Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
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Drummondville — Jean Charest devrait «céder sa place», croit Pauline Marois. C'est ce que la chef péquiste a déclaré hier, après un colloque de sa formation politique où elle a tenu deux discours quasi électoraux. «Nous avons un mauvais gouvernement qui est empêtré dans des affaires d'éthique, de corruption, et il devrait céder sa place», a-t-elle soutenu lors d'un point de presse. Plus tôt, devant quelque 500 militants, elle avait qualifié le gouvernement libéral de «médiocre», qui «rate tout ce qu'il touche», avant d'ajouter: «Pour restaurer nos politiques sociales et nos institutions, la première chose à faire, c'est de nous débarrasser du gouvernement libéral dès que nous le pourrons!»
La majorité des libéraux en Chambre s'avère plus fragile qu'auparavant. Aussi, la possibilité qu'il perde un vote de confiance, bien que très théorique, n'est pas à négliger, selon elle.
Le seuil de la majorité en chambre est de 63. Or, les libéraux ont 66 sièges, les péquistes, 50, l'ADQ, 4, Québec solidaire, 1. Il y a 3 indépendants et 1 siège vacant, Vachon. (Camil Bouchard a démissionné le 15 décembre. Selon les règles, le premier ministre a jusqu'au 15 juin pour déclencher un scrutin. Mme Marois craint que le chef libéral ne s'arrange pour que l'élection partielle tombe en plein été, en période de vacances.)
Quant à un éventuel scrutin général anticipé, la chef péquiste y voit un scénario possible: «Il y a un risque que cela lui arrive. [Jean Charest] a demandé à M. Tomassi de quitter son caucus. Il y a actuellement un député [Claude Béchard] qui est aux prises avec des problèmes de santé. Il y a un risque. Mais c'est à lui de l'assumer.» Si une telle situation se présentait, elle n'hésiterait «pas une seconde», a-t-elle indiqué. «Je ne ferais pas une Ignatieff de nous-mêmes. Je n'ai pas un grand talent dans ce sens-là», a-t-elle illustré, avant ajouter: «Nous serions prêts... — je n'aime pas ça utiliser ce mot-là —, nous pourrions prendre la relève avec des orientations déjà très claires sur un bon nombre de sujets.»
Insistant sur l'idée que les Québécois peuvent être des gagnants, la chef péquiste leur a suggéré, hier, de s'inspirer des succès du Canadien de Montréal, «une équipe de joueurs que l'on disait trop petits, trop peu talentueux, trop peu fiers pour gagner». Voulant galvaniser ses troupes, elle ponctua son discours d'un slogan aux accents obamiens: «Nous sommes capables, nous allons gagner».
La veille, elle avait pris des engagements comme si l'appel aux urnes était un fait, promettant entre autres formellement une enquête publique «sur les liens entre l'octroi de contrats gouvernementaux et le financement du Parti libéral». Sur le sujet, le critique en matière de Sécurité publique, Bertrand St-Arnaud, a dressé un parallèle, hier, entre une éventuelle enquête sur les libéraux et la commission Salvas sur le favoritisme dans l'administration du gouvernement Duplessis, déclenchée par Jean Lesage dès son arrivée au pouvoir en 1960.
Refus des militants
Par ailleurs, les militants péquistes se sont montrés peu enclins à prendre, avec l'exécutif du PQ, le «virage», proposé par Mme Marois samedi matin dans son allocution. Elle avait alors affirmé que tout en préservant «un filet social nécessaire» et en perpétuant les valeurs progressistes, «il y a urgence de prendre un virage vers l'essentiel. Et aujourd'hui, l'essentiel ne consiste pas tant à élargir le filet social, mais à le rénover pour le rendre plus efficace, plus humain et surtout, plus accessible». Il fallait, disait Mme Marois, «débureaucratiser» l'État, mais aussi se demander s'il ne faudrait pas «réduire le panier de services» en santé.
Or, dans l'atelier sur la santé, samedi, très peu de militants ont abordé de front le sujet. L'un, Pierre Dubuc, secrétaire du SPQ-Libre (club politique qui n'est plus reconnu officiellement par le PQ depuis l'hiver, mais dont les membres militent individuellement au PQ), s'est demandé s'il ne fallait pas plutôt accroître le panier de services. Un autre a suggéré de créer un comité pour se pencher sur une éventuelle réduction du même «panier».
Mme Marois a pris acte, hier, de ce refus des militants. «Sur le panier de services, les gens n'ont pas voulu en discuter parce qu'ils souhaitent que l'on préserve un panier de services et je ne crois pas et je ne souhaite pas que l'on revienne sur cette question», a-t-elle répondu.
Au sujet des structures et de la débureaucratisation, notamment en santé et en éducation, les militants n'ont pas semblé très empressés non plus, rejetant les velléités d'abolir soit les agences de la santé et des services sociaux, soit les commissions scolaires. «Le problème, ce n'est pas les commissions, mais les commissaires», a résumé un militant. La députée Danielle Doyer, de Matapédia, a vigoureusement défendu l'existence des Agences en région. «Il n'y a pas eu unanimité, il y a eu des débats», a admis Mme Marois, qui entend toutefois revenir à la charge dans les prochaines étapes de rédaction du programme du parti. Celui-ci sera adopté lors du XVIe Congrès du PQ, les 15, 16 et 17 juin 2011, au Palais des congrès à Montréal, après des congrès régionaux en janvier et en février 2011. Notons que la proposition du Comité national des jeunes de rendre l'école obligatoire jusqu'à 18 ans n'a pas fait consensus.
Dans son discours, hier, Mme Marois a martelé ce qui suit: «Nous sommes déterminés à faire autrement, à moderniser nos politiques sociales et à les rendre plus efficaces.» Elle a par la suite ajouté que le PQ n'abandonnerait toutefois pas ses «convictions» et a rappelé son refus des «tickets modérateurs, des tarifs injustes et des taxes déguisées». Malgré sa volonté de «débureaucratiser» l'État, Mme Marois a évoqué la possibilité de créer un autre programme universel en qualifiant d'idée «des plus porteuses et actuelles» le projet, proposé par les militants, de mise sur pied d'une «Caisse d'assurance autonomie» afin de «garantir la qualité de vie et le maintien à domicile le plus longtemps possible».
Enfin, dans son allocution de samedi, la chef péquiste a soutenu qu'une fois au gouvernement, elle réclamerait des pouvoirs à Ottawa. «Quatre-vingt-deux pour cent des Québécois sont persuadés que l'on peut encore transformer le fédéralisme, alors nous allons chercher les pouvoirs qui nous apparaissent utiles et nécessaires», a-t-elle expliqué hier. La stratégie ne rallie pas tous les militants. Pierre Dubuc, par exemple, estime que le Bloc s'avère beaucoup plus franchement souverainiste, refusant toute notion de troisième voie: «Il y a un bon débat à avoir dans les forces souverainistes dans les prochains mois pour harmoniser les discours sur cette question-là», a-t-il soutenu.
Charest doit céder sa place, dit Marois
La chef péquiste rate son «virage» vers la «débureaucratisation»
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