Pauline Marois aurait voulu faire éclater au grand jour les limites de son pouvoir sur son propre parti qu'elle n'aurait pu mieux s'y prendre.
Dans la même fin de semaine, la chef du Parti québécois s'est mise à rêver à voix haute de défaire le gouvernement Charest «pour restaurer nos politiques sociales et nos institutions»... puis elle s'est fait dire sans ménagement par ses militants et députés qu'ils ne sont pas prêts à la suivre dans ses projets de réforme!
Pas mal, tout de même: Pauline Marois promet de restaurer nos politiques sociales, mais elle est incapable d'obtenir l'appui de son parti pour aller à l'«essentiel», selon sa propre expression.
Réglons tout de suite cette histoire de renversement de gouvernement. Intéressante en théorie (et certainement attirante pour tous les lecteurs et internautes qui cherchent un moyen de «mettre les libéraux dehors»), elle est toutefois hautement improbable.
À moins que Jean Charest ne fasse un Joe Clark de lui-même et que son whip et lui dorment au gaz au point d'affronter un vote à l'Assemblée nationale sans s'être d'abord assurés d'avoir l'avantage numérique, les partis de l'opposition ne déferont pas ce gouvernement.
De toute façon, Mme Marois et ses 49 députés auraient besoin, pour ce faire, de l'appui des quatre adéquistes, des deux indépendants Éric Caire et Marc Picard ainsi que d'Amir Khadir, de Québec solidaire, ce qui est évidemment loin d'être acquis.
Avant de fantasmer sur un renversement du gouvernement, le PQ va devoir s'entendre sur un programme politique. Vu la résistance des péquistes aux changements proposés par leur chef, il n'en est pas là.
Sacré PQ! Toujours aussi fort pour se tirer dans le pied. Pour s'«autopeluredebananiser», comme avait dit un jour Jacques Parizeau à propos de l'ancien chef libéral Daniel Johnson.
Le gouvernement libéral est dans les câbles depuis des semaines, Jean Charest n'arrive pas à reprendre son souffle entre les révélations gênantes et les mauvaises nouvelles, il coule dans les sondages et que fait le PQ? Il n'a apparemment rien de plus urgent à faire que de démontrer très clairement qu'il n'est pas prêt à proposer de véritables changements et, pire encore, que sa chef n'a pas les coudées franches.
Pauline Marois n'arrive pas, malgré les déboires de Jean Charest, à s'imposer de façon décisive, et voilà que son parti exprime lui-même très publiquement des doutes sur son leadership.
Si Mme Marois n'arrive pas à diriger son propre parti, comment convaincra-t-elle les Québécois de la suivre?
Du coup, Jean Charest (qui n'en manque pas une à l'Assemblée nationale) pourra se payer la tête de son adversaire péquiste, qui, elle, sait maintenant qu'elle devra manoeuvrer avec soin d'ici au prochain congrès de son parti (et au vote de confiance), en avril 2011.
Voilà un problème (au moins un!) que n'a pas Jean Charest: les libéraux, contrairement aux péquistes, sont disciplinés et d'une docilité totale malgré les déboires de leur chef.
Ce n'est pourtant pas une révolution que proposait Mme Marois à ses militants: la refonte des instances régionales en santé et en éducation et la révision des soins assurés par l'État. On est loin du vent de droite que craignaient certains péquistes.
Dans ce refus des péquistes à leur chef, deux aspects font mal. D'abord, ils n'acceptent pas le virage vers l'«essentiel»; ensuite, ils ne se gênent pas, députés comme militants, pour défier publiquement l'autorité de Mme Marois.
Les militants ont accepté d'éjecter le club politique SPQ Libre des instances du PQ et ont consenti à mettre le mot «référendum» au frigo. Mais il semble que Mme Marois aura du mal à les faire bouger de leur sacro-saint modèle social-démocrate.
Il faut dire que Mme Marois a couru après les problèmes. Avant de tenter de forcer le jeu, elle aurait dû s'assurer de l'appui de ses troupes ou, à tout le moins, du soutien de quelques poids lourds de son caucus.
En promettant de défaire le gouvernement Charest si l'occasion se présente, Pauline Marois a affirmé qu'elle ne «fera pas une Michael Ignatieff» d'elle-même.
En proposant aussi imprudemment des mesures aussitôt rejetées par son propre parti et en démontrant aussi peu de flair et de maîtrise, c'est pourtant exactement ce qu'elle a fait.
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