La Belgique unie autour de deux banques

La Belgique unie par l'intérêt que le capitalisme dicte aux êtres humains contre les vraies valeurs.

Chronique de José Fontaine

La première de ces banques est la banque FORTIS : les gouvernements belge, luxembourgeois et néerlandais y ont injecté 11,2 milliards d’€. Le lendemain, le Gouvernement belge faisait de même avec la Banque DEXIA où il n’injectait qu’un milliard, la Flandre 0,5, la Wallonie 0,35 et Bruxelles 0,15 de même que le Luxembourg, 0,4. Les communes belges et luxembourgeoises sont actionnaires de cette banque, d’où la participation des Régions à l’opération de sauvetage puisque les Régions organisent les pouvoirs locaux dans l’Etat fédéral depuis 1999 (aux yeux d’un Québécois, la chose peut sembler banale, mais nous ne sommes pas encore habitués à ce système fédéral où les Régions acquièrent rapidement de plus en plus de compétences au point que certains prévoient que la Belgique ne sera bientôt plus qu’une coquille vide). Le gouvernement français injecte 1 milliard, les grands actionnaires de Dexia comme la Caisse des Dépôts, 2 milliards et trois autres actionnaires belges (Holding Communal, Arcofin et Ethias) 1 milliard.
Hier encore, FORTIS sous contrôle belge revendait à l'Etat néerlandais et la banque AMRO qu'elle avait achetée (ce qui peut expliquer ses difficultés), pour 16, 8 milliards.
Tout cela s’est fait pratiquement sans remous politiques. Vendredi soir au club de la presse à la RTBF, les journalistes francophones de sentiment belge commençaient à s’en réjouir, ce qu’un Flamand plus radical a contesté. Il était parfaitement impossible que l’Etat belge laisse tomber FORTIS qui est la banque de la grosse majorité des Belges. Etrangement, elle est issue de la fusion de plusieurs autres banques dans les années 90 dont une banque publique, la vieille CGER (Caisse générale d’épargne et de retraite, créée au milieu du 19e siècle pour sécuriser l’épargne des simples citoyens dans … un autre contexte de faillite).
Curieusement, je le répète, cette opération a fait l’unanimité en sa faveur au parlement fédéral et dans les Etats fédérés. Dans le contexte politique agité depuis 16 mois, cela frappe. Il est vrai que le principal parti du gouvernement (les démocrates-chrétiens du Premier Ministre Yves Leterme), en cartel avec les nationalistes radicaux de la NVA, a finalement laissé tomber son partenaire radical, ce qui rend la négociation avec les Wallons et les Francophones un peu plus décrispée. Mais en fait, les divisions politiques demeurent.
D'ailleurs la curiosité devant tout cela peut aussi venir du fait que l’air du temps n’est pas à l’intervention de l’Etat. C’est une banalité de le constater, peu importe l’endroit de la Planète où l’on se trouve. Sur la politique belge, cela pourrait avoir comme effet de renforcer en Wallonie le Parti socialiste que je dirais théoriquement de gauche. Il est vrai que le fédéralisme a été historiquement en Wallonie une revendication de la gauche socialiste et surtout syndicaliste, désireuse, devant le déclin de l’économie wallonne, dont elle prit conscience avec acuité au cours de la grande grève de 1960-1961, de doter la Wallonie d’un Etat pour lutter contre le déclin économique et contrôler les holdings, les banques en quelque sorte.
Bien entendu, l’air du temps a envahi tout y compris le Parti socialiste dont je dirais (mais avec humilité dans cette critique), qu’il n’est plus que nominalement de gauche. N’empêche qu’il incarne encore une certaine foi dans la puissance publique et son rôle dans les affaires humaines, ce que les Français ont baptisé du beau nom de République.
Nous sommes depuis trente ans devant un néolibéralisme arrogant qui n’accorde plus de valeur humaine qu’aux cerveaux bronzés, de préférence docteurs en mathématiques avec la plus grande distinction, capables de manoeuvrer en bourse. Capables, ils le sont certainement de jouer dans ce casino formidable. Mais celui-ci doit-il régenter les affaires humaines ? Les économistes libéraux sont souvent pleins de suffisance (tant que les crises ne bouleversent pas leurs calculs en plongeant dans la misère bien du monde). Par exemple, le président du parti libéral wallon et francophone attaquait encore récemment le président du parti socialiste en disant que le socialisme était en Wallonie encore « soviétique ». Si le mot « soviétique » est polémique, avec ce qui se passe, le mot « libéral » ou « néolibéral » risque de le devenir bien vite aussi. Qu’on me permette une confidence. Si le capitalisme, quand il sombre (à la façon du soviétisme), ne faisait pas autant de mal (un cortège de misères, d’émeutes et de guerres se profilent à l’horizon prédit le philosophe français Halévy), je dirais que je retrouve derrière la crise actuelle, le parfum le plus fort du monde quand j’étais jeune. Par exemple, celui de la Constitution de Vatican II qui commençait par les mots « Gaudium et spes », l’Eglise des années 60 faisant alors siennes « les joies et les espoirs du monde ». Qui oserait encore aujourd’hui parler des joies et des espoirs du monde ?
Ou encore, ces mots lancés du balcon de la deuxième ville française du monde par ce vieil homme encore si étonnamment jeune parce qu’il croyait en la République. Et qui, en Wallonie, nous avaient fait tant rêver parce que nous aurions bien voulu les entendre aussi à Liège par exemple...
Vous vous souvenez ? C’était en juillet 1967.
Et les mots étaient « Vive le Québec libre ! ».
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2008

    Nous sommes depuis plus de trente ans dirigés (enseignés) par des incompétents ... L'affaire Fortis se continue par une vente à perte ... comme souvent en Belgique ... fin des années 90 ... on a bradé notre sidérurgie aux Français pour 15% du prix payé dans les années 80 pour la sauver ... dans ces années là on a aussi revendu une part de notre or alors qu'il était coté à 25% de sa valeur actuelle ... et maintenant on laisse les Hollandais prendre pour 16 milliards une branche de Fortis dans laquelle la seule ABN Amro en valait 24 ! Devant autant d'incompétences ... Les blagues belges ont vraiment toutes leurs raisons d'être !