Près de 20 % des électeurs français ont fait un vote d’adhésion le 21 avril

De quel Front s'agit-il?

Changement de paradigme en France

Chronique de Patrice-Hans Perrier

L’auteur de ce billet est un journaliste indépendant qui surveille la scène politique des deux côtés de l’Atlantique.
Les résultats des élections présidentielles françaises viennent de mettre un terme à trente années de monopole de l’UMPS. Il s’agit d’un changement de paradigme pour une Cinquième République qui pourrait être réformée advenant une future victoire des troupes nationalistes rassemblées autour de Marine Le Pen.
Contrairement à ce qu’affirment médias et détracteurs du Front National, il s’agit bel et bien d’un vote d’adhésion à un corpus d’idées et de mesures qui remettent en cause la tutelle de l’Union Européenne sur la nation française. Le résultat du deuxième tour vient de confirmer l’implosion qui menace l’UMP, formation du président sortant qui a été battu de justesse.
Les vieux démons
Aidée par son directeur stratégique de campagne, Florian Philippot, Marine Le Pen aura su prendre le gouvernail d’un parti qui avait été ostracisé par les caciques du pouvoir durant plusieurs décennies. Qualifié de «parti d’extrême droite», le Front National serait plutôt une formation d’obédience nationaliste, affichant un penchant certain pour la survie d’une culture française qui bat de l’aile au moment d’écrire ces quelques lignes.
Marine Le Pen aura su tenir tête à ses détracteurs lors de ses nombreuses prestations médiatiques. On se souviendra des bourbes de son paternel qui auront été reprises en boucle par les médias dominants. Invariablement, les Pujadas (chef d’antenne vedette) de l’Hexagone lui sommaient de se distancier des propos outranciers du vieux pilier et de faire «amende honorable», en quelques sortes. La nouvelle cheffe du Front National aura tenu bon, faisant face à l’invective et aux attaques ad hominem qui ont fusé durant la dernière campagne : une speakerine excitée allant jusqu’à lui demander «si elle n’avait pas honte de s’appeler Le Pen».
Faisant la sourde oreille aux imprécations d’une caste de journalistes aux ordres, Marine Le Pen s’est brillamment distanciée de l’odeur sulfureuse qui émanait du FN pour – sans renier son paternel – mettre sur la table des enjeux qui ont permis d’élever le débat. Si les médias dominants parlent d’une «dédiabolisation du FN», la principale intéressée y voit plutôt un moment charnière qui correspondrait à un aggiornamento de la formation frontiste.
L’arc républicain
L’intelligentsia reproche au FN de ne pas faire parti de l’arc républicain. L’équipe «bleue Marine» (sorte de coalition multipartite pour les prochaines élections législatives) prétend offrir, désormais, une alternative à la gouvernance des oligarchies et un point de ralliement pour les patriotes provenant de tout le spectre politique. Marine Le Pen, tout comme sa garde rapprochée, affirme ne plus tenir compte des habituels clivages gauche-droite. Toutefois, elle aura reproché à maintes reprises le «laxisme de la gauche corrompant le parti au pouvoir» (UMP). On a, d’ailleurs, senti que le FN tentait de reprendre en main ses anciennes cartes de la «sécurité» et de l’«immigration» alors que l’affaire Merah venait perturber le premier tour de la présidentielle.
Opération réussi, Nicholas Sarkozy n’ayant pas réussi son coup de 2007, alors qu’il avait brillamment phagocyté les thèmes fétiches du FN, histoire de lui siphonner une part importante de son électorat. Connaissant la chanson, les électeurs du FN n’ont pas réagi à l’appel des sirènes … toutefois, Marine Le Pen s’est quelque peu empêtrée – électoralisme oblige – en fustigeant ad nauseam une menace islamiste qui ressemble plus à une baudruche qu’à un réel péril. Un peu comme si ses détracteurs l’avaient forcée à se replier sur des fondamentaux qu’elle tente, pourtant, de transformer.
Certains observateurs perspicaces ont avancé l’hypothèse que les oligarchies auraient permis à Marine Le Pen d’entrer à l’intérieur de l’arc républicain à condition qu’elles prenne en charge la traque à ce «péril islamiste» qui conforte les thèses du «choc des civilisations» misent de l’avant par les néoconservateurs. Il y a, certes, une poussée de fièvre sur le front des banlieues, plusieurs extrémistes se réclamant d’un Islam autant fantasmé qu’instrumentalisé. Mais, on ne comprend toujours pas qu’une femme aussi intelligente que Marine Le Pen tombe dans ce panneau.
Retour à la case NATION
Dans un contexte où la mondialisation ne fait pas de quartiers, il semblerait qu’une nouvelle forme de nationalisme vienne irriguer le champ politique européen. Ce «nationalisme décomplexé», diront certains sociologues, parviendrait même à fédérer une part croissante des générations montantes autour de thèmes qui recoupent autant la protection de l’environnement que le retour à une économie plus en prise sur les réalités locales et collectives.
D’ailleurs, la zone euro pourrait bien éclater dans le sillage des dernières élections en Grèce, dans un contexte où le binôme Nouvelle démocratie conservatrice (équivalent de l’UMP) et Pasok (pendant du PS français) ont enregistré des scores décevants. C’est une véritable poussée de fièvre nationaliste qui secoue la Grèce tout entière et certains analystes financiers affirment que les créanciers (FMI, UE et BCE) de ce pays en crise pourraient être tentés de suspendre temporairement leur aide d’urgence. Par ailleurs, les mêmes sources font état de l’impossibilité pour le gouvernement grec de payer ses fonctionnaires et d’honorer les plans de retraites en vigueur au sein de la fonction publique.
C’est un secret de Polichinelle : la Grèce risque de faire défaut ou de sortir de la zone euro. Plusieurs économistes estiment qu’il y aurait, désormais, 3 chances sur 4 pour le pays largue la monnaie unique … ce qui mettrait en péril la santé financière et la reprise économique de la zone euro au grand complet.
Le bras de fer
Le nouveau président de la France, François Hollande, est d’ores et déjà un chef d’état en sursis. L’épée de Damoclès des négociateurs sur les marchés obligataires faisant de l’ombre sur son entrée en fonction. En effet, la France a perdu «sa note parfaite triple A» et se trouve donc dans l’orbite des sautes d’humeur des agences de notation. Rappelons, à ce propos, que les géants de la finance spéculent sur les dettes souveraines des pays d’une zone euro qui devrait rendre l’âme d’ici peu.
Marine Le Pen affirme, depuis plus d’une année, qu’il faudrait préparer une «sortie concertée de l’euro» et que le gouvernement français devrait «réinstaller la Banque de France dans ses prérogatives». Il s’agirait, donc, de permettre à l’état de battre monnaie et d’emprunter directement à la Banque de France. La principale intéressée prétendant que la Banque de France soit une succursale de la Banque centrale européenne (BCE).
Point fort de la campagne présidentielle : Madame Le Pen a martelé à maintes reprises le fait que la France ait été obligée de verser autour de 1400 milliards d’euro d’intérêts depuis les 40 dernières années. Il est aisé de visualiser l’effet dévastateur d’une telle ponction, alors que la dette cumulée de la France tourne autour des 1700 milliards d’euro. On comprendra que tout le reste soit à l’avenant pour les tenants d’une souveraineté monétaire qui sortirait la France de l’emprise du cartel des grandes banques d’affaire internationales.
Bonnet blanc, blanc bonnet
Florian Philippot ne mâche pas ses mots lorsqu’il prend la parole en onde. Prédisant une implosion des troupes de Nicholas Sarkozy, il affirme que «face à François Hollande il va falloir une vraie opposition, parce que l’UMP c’est la même ligne idéologique que le PS. On voit qu’ils votent ensemble les traités européens, les directives européennes et que 97 % des directives ils les votent ensemble à Bruxelles et à Strasbourg». Celui qui est, désormais, porte-parole du Rassemblement Bleu Marine pour les élections législatives de juin prochain, estime que le FN «rénové» représente une alternative patriote et que, dans un contexte de communautarisme endémique, il importe de raviver la flamme nationale. Pragmatique, Philippot sait très bien qu’«il faut changer de paradigme économique» pour que la nation soit plus qu’une notion abstraite.
Élections législatives
Il n’y a pas à dire, les 1er (10 juin 2012) et 2ème (17 juin 2012) tours des élections législatives donneront à voir des triangulaires qui risquent de faire des flammèches. Alors que la cinquième république a rayé de la carte la représentation proportionnelle par département, plusieurs arguent que les élections du corps parlementaire sont antidémocratiques. Les résultats des prochaines élections législatives risquent encore de leur donner raison puisque le Front National – et les forces coalisées autour de Marine Le Pen – aura toutes les misères du monde à faire élire des députés à l’Assemblée nationale. Toutefois, les cas de triangulaire (confrontation entre des candidats de l’UMP, du PS et du FN) pourraient bien se multiplier au second tour, ce qui pourrait avantager un nombre important de candidats frontistes.
Certains observateurs arguent que François Hollande pourrait être confronté à une crise dramatique, voir à un soulèvement populaire, à mi-mandat. Il va sans dire que le peuple français n’acceptera pas de faire les frais des mesures d’austérité édictées par le Parlement européen et que l’entêtement de la chancelière Merkel (Allemagne) risque fort de mettre le feu aux poudres. Marine Le Pen pourrait tirer parti de toutes ces dissensions – ayant évité de subir la vindicte populaire face à l’étranglement de la situation – et prendre le pouvoir en instituant une Sixième République.
Bien au-delà de l’arc républicain, celle que certains surnomment la «Eva Peron de France» pourrait bouleverser l’échiquier politique et géostratégique d’une Europe en pleine recomposition. Encore faudrait-il qu’elle sache rompre, définitivement, avec les fondamentaux de la droite populiste. Et, tendre la main aux citoyens d’origine étrangère, toutes allégeances politiques confondues.

Squared

Patrice-Hans Perrier181 articles

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mai 2012

    Patrice-Hans Perrier
    Connaissez-vous l'expression américaine " La queue qui secoue le chien"?
    Regardez la composition de l'électorat de Hollande:
    http://i46.tinypic.com/fvzomx.jpg
    Je crois que la démonstration ne peut-être plus claire.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mai 2012

    Les FANTASMES, je les laisse aux idiot utiles de l'Islam comme Chartes Taylors et Gérald Bouchard qui croient souhaitable d'offrir des lieux de prières dans nos établissements publiques afin que les Musulmans puissent prier 5 fois par jour ...pour la disparition des Juifs, entr'autre.
    Les FANTASMES, je les laisse aux gens qui sont trop paresseux pour ouvrir des livres d'histoires et réaliser qu'en 1400 ans d'existance que la conclusion de la cohabition de autre culture que l'Islam sur un même territoire finit invariablement dans des bains de sang. C'est curieux comment les gens ont du mal à tirer des conclusions évidentes, même quand ont leur explique que le Proche et Moyen-Orient ont déjà été majoritairement ...Chrétiens.
    Le FANTASME islamique est un cauchemar bien réel: http://www.youtube.com/watch?v=J7wcY7sTO1M&feature=related
    ( un peu long, mais c'est un bon condensé des éléments qui favorisent le FN, à court et moyen terme)
    Alors que l'on sortait pratiquement l'eau bénite à la mention du nom de famille LePen, même au Québec. Il serait temps que les Québécois commencent à comprendre que la popularité actuelle du Front National vient précisément que mise-en-gardes du père qui se confirment, de jour en jour, en France. Les mêmes mise-en-gardes qui lui ont valu cette réputation de racisme, xénophobe et j'en passe. Alors je vois mal pourquoi Marine saborderait le FN, alors qu'il ne suffit que de sortir des documents d'archives pour démontrer que le parti a été démoniser à tort.
    En fait, Jean-Marie Le Pen était beaucoup plus politiquement-correct que Charles de Gaulles: http://charte.de.fontevrault.over-blog.com/article-31723750.html
    Si vous avez bien suivi cette élection vous avez surement remarquer que contrairement aux autre élections plus aucun politiciens n'y vantaient encore le métissage et la diversité. Et cela n'a rien d'accidentel. Le multiculturalisme ne fait plus fantasmer le Français, les Allemands, les Italiens, les Espagnols et je pourrais continuer avec l'ensemble de l'Europe.
    Les FANTASMES, je les laisse aux bien-pensants qui croyaient que les Printemps arabes allaient amené la démocratie.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2012

    Merci l'auteur. Excellent article et excellents commentaires de MM.Haché et Pomerleau.
    La promesse du nationalisme du XXIè siècle, loin du repli sur soi, est de se donner soutien mutuel et de coopérer dans l'indépendance contre le gouvernement mondial; préserver un monde d'espoir et de possible enchantement contre un monde orwellien mû par l'engrenage oligarchique.
    GV

  • Patrice-Hans Perrier Répondre

    10 mai 2012

    Chers internautes vigilants,
    J'espère que Marine Le Pen et sa garde rapprochée quitteront les oripeaux du FN, qu'ils trouveront une nouvelle dénomination et feront la preuve que l'on peut se battre POUR la nation, sans être de droite ou ... de gauche.
    Il ne s'agit pas - contrairement aux affirmations des médias dominants - de réhabiliter la droite. Il s'agit de sortir d'un paradigme qui fait le jeu des oligarchies du pouvoir.
    Une majorité de Musulmans aura voté pour Hollande, mais il fallait s'y attendre alors que Marine Le Pen n'aura eu de cesse de fustiger cet islamisme FANTASMÉ au service du Nouvel Ordre Mondial.
    L'a-t-elle fait par soucis électoraliste ? Pour satisfaire à des conditions d'entrée dans «l'arc républicain» ? Ou, plus prosaïquement, parce qu'elle aura succombé à la pression de l'aile xénophobe de son parti ?
    Mais, peu m'importe. En autant qu'elle et les forces vives patriotiques soient capables de se coaliser autour d'une programmatique NOBLE, RÉALISTE et COURAGEUSE.
    À ce moment-là les Dupont-Aignan de ce monde et, même, des éléments de la gauche radicale rejoindront le peloton de course BLEU MARINE.
    Encore faudra-t-il que les vieux démons ... cèdent le terrain.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    10 mai 2012

    Je partage entièrement votre analyse. La crise de la mondialisation force un retour à l'État national (la cible du néolibéralisme).
    Marine Le Pen a très bien décodé la situation et sa stratégie d'État correspond au défi à relever.
    Je partage comme vous cette réserve sur sa manière d'aborder la question de l'immigration, Alain Soral (Pour comprendre l'Empire) partage aussi cette réserve et explore d'autres voies pour faire alliances avec des groupes qui sont aussi victimes de la mondialisation néolibérale ; et qui ont donc intérêt à s'unir. Ce qu'a compris le groupe Fils de France (Égalité et Réconciliation)
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2012

    Analyse honnête du Front National. Par contre, vous sous-estimez grandement la menace islamiste en France, car on pourrait presque parler de Printemps Arabes français, tellement que ces élections ont été affectés par le vote musulman. Il est clair que les imams contrôlent ces votes: http://www.lavie.fr/actualite/93-des-musulmans-ont-vote-pour-francois-hollande-07-05-2012-27212_3.php
    Et quand on connait les tendances politiques de Hollande, on peu même se demander si la France ne vient pas de voter pour son suicide comme civilisation:
    http://ripostelaique.com/dans-260-semaines-le-mot-fin-sera-ecrit-au-bas-de-lhistoire-de-france.html
    http://ripostelaique.com/drapeaux-etrangers-a-la-bastille-et-vote-musulman-pour-hollande-la-democratie-a-parle.html

  • Marcel Haché Répondre

    10 mai 2012

    Excellent texte.
    Avant même le premier tour, le célèbre père de Marine Le Pen, Jean Marie, si communément diabolisé sur la question des « immigrés », a quand même précisé qu’un gouvernement F.N. ne « rejetterait personne à la mer ». Ce n’est peut-être pas la meilleure main tendue, mais ce n’est pas la pire non plus.
    Quant à Marine Le Pen, c’est alors qu’elle savait sans doute les scores du premier tour, qu’elle savait qu’elle ne serait pas du deuxième tour, c’est là véritablement qu’elle pouvait livrer le fond de sa pensée, n’étant pas tenue à aucune langue de bois. Son discours au Zénith fut et restera, quant à moi, un grand discours souverainiste.