La gauche contre le peuple?

La "droite" de Marine défend les salariés, les petits, le peuple; la "gauche" de Tati-Hollande, les banques et les tutti-multi-culti. - Le monde à l'envers!


Ils étaient pratiquement disparus du paysage depuis la belle époque gauchiste des années 70. Mais, les voilà de retour avec leur casque de chantier, leurs bottes de travailleurs et leurs grosses mains calleuses. Ils sont sur toutes les photos de la campagne où ils posent à côté des candidats à l'élection présidentielle française. Tous les prétendants font aujourd'hui la queue aux portes des usines où ils se disputent le vote de cette vieille dame respectable que l'on appelait autrefois la classe ouvrière.
Le contraste est frappant avec les campagnes précédentes. Les candidats cherchaient alors à poser à côté des jeunes des banlieues défavorisées que l'on s'amusait à travestir en jeunes des ghettos américains. Loin du gros rouge qui tache de grand-papa, l'heure était à la «diversité». Il fallait absolument se montrer «ouvert» à toutes les minorités, redoubler d'attention à l'égard des enfants d'immigrés qui devaient symboliser à eux seuls l'avenir de la France. Il n'y en avait que pour la France «black blanc beur», comme on disait alors.
La comparaison serait anecdotique et simple affaire de marketing électoral si elle ne marquait pas d'un gros trait rouge le retour des classes populaires dans la vie politique française. Un retour qui pourrait servir de leçon ailleurs qu'en France, peut-être même au Québec.
Que s'est-il donc passé? Bien sûr, il y a eu la crise et le chômage qui frappent particulièrement les milieux populaires. Mais il y a surtout eu la prise de conscience que, surfant depuis des années sur les illusions de la mondialisation, de la révolution technologique, du jeunisme et du multiculturalisme, presque tous les partis politiques avaient abandonné ces couches populaires au Front national.
Toutes les statistiques montrent que ce parti populiste aux relents xénophobes est celui qui a l'électorat le plus populaire. Et pour cause, il est le seul à avoir choisi de courtiser systématiquement cette population qui, si l'on y ajoute les employés, représente tout de même un électeur sur deux. C'est cet électorat qui avait propulsé Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle en 2002. À l'époque, seulement 13 % des ouvriers et des employés avaient voté pour le socialiste Lionel Jospin. En 2007, Ségolène Royal avait bien fait quelques tentatives, mais c'est Nicolas Sarkozy qui avait raflé la mise. Le succès actuel de François Hollande s'explique largement par la déception de ces électeurs à l'égard du président et la capacité en partie retrouvée des socialistes de s'adresser à nouveau à eux.
Le géographe Christophe Guilluy (Fractures françaises, Bourin éditeur) a montré comment, depuis deux décennies, ces «petits blancs» refoulés hors des centres-villes embourgeoisés et des banlieues ethniques se sont retrouvés dans une sorte de no man's land géographique et politique, ignorés des partis et des médias qui n'en avaient que pour les jeunes des banlieues dites sensibles. Or, ces petits salariés sont ceux qui ont le plus souffert d'un certain nombre de maux ignorés des grands partis comme l'insécurité, l'immigration illégale et la désindustrialisation. Des thèmes longtemps tabous à gauche et que les socialistes avaient abandonnés au Front national au profit d'un discours libéral et multiculturaliste où l'immigrant avait depuis longtemps remplacé l'ouvrier.
Peu avant la primaire socialiste, le think tank Terra Nova, proche de la candidate battue Martine Aubry, avait théorisé l'idéologie de cette gauche à contresens du peuple. Dans un rapport publié en mai dernier, il incitait même les socialistes à ne pas trop s'occuper des classes populaires, jugées trop «réactionnaires» et pas suffisamment «progressistes», au profit des jeunes professionnels des grandes villes (aussi appelés bobos) et des minorités ethniques. Comme disait Bertold Brecht, «puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple». C'est cette idéologie libérale et multiculturelle qu'une partie des militants socialistes a rejetée en élisant François Hollande.
On ne s'étonnera pas non plus que la campagne socialiste marque le retour du patriotisme à gauche alors que Ségolène Royal avait déjà fait scandale pour avoir simplement osé chanter La Marseillaise dans une assemblée. Lors du lancement de la campagne socialiste, au Bourget, il y avait plus de drapeaux tricolores que de drapeaux socialistes. Le candidat n'a pas hésité à évoquer «le rêve français» et la grandeur de la France. En renouant avec les classes populaires, François Hollande s'est aussi distancé d'un certain progressisme petit-bourgeois à la mode. On n'a qu'à écouter son discours sur l'éducation prononcé à Orléans le 9 février où, s'éloignant des lubies pédagogiques, il défendait une école plus traditionnelle revenue à sa vocation première. Une école «du savoir, de la connaissance, de la culture, de la civilité» où, disait-il, «personne ne doit être jugé indigne de lire La princesse de Clèves ou Madame Bovary».
Le contexte est évidemment différent. Mais, la gauche québécoise n'a-t-elle pas, elle aussi, allègrement surfé sur les mêmes modes libérales et autres lubies multiculturelles? Il ne faut pas hésiter à tirer les leçons de ce qui se passe aujourd'hui en France.


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