Texte publié dans Le Devoir du mardi 9 juin 2009
Disons les choses crûment : la détérioration rapide de la situation économique et la mise à l'écart du Québec par le gouvernement fédéral mettent à l'ordre du jour l'urgence de l'indépendance nationale. Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement Harper accorde des milliards de dollars en subventions à l'industrie pétrolière de l'Ouest du pays. Maintenant, c'est bar ouvert pour l'Ontario.
C'est plus de 13,5 milliards que les gouvernements fédéral et de l'Ontario vont verser aux seules entreprises Chrysler et GM. Après avoir aidé l'Ontario à réoutiller son industrie automobile, Ottawa déliera à nouveau les cordons de la bourse pour l'aider à revamper son parc de centrales nucléaires.
Pendant ce temps, l'industrie forestière québécoise doit se contenter de quelques centaines de millions et Hydro-Québec développe à nos frais, sans aide fédérale, ses projets hydro-électriques. Quand viendra le temps, dans quelques années, d'éponger la dette astronomique des années de crise, le fédéral enverra au Québec « sa quote-part » de la facture sous forme de réductions de paiements de transferts et de compressions dans les services publics.
La marginalisation croissante du Québec
De toute évidence, le Québec ne pèse pas lourd à Ottawa et il faut y voir plus qu'un phénomène conjoncturel lié au Parti conservateur. Le déclin du poids politique du Québec à Ottawa est inscrit dans l'évolution démographique du pays. Déjà, le gouvernement de Stephen Harper a annoncé son intention de modifier la carte électorale fédérale pour mieux refléter la réalité démographique du pays, conformément au principe de la représentation selon la population. On ajouterait 24 nouvelles circonscriptions en Ontario et un nombre encore indéfini en Alberta et en Colombie britannique.
À ce recul de la place du Québec au sein du Canada, s'ajoute le déclin relatif de la population francophone au Québec même. Selon le dernier recensement, celle-ci est descendue en-dessous de 80% dans l'ensemble du Québec, mais surtout sous la barre psychologique des 50% sur l`île de Montréal.
Il n'y a pas trente-six mille interprétations découlant de ces données démographiques, politiques et économiques fondamentales. Elles annoncent la marginalisation croissante du Québec et son insignifiance politique à Ottawa. Tous les partis politiques fédéraux, tous les commentateurs et éditorialistes du Canada anglais ont pris bonne note qu'il sera bientôt possible, une fois la refonte de la carte électorale adoptée, de gouverner à Ottawa sans tenir compte du Québec.
Le gouvernement Harper le fait déjà. Il dépense 200 millions par mois pour la guerre en Afghanistan, même si la députation en provenance du Québec a voté très majoritairement contre la prolongation de la mission.
La poursuite de la « guerre référendaire »
Pour s'assurer que le Québec ne relève pas la tête, les forces fédéralistes poursuivent la « guerre » - pour utiliser l'expression de Jean Pelletier, l'ex-chef de cabinet de Jean Chrétien - entreprise contre le mouvement souverainiste.
Un livre - Le Référendum volé - a documenté les hauts faits d'armes du fédéral lors de la dernière campagne référendaire. Un autre mériterait d'être écrit sur la poursuite de cette guerre depuis 1995. À la Loi sur la clarté, aux menaces de partition et au programme des commandites, s'additionnent les efforts pour neutraliser trois instruments essentiels pour l'accession du Québec à la souveraineté : 1. la reconnaissance internationale; 2. un outil économique pour contrer les pressions financières; 3. des médias sympathiques.
Le président Nicolas Sarkozy a répudié la politique qui prévoyait que la France accompagnerait le Québec dans sa démarche vers la souveraineté. La Caisse de dépôt, avec des pertes de 40 milliards $, est extrêmement affaiblie. Les principaux médias sont contrôlés par la famille Desmarais qui a pris sous son aile Nicolas Sarkozy et vient d'embaucher Henri-Paul Rousseau.
Quebecor Media, le seul groupe médiatique à permettre l'expression du point de vue souverainiste, repose sur le développement de sa filiale Vidéotron, dont le principal actionnaire est la Caisse de dépôt aujourd'hui dirigée par l'ex-président de son principal concurrent Bell, Michael Sabia, qui aurait toujours en sa possession des actions dans l'entreprise si l'Opposition officielle ne l'avait pas dévoilé! Autrement dit, les fédéralistes tiennent l'empire Péladeau en laisse.
Un référendum d'initiative populaire
Au lendemain de la défaite de 1995, le mouvement souverainiste a culpabilisé sur la question identitaire - à la suite de la déclaration de M. Parizeau sur les « votes ethniques » - et il a capitulé devant les pressions néolibérales avec le Sommet du déficit zéro.
Sur le plan électoral, cela s'est traduit par une cour assidue à l'électorat adéquiste, qui n'a donné aucun résultat, si ce n'est une désaffection croissante de l'électorat souverainiste à l'égard du Parti Québécois qui s'est exprimée par des records d'abstentions.
Depuis l'arrivée de Mme Marois à sa direction, le Parti Québécois se réapproprie le discours identitaire et celle-ci propose maintenant une stratégie axée sur la récupération de nouveaux pouvoirs pour le Québec, qui n'exclut pas le recours à des référendums sectoriels.
Nous ne nous opposons pas à cette stratégie - aux vertus éducatives certaines -, mais à la condition qu'elle soit complétée par l'engagement à tenir un référendum sur l'indépendance du Québec. Un engagement que Mme Marois a pris.
Nous proposons de faire un pas de plus en mettant le peuple dans le coup. Le référendum d'initiative populaire sur la souveraineté répond à cette exigence. Il stipule qu'un gouvernement du Parti Québécois inviterait, au moment approprié, les électeurs désirant un référendum sur la souveraineté à venir signer un registre ouvert à cet effet. Un minimum de 10% de l'électorat, soit environ un demi-million d'électeurs, serait requis pour la tenue de ce référendum.
Les choses auraient alors le mérite d'être claires. On signalerait à tous les indépendantistes qui craignent une dérive vers l'autonomisme que l'article premier du Parti Québécois est toujours l'indépendance du Québec. On enverrait le message à la population que le Parti Québécois croit à la démocratie participative et qu'il l'implique dès le départ dans une démarche aussi fondamentale et exigeante.
On est capables !
Un an avant l'élection américaine, qui aurait prédit l'élection d'un président noir? Personne. Pourtant, Barack Obama y est parvenu, non pas en cherchant à séduire l'électorat républicain avec un discours conservateur, néolibéral et belliciste, mais bien en ralliant des couches de la population - les jeunes, les Noirs, les latinos - qui participaient peu ou pas au processus électoral avec un programme progressiste et le slogan : « Yes, we can! »
Notre projet d'indépendance nationale est aussi noble et enthousiasmant que l'élection d'un président noir en plus d'être une nécessité absolue. Avec 100 députés péquistes et bloquistes, et tout leur personnel politique, nous avons l'ossature organisationnelle pour mener campagne. Alors, présentons une stratégie et une démarche claires et rallions la population autour du slogan : « On est capables! »
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Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc, respectivement président et secrétaire du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre (SPQ Libre)
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À lire également sur le même sujet, en réponse aux arguments contre le référendum d'initiative populaire
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