Présidentielle française

L'UMP au bord de l'implosion?

La stratégie «à droite toute» de Sarkozy ouvertement critiquée

Élection présidentielle française




Paris — À 11 jours du point d'orgue de l'élection présidentielle française, le vent de la discorde semble souffler sur le parti de Nicolas Sarkozy. Donné perdant par tous les sondages contre le socialiste François Hollande, le président en sursis a en effet décidé de poursuivre sa campagne « à droite toute » afin d'aller chercher un par un les électeurs (18 %) qui ont voté au premier tour pour le Front national (FN) et sans lesquels il ne peut espérer l'emporter.
Depuis dimanche, Nicolas Sarkozy a donc soudainement radicalisé sa critique de l'immigration, de l'assistanat et de l'Europe. Il propose même de rassembler ses partisans sur le Champ de Mars le 1er mai afin de célébrer ce qu'il nomme le « vrai travail ». Un rassemblement qui concurrencera celui des syndicats, en ce jour de fête des Travailleurs, et celui du FN, pour le jour de la fête de Jeanne d'Arc.
Cette stratégie mécontente une majorité de militants, qui n'hésitent plus à se déchirer sur la place publique. Depuis dimanche, certains s'inquiètent même ouvertement du danger d'implosion de leur parti advenant une défaite de Nicolas Sarkozy le 6 mai prochain. Hier, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a clairement évoqué cette éventualité sur les ondes de France Info. « Si Nicolas Sarkozy perdait, disait-il, nous serions un certain nombre à tout faire pour que l'UMP garde sa cohésion, parce que reconstituer [...] le RPR et l'UDF, c'est dix ans d'échec pour ce qui serait alors l'opposition. »
Celui qui fut le premier chef de l'UMP en 2002 a aussitôt été rabroué par son candidat. Ce débat « n'intéresse nullement les Français », a tranché Nicolas Sarkozy en ajoutant que son ministre « ferait mieux de se concentrer sur le deuxième tour ». Le parti du président n'est peut-être pas au bord de l'implosion, mais on l'a déjà vu plus uni.
Forte des 6,4 millions de voix récoltées dimanche dernier, la candidate du Front national n'en espérait pas tant. Marine Le Pen n'a en effet jamais caché que son objectif était de faire exploser l'UMP. « Nicolas Sarkozy a dit qu'il allait partir s'il perdait. Il va donc laisser un champ de ruines. Je n'ose imaginer ce que cela va donner », disait-elle le 19 avril dernier.
Le président serait-il sur le point de lui donner raison ? « Le résultat médiocre de Nicolas Sarkozy, s'il devait se conclure par une défaite, mettra en question l'existence même de l'UMP », affirmait hier dans le quotidien Le Monde le politologue Philippe Raynaud.
Une stratégie controversée
Au sein de l'UMP, les militants hésitent de moins en moins à dire que cette campagne « à droite toute » est en train de saper les bases qui avaient permis au parti de rassembler les principaux courants de la droite française. Depuis 2002, l'UMP regroupe aussi bien la Droite populaire, proche du FN, que les gaullistes sociaux, les libéraux républicains et même les centristes de l'ancienne UDF. En siphonnant les voix du FN en 2007, Nicolas Sarkozy avait fait de l'UMP un parti hégémonique de tout ce qui se réclamait de la droite en France.
Aujourd'hui, la stratégie électorale définie par le conseiller Patrick Buisson est pourtant loin de faire la joie d'un gaulliste social comme Henri Guaino ou d'un républicain modéré comme Jean-Pierre Raffarin. Lundi, l'ancien premier ministre a d'ailleurs sommé son chef de mieux prendre « en compte les valeurs humanistes ».
La sénatrice de Paris Chantal Jouanno a aussi critiqué ouvertement la stratégie du président et revendiqué « un discours plus équilibré ». Elle affirme que si, aux législatives, elle n'avait que le choix entre le FN ou le PS, elle voterait PS sans hésitation. Une déclaration qui a fait bondir le premier ministre François Fillon, selon qui, en pleine campagne du second tour, ces propos sont « stupides et contre-productifs ».
Au FN, on se réjouit de ces tiraillements. « Après ces multiplications d'appels à voter en faveur du PS, le Front national constate combien il est malheureux de voir des dirigeants du parti de Nicolas Sarkozy faire ainsi la courte échelle à François Hollande », a ironisé Steeve Briois, secrétaire général du FN.
Le « troisième tour »
Cette cacophonie est directement liée à l'influence que pourrait avoir le FN sur le « troisième tour » de cette présidentielle, ainsi que l'on surnomme les élections législatives de juin prochain.
Le poids du FN (18 %) pourrait en effet provoquer une centaine de « triangulaires », estiment les experts. Ces scrutins (dans lesquels deux candidats de droite s'opposeraient à un candidat de gauche au second tour) pourraient précipiter la déroute de dizaines de candidats de l'UMP, faisant du coup élire une forte majorité de socialistes. À moins évidemment de négocier des accords de désistement, ce qui impliquerait de lever le cordon sanitaire qui a toujours entouré le FN. Selon un sondage OpinionWay publié hier par le journal Les Échos, 64 % des électeurs de Nicolas Sarkozy seraient favorables à ces alliances.
L'idée fait dresser les cheveux des militants centristes et modérés de l'UMP. Si de telles alliances étaient conclues avant les législatives, elles ne provoqueraient rien de moins que l'explosion de l'UMP. « On va vers un séisme politique », déclarait à l'hebdomadaire Marianne Paul-Marie Couteau, un ancien gaulliste rallié depuis peu au FN.
Chez les centristes de l'UMP, on observe aussi la stratégie de Nicolas Sarkozy avec un oeil inquiet. Des personnalités comme les anciens ministres Jean-Louis Borloo et Rama Yade pensaient être au coeur de la stratégie présidentielle du second tour. Or la voilà mise de côté. Pour les militants du Parti radical de Jean-Louis Borloo, le temps pourrait être venu de reprendre leur liberté. Même chose pour ceux du Nouveau Centre d'Hervé Morin. Tous attendent avec impatience le choix que fera le candidat du Modem François Bayrou au second tour. Quoi qu'il fasse, il n'aura guère d'autre choix que de renouer avec son ancienne famille politique. L'échec de Nicolas Sarkozy pourrait même ouvrir un nouvel espace au centre.
Le numéro 2 du FN, Louis Aliot, disait récemment que l'UMP était « une auberge espagnole : il y a de tout là-dedans. Des proeuropéens, des antieuropéens, des laïcs, des non-laïcs ! » Le premier à prononcer le mot « implosion » au soir du premier tour fut l'ancien chef du Front national Jean-Marie Le Pen. Le vieux renard ne croyait pas si bien dire.


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