Vers la crise à nouveau...

Chronique de José Fontaine

Depuis la démission du Premier ministre fédéral Yves Leterme le 15 juillet (qui fut refusée par le roi), trois négociateurs dits « royaux » ayant de l’expérience politique, un Wallon, un Bruxellois et le Président de la petite Communauté germanophone, ont, à la demande du roi, longuement préparé des propositions sur la manière de négocier la future réforme de l’Etat belge. Ils ont remis leurs conclusions ce 19 septembre. Sur le cadre (leur texte dit même la « structure »), de cette négociation, il y a en gros un accord : composition des délégations (présence de la Région de Bruxelles comme telle), objectifs (une réforme profonde de l’Etat belge), voire même les délais pour signer des accords.
Cependant, il y a un problème que les trois négociateurs n’ont pas pu mettre dans la « structure », c’est cet arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). Celui-ci englobe la région bruxelloise et des communes de la Région flamande, dont quelques unes prévoient une sorte de bilinguisme limité pour les Francophones qui y habitent. Son nom officiel est l’arrondissement judiciaire de Bruxelles , mais celui-ci correspond bien à ce que l’on appelle BHV qui coîncide aussi avec une circonscription électorale et est à cheval surla Flandre et Bruxelles.
Les Flamands voient avec une angoisse que je comprends bien, l’énorme agglomération bruxelloise (qui est francophone), irradier tout ce qui l’entoure. Et franciser lentement certaines parties de la Flandre dont ce fameux arrondissement qui est à cheval sur la Région de Bruxelles (théoriquement bilingue, mais en fait francophone à 90%), et la Région flamande.
Du côté flamand, au gouvernement fédéral, il y a trois partis représentés : les libéraux, le CD&V (les démocrates-chrétiens), et la NVA (lié au CD&V par un accord de cartel). Dans le gouvernement flamand proprement dit, il y a aussi les mêmes partis, les socialistes et cette NVA très indépendantiste qui a aidé le CD&V à devenir le premier parti de Flandre.
Le parti NVA a donc un vrai poids politique. Il veut durement, à la fois une réforme de l’Etat allant dans le sens de l’indépendance et la scission de l’arrondissement dont je viens de parler (cette scission, coupant, de Bruxelles, la partie flamande de BHV, s’explique par la volonté de défendre les frontières de la Flandre et donc de son unité linguistique). Or le texte des négociateurs dits « royaux » ne précise comment il faut en parler. Le leader libéral francophone Didier Reynders en a, en quelque sorte, profité, pour, motivé par d'autres raisons électorales, proposer une discussion sur ce sujet d'une manière qui déplaît aux Flamands
Cela n'a pas été du goût de la NVA qui a de claqué la porte de la négociation sur la réforme de l’Etat et, du gouvernement fédéral. On peut expliquer cela par le fait que si les élections fédérales ont eu lieu en juin 2007, les élections régionales (dans les trois Régions du pays, donc dans tout le pays), auront lieu en juin 2009. Les partis politiques sont donc en campagne électorale depuis le début de 2007. Le parti indépendantiste NVA sait que, aux prochaines élections régionales en Flandre, celles-ci risquent de se faire sur le thème de la défense de la Flandre et de sa langue, donc sur BHV, avec un concurrent sérieux la « Liste Dedecker » qui a le vent en poupe (les sondages le confirment mais on le sent comme cela).
L’énervement électoraliste est tel que, au moment où j’écris ces lignes, j’ai le sentiment que la Belgique va à nouveau connaître un grave blocage et que l’on va aller revoter tant au niveau régional que fédéral, pour sortir du stress pré-électoral qui empêche de bien négocier. Les dates fort rapprochées de ces élections qui concernent en réalité tout le pays (les fédérales par définition et les régionales, car elles ont lieu simultanément en Wallonie, Bruxelles et Flandre), sont la cause d’une bonne part des difficultés actuelles. A quoi l’on peut ajouter le fait qu’il y a, pour le moment, en Flandre, une surenchère nationaliste formidable. Mais évidemment, s’il y a des élections de deux types en Belgique, si rapprochées, c’est à cause des relations entre Flamands, Wallons et Bruxellois qu’on a voulu faciliter par l’instauration d’un fédéralisme allant très loin. La crise actuelle montre qu’on ne va pas encore assez loin. Tant à Bruxelles qu’en Wallonie, il y a des leaders attachés à leur région et qui, maintenant, n’écouteront pas les sirènes belges d’une partie de l’opinion qui veut être débarrassée de cette question mais qui commence à ne plus la croire artificielle. Lucidité ! Car les hommes politiques tant wallons que flamands, en crise depuis près de deux ans ne se disputent pas pour le plaisir, mais dans un contexte où il est difficile de mener cette « action rationnelle en vue de l’entente », qui est la définition de l’action politique et dont je souhaite ardemment que, dans la sérénité, elle mène à une Wallonie libre liée à Bruxelles. L’invitée d’honneur de la Fête de la Wallonie ce 20 septembre, c’était justement la Région bruxelloise. On finira par s’entendre entre Wallons, Flamands et Bruxellois, mais il va encore y avoir des vagues, peut-être même une tempête…
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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