L'ingénuité d'un président

De grâce, que Nicolas 1er ne devienne pas l'héritier politique de Louis XV!

France-Québec : fin du "ni-ni"?


Un conseiller diplomatique de Matignon m'a déjà avoué qu'après le Proche-Orient, la relation triangulaire avec le Québec et le Canada était peut-être, pour la France, la situation la plus complexe sur le plan diplomatique; le sang en moins, évidemment.
Ainsi, un mot au sens tout à fait anodin en Hexagone devient, utilisé par un haut gradé français au sujet du Québec, une hérésie pour les uns et une parole d'évangile pour les autres. Un mot, un seul, - que dis-je? une légère inflexion - suffit à rompre l'équilibre qui existe pourtant depuis plus de 30 ans.
D'ailleurs, la presse d'ici est à l'affût du moindre faux pas lorsqu'un dirigeant politique français se prononce à ce sujet. À la lumière de l'annonce inusitée faite par Jean-Pierre Raffarin selon laquelle le président Sarkozy s'apprêterait à procéder à un important recentrage de la politique française vis-à-vis le Québec et le Canada, je me demande sincèrement si on pourra parler d'un autre sujet que celui-là à l'occasion du Sommet de Québec. Comme gestion des attentes, on a déjà vu mieux!
Je salue la modération avec laquelle [André Pratte a commenté l'annonce de M. Raffarin dans La Presse->12775], mais je me demande où logent les autres fédéralistes.
La question n'est pas de savoir si la France appuie l'idée d'indépendance nationale du Québec. Même si, soit dit en passant, personne ne s'insurge du mantra américain en faveur d'un Canada uni répété inlassablement depuis des décennies... La question est plutôt de savoir si le Québec peut conserver le modeste point d'appui que lui prête la France depuis bientôt 50 ans pour qu'il s'épanouisse le plus possible sur le plan international.
Si les fédéralistes québécois sont sincères dans la reconnaissance, la défense et le développement de la nation québécoise, voilà l'occasion idéale de le démontrer.
Le délégué général du Québec à Paris est-il à pied d'oeuvre dans les officines du Quai d'Orsay, de Matignon et de l'Élysée pour sauvegarder l'intégralité de la relation privilégiée entre le Québec et la France? Le bureau du premier ministre et le ministère des Relations internationales du Québec sont-ils en train de s'assurer que la relation directe entre le Québec et la France ne tombera pas en déshérence? Les militants libéraux sont-ils inquiets de cette dérive? Il serait pour le moins absurde de réclamer plus d'autonomie pour le Québec sur la scène internationale - comme le font notamment les libéraux québécois - tout en regardant béatement nos acquis diplomatiques les plus chèrement gagnés et maintenus s'éroder de la sorte.
Car il faut le dire, tout anglophile et américanophile que je sois, nous ne pourrons jamais compter ni sur l'un ni sur l'autre de ces deux grandes nations pour appuyer quelque ambition internationale du Québec.
Il serait dommage que le président Sarkozy, au détour d'une de ces petites phrases qui font et défont des politiques, sorte des sentiers battus par sa propre famille politique. De grâce, que Nicolas 1er ne devienne pas l'héritier politique de Louis XV. Il découvrirait alors, à ses dépens, que le Québec, c'est peut-être quelque chose comme quelques arpents de pièges!
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Daniel Audet
L'auteur est un ancien délégué général du Québec à Londres.

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Ancien délégué général du Québec à Londres, l’auteur est revenu en politique en juin 2006, comme conseiller spécial du chef du Parti québécois, André Boisclair. Dans les années 1990, il a pratiqué le droit au cabinet Lapointe Rosenstein, a été directeur de cabinet du vice-premier ministre Bernard Landry, puis est devenu vice-président de Vidéotron, en 1997. Avant de replonger dans l’univers politique, il a dirigé le Cabinet de relations publiques National à Montréal. Il est maintenant premier vice-président du Conseil du patronat du Québec.





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