocier avec Ottawa, mais dans la mesure où elle reconnaît être incapable de gagner un référendum sur la souveraineté, elle-même ne bénéficiera pas d'un rapport de forces très avantageux. L'obligation de négocier, qu'évoquait la Cour suprême dans son avis d'août 1998, n'entraîne aucune obligation de résultat, même si une demande constitutionnelle a été appuyée par un référendum. Peu importe, direz-vous, puisque l'objectif est précisément de ne rien obtenir.
Selon les sondages internes du PQ, plus de 70 % des Québécois seraient favorables à l'ouverture de négociations constitutionnelles pour rapatrier tous les pouvoirs en matière de culture ou de langue.
Les résultats auraient peut-être été différents si on leur avait demandé s'ils souhaitaient que le PQ entraîne le Québec dans une guérilla permanente qui cessera seulement le jour où Ottawa aura été dépouillé de tous ses pouvoirs ou quand le PQ retournera dans l'opposition.
Tous les gouvernements québécois depuis un demi-siècle ont tenté sans succès de limiter le pouvoir de dépenser d'Ottawa. Mme Marois imiterait-elle Duplessis, qui refusait les subventions fédérales aux universités?
Dans sa conférence de presse de dimanche matin, Mme Marois a soigneusement évité de parler de «référendums sectoriels», qui constituent pourtant l'élément le plus neuf de sa stratégie et un passage obligé pour faire pression sur Ottawa. Il est vrai qu'au moment où la planète entière se mobilise pour sortir de la récession, certains pourraient s'interroger sur les priorités du PQ.
Il y avait d'ailleurs quelque chose d'assez bizarre dans cette conférence de presse. Elle a été convoquée presque en catimini, de sorte que certains médias, comme Le Devoir ou La Presse, n'étaient pas représentés et ont dû rattraper la nouvelle. On a également fait en sorte que la sortie de Mme Marois coïncide avec le Sommet citoyen de Montréal, qui avait été fortement publicisé. À une semaine de la Conférence des président(e)s du PQ, elle donnait l'impression d'exécuter une figure imposée, tout en cherchant à limiter la portée de ses propos à l'extérieur du PQ.
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Pour les militants péquistes, le plan de Mme Marois est néanmoins une bonne nouvelle, même si les «purs et durs» le trouveront sans doute trop «moumoune». Certes, la tenue d'un référendum sur la souveraineté n'est pas pour demain, mais il ne manquera pas d'action. Au pire, ce sera un autre coup d'épée dans l'eau.
Outre les chicanes avec Ottawa, que ce soit devant les tribunaux ou sur la place publique, l'adoption d'une constitution québécoise, d'une loi sur l'identité québécoise, d'une «nouvelle loi 101», créera une certaine effervescence politique. Même en respectant le cadre fédéral, il suffit d'un peu d'imagination. Hier, Gérald Larose proposait une Cour suprême québécoise et l'élection d'un président de la... province.
Bien que le débat ait été tranché au conseil national de mars 2008, le SPQ Libre réclame à nouveau la présentation d'un projet de loi qui permettrait, le moment venu, de déclencher un référendum d'initiative populaire. Il vaudrait mieux oublier cela. Pour bien des Québécois, les contorsions stratégiques du PQ sont déjà suffisamment déroutantes. Il sera toujours temps d'aviser le jour où le fruit sera mûr.
mdavid@ledevoir.com
La guérilla permanente
Mme Marois, elle, annonce d'entrée de jeu qu'elle ne sera jamais satisfaite. Peu importe les concessions que pourrait faire Ottawa, elle exigera «toujours plus», jusqu'à ce que le Québec ait tous les attributs d'un État souverain.
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