La chef du parti Québécois présentait, ce dimanche, un plan de gouvernance conforme à ce que cette formation politique laissait entrevoir depuis plusieurs mois.
Ce plan passe d'abord par une tentative d'amélioration du régime fédéral dans sa forme actuelle, qui se muterait en une quête progressive de souveraineté devant déboucher, au terme de quatre étapes successives, sur la possibilité de ce qu'on appelle la pleine souveraineté.
Que comprendre d'une telle proposition, alors que le PQ dit lui-même depuis longtemps, à l'instar de très nombreux analystes, que la voie des demandes à Ottawa est une impasse, une perte d'énergies dont nous avons déjà vu qu'il n'y a rien de pérenne à en tirer ?
Constatons d’abord que si on y fait mention d'un " Québec pleinement souverain " sans dire ce que cela signifie exactement, la tenue possible d’un référendum sur cette question figure vers la fin de la démarche, par ailleurs chargée, dont il est légitime de penser qu’elle pourrait s’étaler sur plusieurs années. Pour ne pas douter d'un tel aboutissement, on n’a d’autre choix que de croire, même si l’histoire nous enseigne le contraire de façon retentissante, que ce parti soit en mesure de conjuguer intendance provinciale prolongée et création d'un momentum indépendantiste.
Outre cet épineux problème auquel l'épithète insoluble va plutôt bien, le plan proposé autorise, entre autres réflexions, les deux suppositions suivantes : Ou bien, le PQ a changé d'idée et pense désormais qu'il y a moyen de faire des progrès substantiels à l'intérieur du Canada, même si le Québec, peu importe comment il s'y prend, se fait dire un non catégorique à cet égard depuis toujours. Que ce soit le cas ou non, ce parti se retrouve maintenant mal placé pour critiquer l'autonomisme adéquiste.
Ou bien, en opposition ou en conjonction avec le premier énoncé, le PQ pense qu'il peut, à la lumière d'un prévisible refus fédéral, démontrer l'impasse canadienne pour la enième fois et y répondre par un référendum sur ce qu'il appelle la pleine souveraineté.
Examinons cette deuxième option.
On comprend ici qu'on a affaire à la stratégie de la crise, que d'aucuns évoquent en parlant de la période ayant précédé le référendum de 1995. On y réfère comme à ce moment béni qui serait tombé dans les mains de M. Parizeau, presque par hasard. D'une part, on oublie que la crise en question s'était déjà beaucoup estompée au moment du référendum. C'est plutôt en 1990 qu'elle battait son plein. D'autre part, on en parle souvent comme si la détermination incontestable du PQ de l'époque n'avait eu aucune répercussion sur les gestes des divers acteurs politiques en présence, et n'avait pas permis à l'indépendance de s'offrir à titre d'alternative crédible et tangible.
En effet, pendant que ceux qu'on appelle fédéralistes s'empêtraient nerveusement dans des tentatives de réformes, rendues pressantes par la présence d'un mouvement indépendantiste reprenant de la vigueur, et que le Canada se braquait contre les méchants séparatistes, le PQ, dans l'opposition, était un acteur libre de toute implication directe dans la gouvernance et dans les péripéties humiliantes de ceux qui rêvaient d'un Canada impossible, pouvant ainsi se consacrer sans entraves à proposer une solution concrète pour sortir le Québec de cette mauvaise dynamique.
Aujourd'hui, on nous suggère l'inverse : le parti Québécois voudrait enclencher lui-même un autre festival de demandes déçues, qui ne manquerait évidemment pas d'attirer un flot nourri de critiques venant d'une opposition libérale qui n'aurait que ça à faire, ainsi que l'opprobe du tout-Canada politique -- et l'action de ses combinards associés qu'on découvre toujours après-coup -- et cela, tout en s'emberlificotant dans le rôle ingrat de gouvernement devant défendre les intérêts d'une nation avec les moyens d'une province. Puis, si une crise s'ensuivait d'où émergeraient des conditions favorables, il proposerait la solution au dégât qu'il eut lui-même provoqué.
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Je comprends qu'une crise du fédéralisme, objectivement, puisse stimuler l'appui à l'indépendance. Cependant, peut-on, comme on le laisse entendre ici, jouer tous les rôles en même temps sans que l'électeur ne se sente vaguement pris pour un imbécile ? Voilà un filon en or qu'exploiteraient au maximum les adversaires du PQ.
Quoi qu'il en soit, on est en train de nous dire qu'on veut imbriquer souverainisme et fédéralisme réformateur, et envoyer cet hybride recevoir les stigmates d'une autre série de rebuffades canadiennes. Voilà, à mon sens, le pire des deux mondes; on attribuerait désormais au souverainisme la responsabilité d'une autre déconvenue typiquement fédéraliste. On dirait alors, non pas que le fédéralisme n'est pas réformable, mais bien qu'il ne l'est pas à cause des manoeuvres souverainistes.
Si vous voulez refaire le Canada sans aucun rapport de force, appelez les fédéralistes. C'est à eux qu'incombe le fardeau de la preuve en cette matière. Si les péquistes devaient se lancer à leur place dans ce genre de cirque, il est d'une évidence monumentale qu'ils seraient accusés dès le départ de vouloir faire dérailler le processus, comme cela s'est produit chaque fois qu'ils ont voulu faire la preuve du bloquage canadien en gouvernant. Ainsi, tout potentiel de récupération de l'échec qui s'ensuivrait au profit d'une action indépendantiste concrète serait tué dans l'oeuf, comme d'habitude en ces circonstances.
C'est exactement ce qui s'est produit dans le cas du déséquilibre fiscal, qu'on a brandi tant qu'on a pu comme une injustice faite au Québec, sans le moindre soubresaut indépendantiste notable. Idem pour la fameuse loi sur la clarté référendaire, sur le compte de laquelle Lucien Bouchard tenta de soulever les passions; il ne récolta que l'indifférence générale.
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Projetons-nous un instant dans une autre série d'épisodes de cette nature, induits par un éventuel nouveau gouvernement péquiste. D'accord, il y aurait peut-être un peu plus d'intérêt du fait que ce gouvernement serait en début de mandat. Mais justement, par définition, les débuts de mandat ne durent qu'un temps, qui est largement surpassé par les mois et les années que requièrent les pourparlers avec Ottawa, dont l'essentiel de la stratégie a toujours été de gagner du temps pendant que nous disparaissons. Dans ce contexte, Il y a fort à parier que l'indifférence citoyenne s'installerait rapidement de nouveau.
Or, l'indépendance n'est pas une affaire de champs de compétence, d'ententes administratives, de négociations les mains vides, d'arguties constitutionnelles soporifiques. C'est exactement le contraire. C'est justement de toute cette lavasse que l'indépendantiste veut sortir le Québec.
Si les gens du PQ pensent qu'il n'est pas possible, dès maintenant, de faire cette proposition simple et franche aux Québécois, je ne suis pas d'accord avec eux.
J'ai l'impression que leur réflexion se nourrit des prémisses d'un autre temps. Or, nous ne sommes plus dans les années cinquante ou soixante, ni en 1976, ni en 1980, ni même en 1995.
Il y a un monde qui nous sépare de ces époques -- y compris 95 --, il serait temps d'en prendre acte.
La nationalité québécoise existe désormais et, même brimée par un statut provincial, elle se vit et s'exprime maintenant selon les mêmes schèmes que toutes les nationalités du monde. Il s'agit là, à mon sens, des neuf dixièmes du travail qu'avaient devant eux les pionniers du mouvement indépendantiste. Nous sommes riches, instruits, et malgré un certain anonymat, rayonnons sur la scène internationale.
L'indépendance, aujourd'hui, ne fait pas peur. Une majorité de Québécois la pensent faisable, une majorité de francophones la souhaitent. Nous en sommes plus près que jamais.
Il ne s'agit plus d'une révolution, mais bien d'une évolution, suivant logiquement notre démarche des dernières décennies. Un simple pas de plus, même s'il est chargé d'une grande puissance symbolique et accompagné de pouvoirs politiques bien réels.
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Pendant ce temps, les défenseurs du statu-quo, eux, sont tous plus ineptes les uns que les autres dans l'optique québécoise.
Tellement qu'on envoie à Ottawa, depuis près de vingt ans, un formidable contingent majoritaire d'élus québécois dont la seule présence exprime inlassablement, quotidiennement, notre existence nationale, que ce parlement a fini par reconnaître.
Pourtant, en ce moment même, les Québécois sont de plus en plus nombreux à croire que l'indépendance ne se fera pas.
Dans ce contexte, faut-il la leur proposer calmement et avec assurance dès aujourd'hui, ou présenter un plan titanesque qui la remet à plus tard, jalonné d'ennuyants débats intra-fédéraux déjà visités à d'innombrables reprises ?
N.Payne
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
11 juin 2009Bonjour M. Payne,
je pense exactement comme vous alors je n'en rajouterai pas. Je me garde encore du temps avant de me fixer par rapport au PQ, je ne veux pas lui nuire même s'il nuit lui-même à notre émancipation. Voterai-je PQ ou QS ? on verra.
Vous suggérez un référendum franc "pays Québec : oui ou non ?" Il y a pourtant plusieurs autres choses à faire qui ont plus de chances de fonctionner, pourvu qu'on reste clair et franc. Il faut inspirer la confiance au lieu du contraire comme actuellement.
Je n'aime pas essayer de m'en sortir en faisant des demandes à l'ennemi, mais puisque c'est ce que veulent les Québécois, prenons-en acte. Un référendum ou mieux, une élection avec le mandat clair, une élection référendaire donc, portant sur cette question posée aux Québécois : "Voulez-vous que la Constitution du Canada, que toutes les autorités du Québec n’ont jamais acceptée depuis sa transformation forcée en 1982, soit revue et corrigée pour qu’elle prenne compte de la réalité nationale des Québécois et des Amérindiens ?"
L'important est de recueillir plus de 60 % des voix sur une position formelle de la nation québécoise. Je préfèrerais encore que le PQ accepte de partager le pouvoir si ça permet le pays : sur un projet de Constitution québécoise, qui induirait un Droit Québécois, un nouveau régime politique et un nouveau mode de scrutin, une position constitutionnelle commune à une coalition du PQ, de QS et de l'ADQ (oui c'est maintenant possible de penser à cela étant donné le plan Marois), une telle coalition devrait pouvoir se faire élire avec un fort pourcentage. Une coalition nationaliste devrait pouvoir battre facilement le PLQ. Rien ne sera jamais possible ni même envisageable tant que le PQ se contentera de 30 à 40 % des voix.
Michel Guay Répondre
10 juin 2009Il faudrait nous expliquer et vous expliquer du même coups comment le fait de passer des lois Québecoise rétablissant la loi 101 et nos diverses compétences nationales québecoises pourrait nuire à l' État Québecois à la nation Québecoise et à notre projet de pays ?
Je crois que ces mouvements de souverainté dans tous ces domaines de compétences Québecoises pourront qu'instruire les Québecois sur la nécessité d'un référendum gagnant pour réaliser notre indépendance comme pays et notre ouverture au monde comme nation francophone.
Devant le projet d'actions indépendantistes du Parti Québecois je ne suis pas surpris de cette montée des boucliers des divisionnistes et des féféralistes . Encore des commandites