La Bataille pour l’indépendance

Si nous voulons faire l’indépendance, il faut adopter une stratégie de bataille

Comprendre notre intérêt national

Les petits textes de moi que Vigile a eu la bonté de diffuser ont suscité des réactions sympathiques et je remercie les auteurs de ces commentaires.
Je ne veux pas discuter indéfiniment car il y a toujours une part de vérité dans les opinions différentes sur le même sujet. L’histoire, spécialement, se prête à des lectures différentes et c’est pourquoi il faut discuter sans acrimonie, comme mes commentateurs le font. Il en va de même pour le problème de la religion, de sa place dans la vie d’un peuple, ce qui appelle beaucoup de nuances, de distinctions.
Mais ce n’est pas ce sujet qui me préoccupe principalement dans les articles que j’ai confiés à Vigile. Je dirais que ce qui me préoccupe, dans ces textes, c’est la bataille de l’indépendance. Or, dans une bataille, on ne tire pas sur ses compagnons de combats, même si on sait qu’ils sont imparfaits et plus ou moins braves, mais sur l’adversaire. La question de l’indépendance du Québec, pour moi, ce n’est pas une affaire d’étude de l’histoire, ce n’est pas un débat sur la religion des Québécois, c’est une bataille à livrer, et je trouve que nos hommes politiques, nos intellectuels, les nouveaux clercs qui formulent l’opinion publique, ne la livrent pas cette bataille. On dirait qu’ils attendent que l’indépendance se fasse. Si elle leur était servie sur un plateau sans qu’ils aient à se débattre, ils seraient très heureux. C’est cette espèce de manque de détermination du peuple québécois qui me déconcerte et me fait mal.
Si l’on veut absolument la considérer sous l’angle historique, cette bataille, qu’on ne se contente pas de parler de nos faiblesses, de nos échecs, de nos misères. Qu’on nous parle de nos combats, de nos efforts, de nos réussites, de notre résistance, de notre survivance envers et contre tous. Mais surtout, qu’on rappelle et qu’on dénonce la guerre qui nous a été livrée. Je ne prends qu’un exemple. Si on raconte l’histoire des Patriotes, on parle de l’attitude du clergé, de l’Église et on en profite pour nous accabler. On passe sous silence la bataille que les Patriotes ont livrée pendant des décennies pour défendre les libertés démocratiques. On oublie de parler du Gouverneur, nommé par Londres, de son Exécutif nommé par lui-même, de leur mépris du fonctionnement de la démocratie, de la barbarie de Colborne qui a saccagé des villages, incendié des fermes, dans la région de Saint-Eustache, Saint-Benoit, Châteauguay, etc. Il y a une manière de raconter l’histoire qui inviterait les Québécois à se libérer des entraves qui les ont étouffés pendant des siècles. Il y en a une qui les démoralise, les culpabilise, leur fait perdre confiance en eux -mêmes.
Si nous voulons faire l’indépendance, il faut adopter une stratégie de bataille. Il faut identifier nos adversaires et les combattre avec détermination. Ce n’est pas le temps non plus de nous diviser. Je regrette la division des forces autonomistes ou indépendantistes. Il faut faire l’indépendance, et quand elle sera faite, quand nous nous serons pris en main, il nous sera loisible de donner forme à la panoplie des tendances politiques différentes. Je dirais la même chose pour la religion. Il sera plus facile de lui donner une forme qui nous convienne dans une société laïque, en respectant notre identité tout en accueillant les immigrants, quand nous serons indépendants.
Paul-Émile Roy


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2007

    Premièrement il faut dire que, si un Général français a perdu une bataille nous n'avons pas perdu la guerre. La preuve en est que nous avons continuer à développer notre état nation (de facto) sur 400 ans d'histoire. De l'étape embryonnaire, nous avons progressé et avons acquis les assises d'un état moderne (possiblement membre du G20). En route vers un état optimal (Souverain)
    Ce qu'il faut faire maintenant pour progresser c'est de continuer de structurer notre état (tout tourne autour de l'état) sans attendre le Grand soir de l'indépendance. Il faut cependant comprendre que chaque acte d'état nous y approche car cela structure la base de la dynamique qui nous y mène: Combien de membres du Gouvernement du Québec qui ont mis en place la Révolution tranquille (Modernisation de l'état) étaient conscient que cette base allait créer une dynamique qui allait mener à la création d'un mouvement souverainiste dont la plupart seraient les acteurs (ils étaient tous fédéralistes).
    C'est en gardant ce constat en mémoire qu'il faut évaluer la proposition de doter le Québec de sa propre Constitution. Il s'agit d'un acte d'état d'envergure qui va nécessairement créer une dynamique porteuse, il s'agit de savoir jouer le jeux. Car cette Constitution entrera inévitablement en conflit de légitimité avec celle d'Ottawa.Donc un rapport de force et une possible rupture. Pour le moment cette proposition reçoit l appuis de plus de 60% de la population; si ce projet est mener à terme en gardant cette appuis alors nous verrons de nouveau horizons s'ouvrir (genre post Lac Meech).
    Il est là le projet commun: préciser les termes politiques et juridiques de l'état nation du Québec; et les contours du pays à venir, étape indispensable pour y accéder, à nous de se rallier et apporter notre appuis à cette dynamique.
    Il y a quelque mois je vous aurais dit d'oublier toute espoir en Mme Marois.Mais depuis la proposition de la Constitution du Québec je suis près à l'appuyer pour que cet acte d'état se réalise.
    Certains diront oui mais ce n'est qu'une Constitution de province qui nous entrainera sur une voie de garage. Ils auraient dit la même chose du projet de la Révolution tranquille et voyer la dynamique que cela a créer.
    Il faut prendre acte que le peuple chemine à un rythme qui est le sien et que jusqu'à maintenant son instinct ne l'a pas tromper. La preuve, nous ne sommes pas disparu et nous sommes à la porte du pays.
    Jean Claude Pomerleau

  • David Poulin-Litvak Répondre

    18 décembre 2007

    Voilà un point bien pertinent. Il convient cependant de noter qu'ailleurs, les combats pour l'indépendance n'ont pas donné lieu à une unité de résistance, mais, souvent, à une diversité. Souvent, de cette diversité est née un courant "majoritaire", qui correspondait à l'esprit du peuple. Ce courant n'était, en fait, pas toujours majoritaire, parfois loin de là, au sein des instances décisionnelles, des élites de l'índépendance, mais il correspondait à ce dont le peuple avait besoin, et était donc mobilisateur, inspirant pour le peuple. L'indépendance de l'Inde, par exemple, a donné naissance à un foisonnement de mouvements, et c'est le mouvement gandhien, parce que conforme à l'esprit indien, qui a su émerger. L'indépendance sous Bolívar, je crois, aussi, obéit à ce principe. Bolívar est parti avec quelques troupes de l'actuelle Colombie, puis a reconquérit le territoire vénézuélien.
    Personnellement, je crois qu'il faille, en quelque sorte, tenir de sains débats internes, je ne sens pas encore une maturité du mouvement indépendantiste québécois, ce mouvement manque d'ambition, et, à cause de cela, n'est pas convaincant, ni entraînant. Il faut donc avoir une attitude de débats, à l'interne, et de combat à l'externe. Là où M. Roy vise extrêmement juste, c'est l'aspect, bataille, guerre, combat, lutte. Trouvez-moi une véritable indépendance qui s'est faite sans lutte! L'Inde, les États-Unis, les Républiques du Nord et du Sud de l'Amérique du Sud, etc. Dans les deux derniers cas, les figures de proue étaient des militaires (Washinton, Bolívar, San Martin, Sucre, etc.), dans le premier, disons un militaire déguisé. Gandhi, c'est indéniable, était un combattant, son combat était entre autre spirituel, comme celui de Martin Luther King, par ailleurs, mais c'était un combattant.
    Nous avons été asservis par une bataille, celle des plaines d'Abraham, et c'est notre notre reponsabilité de laver la défaite de nos pères par une victoire, qui se nomme indépendance. L'honneur national, en quelque sorte, en dépend. Et je soutiens que le combat de l'indépendance est un combat sain, nécessaire, expiatoire et créateur. Il est aussi, psychologiquement requis pour faire du Québécois un homme, au lieu de ce demi-portion à la demi-nation.

  • Lionel Lemay Répondre

    18 décembre 2007

    Je suis entièrement d'accord avec vous.
    Les partis autonomistes, souverainistes et indépendantistes devraient s'unir une fois pour toutes, ne serait-ce qu'à l'occasion des prochaines élections, pour promettre au peuple québécois que leur vote majoritaire sera un vote pour l'indépendance et que le parti élu, quel qu'il soit, devra se battre pour faire adopter par l'Assemblée Nationale la nouvelle constitution d'un Québec libre et indépendant.
    Personnellement, je crois, pour apaiser les inquiétudes des gens qui ont peur de couper le cordon ombilical avec le Canada, qu'on devrait annoncer, pour montrer notre bonne volonté, la signature éventuelle d'un traité de libre passage des personnes et des biens entre les Maritimes et l'ouest canadien. D'autres traités pourraient remplacer certains liens économiques et politiques qui nous unissent déjà au Canada.