J'ai toujours été contre la création de la commission Bouchard-Taylor. J'ai toujours pensé que toute cette affaire d'accommodements raisonnables n'était qu'une tempête démagogique dans un verre d'eau électoral. J'ai toujours cru que faire de l'électoralisme avec un sujet aussi explosif était complètement irresponsable. Je le crois toujours!
Sauf peut-être pour la commission. Je dois avouer qu'elle a livré un rapport que je qualifierais de raisonnable et de pertinent! Un rapport qui, je l'espère, aura des vertus pédagogiques.
L'an dernier j'ai entendu des choses de la part de certains leaders québécois francophones que je croyais à tout jamais reléguées aux poubelles de l'histoire. Sans parler de certains citoyens - marginaux tout de même - qui tenaient parfois des propos xénophobes jouxtant le racisme devant des commissaires bouche bée. Et que dire des politiciens de toutes les formations politiques qui écoutaient avec le plus grand des respects les ignares de Hérouxville débiter leurs sottises fascisantes? «Là, c'est les musulmans qui doivent se dévoiler, la prochaine fois ce sera les homosexuels qui devront retourner dans le placard et ensuite les femmes devront regagner la cuisine pieds nus?», me dis-je. Je ne reconnaissais plus le Québec que j'avais appris à connaître: une des sociétés les plus évoluées du monde sur le plan des droits et libertés de la personne.
La commission fait oeuvre très utile en déboulonnant systématiquement les faux exemples d'accommodements raisonnables qui ont défrayé la chronique pendant ces quelques mois honteux. Reporters peu scrupuleux et politiciens rapaces; prêts à tout pour exploiter les bas instincts de la population, au tiroir-caisse comme à l'urne. Et le clergé qui s'en mêle pour remettre en question la laïcité de l'État. Les années 50!
Je crois fermement qu'il y a des moments dans la vie démocratique où l'on doit se tenir debout pour défendre des principes que l'on croit fondamentaux, quitte à se faire rejeter par les électeurs. Les partis politiques ne doivent pas être que les valets d'électeurs fiévreux, ils doivent plutôt donner la direction et convaincre l'électorat du bien-fondé de cette direction. Très peu l'ont fait l'an dernier
Pour ce qui est des vrais accommodements raisonnables, je m'en remets aux juges. D'ailleurs, nous n'avons pas vraiment le choix et c'est tant mieux! Les juges ont leurs biais et leurs préjugés comme tout le monde, mais une fois nommés ils ont un avantage considérable face aux politiciens: l'indépendance. Ils sont donc très peu sensibles aux sautes d'humeur de l'opinion publique.
En conclusion, le ton et les recommandations du rapport des commissaires Bouchard et Taylor me semblent très équilibrés. Je ne suis pas d'accord avec chaque virgule de leurs recommandations - par exemple, personnellement j'inclurais les enseignants dans la conception de la laïcité étatique - mais ça se discute. Grosso modo, je m'accommode bien de ce rapport tant attendu!
Bien d'autres enjeux concernant la langue française et l'identité québécoise devront être scrutés dans les prochains mois. À mes yeux, ces sujets sont davantage cruciaux pour l'avenir du Québec que les relations interculturelles. Mais là n'était pas le mandat de MM. Bouchard et Taylor.
Seule ombre au tableau: juste au moment où l'on commençait à voir la lumière au bout du tunnel de la laïcité de l'État québécois, l'Assemblée nationale du Québec a adopté une motion visant à conserver le fameux crucifix dans l'enceinte de cette assemblée. Comme Québécois d'origine canadienne-française baptisé, je suis contre cette motion.
Malheureusement, le débat sur la séparation entre l'Église et l'État rappelle parfois le débat sur l'avortement. Un camp veut imposer ses valeurs à l'ensemble de la société, l'autre veut laisser le libre choix à la personne d'être catholique, juive, agnostique ou autre chose. Le crucifix n'a pas sa place dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale du Québec, pas plus que la prière ne l'a dans un conseil municipal. Je comprends parfaitement l'argument patrimonial lié à tout ce débat mais dans ce cas précis, je ne suis tout simplement pas d'accord, les commissaires non plus! Qu'on expose le fameux crucifix au musée de l'Hôtel du Parlement, ce sera amplement suffisant.
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Une des nombreuses séances de la commission sur les accommodements raisonnables. Les commissaires Gérald Bouchard et Charles Taylor, que l'on aperçoit à gauche, étaient à Saint-Jérôme le 24 septembre dernier pour écouter les témoignages de la population des Laurentides. (Photo François Roy, La Presse)
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Daniel Audet
L'auteur est premier vice-président du Conseil du patronat du Québec. Il était conseiller d'André Boisclair, alors chef du Parti québécois, lors de la campagne électorale de 2007. Il a écrit ce texte à titre strictement personnel.
Raisonnable et pertinent
Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»
Daniel Audet6 articles
Ancien délégué général du Québec à Londres, l’auteur est revenu en politique en juin 2006, comme conseiller spécial du chef du Parti québécois, André Boisclair. Dans les années 1990, il a pratiqué le droit au cabinet Lapointe Rosenstein, a été directeur de...
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Ancien délégué général du Québec à Londres, l’auteur est revenu en politique en juin 2006, comme conseiller spécial du chef du Parti québécois, André Boisclair. Dans les années 1990, il a pratiqué le droit au cabinet Lapointe Rosenstein, a été directeur de cabinet du vice-premier ministre Bernard Landry, puis est devenu vice-président de Vidéotron, en 1997. Avant de replonger dans l’univers politique, il a dirigé le Cabinet de relations publiques National à Montréal. Il est maintenant premier vice-président du Conseil du patronat du Québec.
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