Québec et les francophones des autres provinces canadiennes

La débâcle de la francophonie

«Le fruit est mûr», écrit Pierre Allard dans l'édition du Droit du 30 décembre, 2010. En effet!

Canada bilingue - misères d'une illusion


[«Le fruit est mûr»->34060], écrit Pierre Allard dans l'édition du Droit du 30 décembre, 2010. En effet!
En 2003, Gaétan Gervais, dans son exposé magistral titré Des gens de résolution, nous remémorait les quatre grands Congrès réunissant des représentants de la Francophonie dispersés à travers l'Amérique du Nord. Chacun de ces Congrès réunissait environ 1500 personnes. À considérer le premier, qui a eu lieu en 1912, cela était réellement un engagement en profondeur... et un tour de force.
C'était l'époque des grands troubles où l'on nous enlevait systématiquement nos droits acquis, en Ontario et au Manitoba. De ces troubles sont nées l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFÉO) en 1910, devenue depuis l'Assemblée des francophones de l'Ontario (AFO) et l'Association d'éducation des Canadiens-Français du Manitoba (AÉCFM) en 1916, devenue depuis la Société franco-manitobaine (SFM).
On avait nommé le premier Congrès, en 1912, Concile oecuménique de la langue française. Y ont participé toutes les provinces canadiennes ainsi que des délégations franco-américaines.
Le deuxième Congrès a eu lieu en 1937, soit 25 ans après le premier. Il s'est nommé Convention nationale de tous les groupements de race française en Amérique. Le troisième, Congrès de la langue française, tenu 15 ans après le deuxième, en 1952, était aussi composé de représentants des 10 provinces et d'associations franco-américaines.
Le quatrième congrès a eu lieu après un autre laps de 25 ans. On le nomma cette fois États Généraux du Canada Français. Ce congrès s'est déroulé à Montréal en trois étapes, en 1966, 1967 et 1969. Les dés ont été jetés dans la rencontre de 1967, aboutissant à ce que Pierre Allard, dans son éditorial, appelle pudiquement «une certaine rupture entre le Québec et les minorités canadiennes-françaises des autres provinces».
Il serait plus juste de parler ici d'une grande débâcle par le simple fait que cette rencontre a été récupérée par les séparatistes québécois qui en ont fait de facto les États Généraux du Québec.
Les délégations hors Québec ont été contraintes de se taire pendant que la délégation québécoise, largement dominée par des souverainistes représentant quelque 30 à 35% de la population, sabotait la rencontre. La majorité silencieuse, en grande partie fédéraliste ou s'en-foutiste, était restée chez elle.
La flamme des États Généraux de 1967 a été allumée à partir de 1960 avec le RIN de Pierre Bourgault. Il y a donc eu sept ans de préparation pour en arriver à la catastrophe des États Généraux du Québec que nous avons subis l'année du centenaire canadien.
Cette réalité exige une pause et une réflexion. Nous étions la semaine dernière en 2010, sept ans avant le 150e anniversaire de notre Confédération. Allons-nous être au rendez-vous de vrais États Généraux du Canada Français en 2017?
Il n'y a eu aucune rencontre des Canadiens français du Canada depuis cette date fatidique de 1967, ce qui en 2017 constituera un hiatus de 50 ans. Cinquante ans où nous ne nous sommes pas parlés, sauf pour nous faire lancer des insultes méprisantes comme ce «Vu de l'extérieur, on a l'impression que cette francophonie, c'est un peu folklorique, qu'au fond c'est un combat un peu perdu d'avance» de Céline Galipeau à Radio-Canada alors qu'elle s'était présentée au Manitoba pour commémorer le 50e anniversaire de l'inauguration de l'antenne de Radio-Canada. Ou encore, ce «Tu sais, hors du Québec, c'est un pays anglais» de Patrick Lagacé, cet animateur des Francs-tireurs à Télé-Québec. Il s'entretenait lors des Jeux olympiques de Vancouver avec Pierre Trudel, un commentateur sportif qui lui, n'a pas manqué d'en rajouter: «Peut-être qu'il va y avoir un bilinguisme de façade... mais on sait que ça n'existe pas. On sait que c'est une supercherie complète.»
150e anniversaire
Il nous faut préparer des États Généraux du Canada français avant le 150e anniversaire de la Confédération Canadienne dans le but de dissiper cette ignorance arrogante et remettre les pendules à l'heure concernant les réalités du français à l'extérieur des frontières du Québec.
«Le fruit est mûr.» En effet. Cinquante ans d'un Québec isolé, introverti, replié sur lui-même. Et 50 ans de communautés françaises hors Québec ignorées et bafouées.
Cette rencontre, que nous avons 5 à 7 ans à préparer, pouvons-nous la rendre égale à celles d'antan, avec 1500 délégués de partout en Amérique du Nord? Pouvons-nous la faire cette fois avec une représentation de la partie québécoise qui reflète la réalité de la «nation québécoise»? Soit 35% de séparatistes-indépendantistes-souverainistes-solidaristes, 45% de fédéralistes et 20% d'allophones et d'anglophones francophiles.
En réalisant cela, nous pouvons répondre ensemble à un état d'âme collectif qui ressemble étrangement à un défi. Ce défi a été posé par Gaétan Gervais à la dernière page de son récit superbement lucide Des gens de résolution: «Aujourd'hui, les ponts avec le Québec sont largement coupés et personne ne sait si, ni comment, ils seront reconstruits.»
Ayons l'audace de nous projeter quelque deux ans avant le 150e anniversaire de la Confédération canadienne, quelque 50 ans après la mainmise séparatiste sur les États Généraux par une poignée de Québécois indépendantistes, et imaginons le Congrès du Canada français. Le vrai, cette fois.
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Bruno Lagacé,
Ottawa


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