La Wallonie à la conférence des peuples de langue française

La Wallonie est en fait exclue de la Communauté des peuples de langue française

Chronique de José Fontaine

Une accalmie dans les problèmes belges me donne l’occasion de m’exprimer sur un véritable scandale qui se produit maintenant depuis les deux dernières Conférences des peuples de langue française (CPLF), la dernière CPLF (la XVIIe) ayant eu lieu à Québec les 14, 15 et 16 août de cette année.
Déjà à Sète, où j’étais présent, les Wallons, les yeux écarquillés, ont vu apparaître, au début de la XVIe CPLF, comme leurs « représentants », un « Rassemblement pour l’Union des Francophones » (ou RUF en abrégé), dont personne n’avait jamais entendu parler chez nous et dont on n’a toujours pas entendu parler depuis. Ce mouvement n’existe pas. Il est en fait lié au Front Démocratique des Francophones qui est un parti limité à la Région de Bruxelles/capitale et dont le président Olivier Maingain semble vouloir monopoliser la représentation francophone wallonne et bruxelloise à la Conférence des peuples de langue française.
Pour nous, régionalistes wallons, quelle que soit notre proximité avec les Bruxellois , surtout ceux que l’on peut appeler les régionalistes bruxellois, ce mouvement fantôme ne nous représente pas d’autant plus qu’il n’existe pas. Je sais que cela pourra sembler étrange à d’autres pays francophones, mais les Wallons, tout en étant francophones comme la majorité écrasante des Bruxellois, ont toujours désiré que l’organisation politique de la Belgique soit basée sur trois régions, la Wallonie, la Flandre et Bruxelles. Ce qui implique que la Wallonie soit représentée comme telle à la Conférence des peuples de langue française et non sous la coupole belge en général, même francophone. Le paradoxe actuel de cette Conférence qui ne fait pas de place assez distincte ni assez visible à la Wallonie, c’est qu’elle en garantit une à la Flandre représentée par l’ « Association de la Promotion du Français en Flandre, APFF ». Il ne s’agit nullement de remettre en cause la représentativité de cette association qui correspond aux 300.000 Francophones que compte la Flandre. Mais il est intéressant de comparer le statut de représentante à part entière de cette association et de la Flandre alors que, par rapport à la Flandre, la Wallonie, pays de 3.400.000 francophones, n’a que le statut d’invitée, sa représentation étant prétendument assurée par le fantomatique RUF dont trois ans après Sète personne ne connaît toujours l’existence. Sauf ceux qui peuvent se payer les voyages aux endroits où se réunit la Conférence des peuples de langue française et de cette association fictive.
Il est vrai que le Comité wallon d’Action pour les Relations internationales (CWARE), qui vient de se créer a pu se faire entendre à la dernière conférence de Québec. Ce comité regroupe des mouvements très classiques de la mouvance wallonne comme Wallonie Libre et l’Action fouronnaise. Elle est aussi liée au Mouvement du manifeste wallon qui ne cesse d’intervenir depuis deux ans sur la scène politique belge en vue d’y défendre, de concert d’ailleurs avec les régionalistes bruxellois, les deux grands syndicats wallons (la FGTB et la CSC), la Fédération wallonne de l’agriculture, l’idée d’un fédéralisme ou d’un confédéralisme à trois : Flandre, Wallonie, Bruxelles. Cette idée d’une Belgique à trois (et non à deux, Flamands et Francophones), est sans doute même ce qui oppose le plus radicalement les Flamands aux Bruxellois et aux Wallons. Lors des Fêtes de la Wallonie du Week-end dernier, la Région de Bruxelles était l’invitée d’honneur de la capitale wallonne, les autorités de la Wallonie et de Bruxelles voulant ainsi marquer leur désir que ces deux régions restent à la fois distinctes et solidaires pour mille et une raisons qui correspondent aux réalités. Depuis 1905, tous les projets wallons de fédéralisme (jusqu’à son instauration en 1970-1980), ont été des projets de fédéralisme à trois et non à deux (ce que serait un fédéralisme regroupant des Francophones et des Flamands, la Wallonie étant niée dans l’opération).
Avec les régionalistes bruxellois, les Wallons des organisations que je viens de citer souhaitent même la suppression de la Communauté française de Belgique et le transfert des compétences de celle-ci à la Région bruxellois et à la Région wallonne, chacune étant maîtresse chez elle. Il est bien entendu que dans des matières comme l’enseignement, surtout, des règles communes doivent être maintenues et pour le reste qu’il faut entre les deux Régions des coopérations structurelles solidement organisées. Mais les Wallons n’accepteront jamais que, sous prétexte de rassemblement francophone, la Wallonie n’apparaisse plus comme telle dans les Conférences des peuples de langue française et soit en fait représentée par la seule capitale belge et, qui plus est, par un parti politique qui n’a ni activité, ni représentant en Wallonie. La note de la délégation du CWARE à la Conférence des peuples de langue française du Québec réclame expressément « le retour des Wallons au Comité permanent de la CPLF avec un statut de plein droit ». Il est inadmissible qu’au sein de cette CPLF, le peuple wallon qui est en importance, la troisième communauté française du CPLF dans le monde après la France et le Québec – et cela bien avant Bruxelles ou les Flamands francophones - n’y soit plus considérée comme digne d’y occuper le siège qui lui revient depuis déjà deux conférences et dont certains veulent l’exclure. La Wallonie a déjà assez d'ennemis comme cela pour que la CPLF se joignent à eux pour l'étouffer.
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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