L'indépendance en trois temps

Par Marc Dean

Québec 2007 - Parti Québécois

(Aux souverainistes) - D’abord, n’ayons plus peur des mots. Souveraineté, indépendance, sécession, séparation, c’est la même chose. La meilleure façon de faire disparaître les craintes de la population quant au projet de souveraineté, c’est d’en parler de façon claire, en toute transparence, en confrontant les peurs. Il n’y a pas de mal à parler d’un vote clair sur une question claire. Souveraineté est le mot utilisé par René Lévesque, auquel il avait ajouté le mot association. Ce projet visionnaire, puisqu’il établissait, bien avant l’existence de l’Union européenne, une façon novatrice de régir une relation d’égal à égal entre deux peuples indépendants dans le respect des quatre libertés : circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.
Plusieurs ont critiqué la fameuse question au référendum de 1980 la disant trop longue et manquant de clarté. Pourtant, cette question reflétait les valeurs de l’animateur de Point de mire. Expliquer dans des termes simples de grands concepts pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Faire appel à l’intelligence des gens. Ne pas prendre le peuple pour une valise. L’indépendance, la souveraineté, la séparation, la sécession ou exercer en toute liberté le pouvoir de faire ses lois, de percevoir tous ses impôts et d’établir des relations internationales avec qui l’on veut. Construire un pays à son image. Se donner la chance de vivre l’expérience républicaine de la liberté, de l’égalité et de la fraternité en lui donnant une saveur de chez nous, une saveur québécoise. Au goût d’Europe et d’Amérique. Un projet pour le Québec, pas contre le Canada ou contre les Anglais. Une affirmation claire de la volonté populaire par référendum sur un projet de souveraineté assorti d’une proposition de maintenir les quatre libertés à l’Européenne avec le Canada. Simple, non ?
Majorité claire
Maintenant qu’on a réglé le problème du pourquoi la souveraineté et de la question au référendum, parlons de la majorité claire. 50% plus un. Oui. C’est bon. Mais il faudrait que les Québécois et les Québécoises se tiennent debout un peu plus fort que ça. L’idéal : 52 ? 53 ? Qui dit mieux ? Je pense que plus le discours sera serein, clair, bien expliqué, transparent, sans entourloupette ni stratégie obscure, le peuple va embarquer à 55, 56, 57. Il faut seulement saisir toutes les occasions où l’on a la chance de s’adresser directement au peuple, sans le filtre des médias, pour faire avancer l’idée. Les débats des chefs, les publicités électorales, pour faire la promotion de l’idée. Mais aussi, l’implication des souverainistes : les assemblées publiques, les assemblées de cuisine, le porte-à-porte, les réunions de famille. Donnons à un éventuel gouvernement souverainiste un horizon de deux ans pour préparer un référendum gagnant.
Au lendemain d’un référendum gagnant, qu’est-ce qui se passe ? Il y a une transition. C’est sûr que les Canadiens anglais ne seront pas très contents sur le coup. La poussière retombée, il y aura une prise de conscience de part et d’autre que l’on a intérêt à s’entendre. Le Québec achète plus de l’Ontario que l’Ontario du Québec. On est donc en déficit commercial. Les Ontariens ne peuvent pas cracher sur un bon client. Le bon sens primera sur les émotions.
Côté légal, les lois fédérales et les accords internationaux signés par le Canada continueront de s’appliquer jusqu’à la convocation d’une assemblée constituante pour la préparation d’une nouvelle constitution.
La voix de l'argent
Côté financier, Jacques Parizeau avait tout prévu en 1995. Il avait constitué avec la Caisse de dépôt et de placement une réserve destinée à acheter des titres d’entreprises canadiennes qui auraient pu être malmenés sur les marchés au lendemain d’un référendum gagnant. Pas bête. Tout simplement brillant. Les investisseurs veulent se débarrasser des titres canadiens ? La Caisse se tient prête à Toronto, New York, Londres, Paris et achète, à bas prix, en profitant au maximum de la spéculation. Elle achète des dollars canadiens également pour soutenir sa valeur. Quoique aujourd’hui, ce ne sont surtout pas les exportateurs canadiens qui pleureraient si le dollar perdait quelques points.
Ensuite, on appelle le premier ministre du Canada et on le convoque à une séance de négociation pour séparer les actifs (infrastructures et propriétés fédérales) et les passifs (la dette). On menace de ne pas négocier ? Le Québec est devenu un actionnaire important de toutes les grandes entreprises canadiennes. Quelques téléphones à donner à Bay Street et le gouvernement canadien sera bien mieux disposé. «Money talks». Le Québec s’est doté d’un pouvoir de négociation qui permettra une transition harmonieuse.
Pour déterminer le montant de la dette à assumer, la Commission Bélanger-Campeau avait suggéré qu’il se situerait quelque part entre le pourcentage des dépenses fédérales au Québec par rapport à l’ensemble des provinces, soit autour de 18%, et le poids de la population québécoise dans le Canada, soit 23%. Ce qui ferait paraître le chiffre de 20% comme quelque chose de très acceptable.
L’évolution de la dette fédérale au cours des dernières années est très positive. En effet, le gouvernement fédéral engrange les surplus, dont une bonne partie a servi à réduire la dette. Si bien, que la dette fédérale oscille autour de 480 milliards de dollars. 20 pourcent de 480, ça donne 96. Si on additionne la dette du gouvernement du Québec qui est à 120 milliards, on arrive à un total de 216 milliards. Est-ce viable ? Lorsque l’on a créé la monnaie commune européenne, l’euro, on a fixé un certain nombre de critères de discipline financière auxquels les pays ont dû se conformer pour pouvoir adhérer. Le déficit annuel ne pouvait dépasser 3% du Produit intérieur brut (PIB) des pays et la dette ne pouvait dépasser 60% du PIB. Au moment de la création de l’euro, le ratio dette-PIB atteignait 120% pour l’Italie et encore plus pour la Grèce. On a quand même étiré l’élastique pour permettre à l’Italie de se joindre à la Zone euro.
Le PIB du Québec se situe autour de 240 milliards $, ce qui donne un ratio dette-PIB de 90 %. Pas si mal. Pour se comporter comme le bon élève de la classe, on pourrait se donner dix ans pour atteindre les critères de l’euro. On pourrait imiter les Suédois et se voter une loi de remboursement de la dette qui oblige tous les ministères et organismes du gouvernement à dégager un surplus de 2% avec un moratoire sur les baisses d’impôt.
Éliminer les doublons
Il sera essentiel de se doter d’un plan d’intégration des services gouvernementaux fédéraux. Il y a des précédents. Quand le Québec a obtenu du gouvernement fédéral la gestion exclusive de la formation professionnelle, malgré quelques ratés au début, les choses se sont tassées et qui se souvient aujourd’hui de cette transition ? Il faudra faire de même avec les postes, les affaires étrangères, l’aide internationale, l’armée, la police, les pensions, l’assurance emploi, les transports, les aéroports, les ports, les routes, les parcs nationaux, les différentes infrastructures, les édifices, etc. En plus, l’élimination des dédoublements entre les différents gouvernements devrait nous permettre d’économiser plusieurs centaines de millions de dollars annuellement.
L’intégration des employés fédéraux devrait se faire sans trop de problème. Il faudra négocier de nouvelles conventions collectives, appliquer certains réajustements salariaux et d’avantages marginaux. Encore là, il existe des précédents. On a qu’à penser aux fusions municipales où il a fallu fusionner des conventions collectives. Donnons-nous donc deux ans pour régler les transitions administrative et institutionnelle.
Maintenant, ce qu’il y a de plus excitant dans le fait que le Québec devienne un pays, c’est certainement la possibilité de diriger sa destinée sans intervention extérieure. René Lévesque parlait de se libérer du carcan fédéral. Pour faire quoi direz-vous ? Permettez-moi, comme social-démocrate, de vous proposer d’examiner les perspectives pour un Québec indépendant qu’offre le modèle suédois de développement socio-économique.
Un projet de société pour un Québec indépendant ? Je vous propose que le Québec se mette en marche pour rattraper les pays scandinaves (Suède, Norvège, Finlande, Danemark), en ce qui a trait aux indicateurs économiques et sociaux, en une génération, soit 20 ans. Faire du Québec un citoyen du monde exemplaire pour les droits et libertés, pour l’égalité des chances et la solidarité entre les citoyens, pour un développement durable concret et efficace, pour l’aide internationale, pour la démocratie, pour le développement économique, social et culturel, en 20 ans. Le Québec s’attellera à la tâche d’appliquer une à une les normes des Nations unies dans tous les secteurs d’activité et de même les dépasser, pour atteindre celles plus élevées des Scandinaves. Donc, si on récapitule : deux ans pour préparer un référendum gagnant, deux ans pour la transition vers le pays et une génération pour rattraper les Scandinaves. Qu’en dites-vous ?
Marc Dean
L'auteur a été président de la Société nationale des Québécois et des Québécoises de la Capitale (SNQC)

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L'auteur a été président de la Société nationale des Québécois et des Québécoises de la Capitale (SNQC)





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1 commentaire

  • Christian Charron Répondre

    25 février 2007

    Voilà un projet décrit clairement. Il faudrait que la question soit claire elle aussi. Celle-ci pourrait donc être :
    Voulez-vous que le Québec devienne un État indépendant, et négocie une entente de partenariat économique avec le reste du Canada, tel que décrite ci-dessous? (et alors on décrit les grandes lignes de l'entente de partenariat)
    Les détails d'un projet soumis par référendum doivent être inclus avec celui-ci. Allez voir comment cela se passe en Suisse, ils ont une expérience centenaire des référendums, et c'est de la façon qu'ils procèdent. Je suis tout à fait en désaccord qu'on pose une question qui implique un partenariat, sans décrire l'essentiel de cet accord. Je n'ai jamais signé de chèque en blanc, et je n'en signerai pas plus à un parti politique sur un projet de société dont les conséquences sont énormes.
    La question de conserver le dollar canadien est à examiner très sérieusement car il est très difficile pour un État manufacturier d'être soumis aux aléas d'une monnaie qui fluctue au gré du prix du pétrole.
    Est-ce que les Québécois vont dire oui à une telle question? Un des problèmes, c'est que les gouvernements des dernières années, et particulièrement le Parti Québécois, ont mal géré le Québec au cours des trente dernières années, ce qui fait que le projet est moins appétissant qu'il pourrait l'être. Le Québec a un grand potentiel, mais est peu prospère, et le parti qui veut faire l'indépendance, sans dire qu'il n'a pas accompli de grandes choses, n'est pas nécessairement de nature à mettre en confiance les Québécois par sa gestion. C'est comme quand on veut vendre sa maison, on s'arrange pour la mettre belle pour qu'elle se vende facilement.
    Une des premières choses à faire AUJOURD'HUI, c'est d'augmenter substantiellement les tarifs d'électricité, ce qui permettra d'assainir le bilan du Québec. Mais ça, aucun gouvernement n'a les couilles de le faire, les politiciens ont les yeux fixés sur une chose : garder le pouvoir. C'est ça le problème, il faut faire des choix dans la vie !