L'identité est une réalité complexe incompatible avec les soupçons faciles

Tribune libre - 2007

"Cet exercice (quête d'identité) peut s’avérer utile. Il ne peut y avoir de
solidarité ou de notion de citoyenneté sans une culture commune. N’empêche
qu’il serait téméraire d’embarquer sur la recherche d’identité sans
connaître les dangers. L’identité est en grande partie individuelle et
modifiable."
Cet extrait du début d'[article de J. Grey->9751] raisonne un peu comme un mantra.
Parce que le danger ultime qu'il a en tête (on le sait) sans le nommer
c'est celui du nazisme qui au nom de la supériorité raciale a exterminé des
millions de juifs durant la seconde guerre mondiale.
Sans le nommer à travers sa mise en garde contre l'identitaire, il fait
sans doute allusion à travers son article au projet d'identité québécoise
du PQ. De son texte, il y a comme un lien subliminal qui se dessine assez
douteux même si dans la forme explicite il ne parle ni du nazisme ni de son
association indirecte à une possible revalorisation de l'identité
québécoise.
Tout est question de contexte en fait ce qu'ignore passablement M. Grey
malgré certaines apparences. Le Québec est l'un des seuls état nations dans
le monde qui soit privé de sa souveraineté étatique réduite à un statut
provincial en décroissance; en d'autres mots, les Québécois ne sont pas une
ethnie parmi d'autres. C'est à partir de cette donnée que le projet
péquiste cherche le renforcement de la nation francophone du Québec de plus
en plus minoritaire au Canada et là je ne parle pas de tout le continent.
Les dispositions possibles de la loi future de l'identité en termes de
contraintes sont moins importantes que celles concernant l'obtention de la
citoyenneté canadienne qui passe par un certificat de citoyenneté capable
de priver du droit de vote le candidat à l'immigration qui ne répond pas
aux exigences. Le projet péquiste exercerait une contrainte au niveau de
l'éligibilité dans le but d'empêcher une ghettoïsation profondément
linguistique à Montréal ou à Gatineau qui elle pourrait provoquer des
tensions sociales futures.
Tout cela n'exige pas nécessairement une réflexion philosophique de
monsieur Grey sur l'identité et ses dangers possibles. À Toronto, les
immigrants sont tellement informés que le Canada parle essentiellement la
langue "des affaires" que l'automatisme d'apprendre l'anglais est
l'équivalent d'une sanction grave si l'apprentissage ne se fait pas.
"La laïcité québécoise est encore plus vague. Convertis à la laïcité plus
tard que la majorité des pays, nous manifestons une certaine ferveur qui
s’est estompée ailleurs. Malgré cela, beaucoup de Québécois rejettent à
juste titre l’intégrisme laïc. Ils tiennent à leur sapin de Noël ou au
crucifix à l’Assemblée nationale."
Voilà un propos réducteur de J. Grey sur la laïcité québécoise. Sait-il
qu'avec le mouvement des patriotes qui a été réprimé en 1837-1838, tout un
courant laïque s'est porté par le biais de ses revendications libérales sur
le parlement du bas Canada? Et que même en pleine période ultramontaine
(cléricalisme fort) catholique entre 1845 et 1900, un courant philosophique
libéral laïque a su se maintenir jamais complètement refoulé par l'église.
Que plus largement dans la culture d'origine française des canadiens
français et plus tard des Québécois, depuis longtemps comme partout en
Occident, une laïcité embryonnaire a existé à travers les variations de
sens d'une parole évangélique bien connue. "Rendez donc à César ce qui est
à César et rendez à Dieu ce qui est à Dieu". Une distinction est faite ici
entre le spirituel et le matériel qui aura des suites. Deux grands pouvoirs
souverains se sont complétés mais aussi se sont opposés à travers
l'histoire européenne avant les révolutions républicaines. La souveraineté
du prince n'a jamais été celle du pape, de ses évêques et de ses prêtres
malgré qu'il ait joué le rôle de représentant divin. Le principe de
concurrence entre les États royaux et l'église catholique romaine s'est
avéré assez important pour préparer l'émergence des futurs état nations
républicains fondé sur la souveraineté populaire plutôt que sur celle des
princes de la noblesse féodale. La laïcité de la séparation entre l'État et
l'église est en quelque sorte redevable du travail fait par l'histoire
autour de cette déclaration évangélique. Ce qui détermine que jamais
l'Europe occidentale et son ascendance américaine n'ont connus de véritable
théocratie.
Je vais loin mais pourquoi pas, cela permet de voir plus loin parfois qu'au
niveau du sol.
En outre, il faudrait arrêter d'opposer la laïcité et la reconnaissance
des différences.
Sans laïcité, aucune reconnaissance des différences ne serait possible
parce que le religieux est profondément normalisateur tout comme récemment
dans sa spécificité le système soviétique l'a été. Les droits et la
reconnaissance des homosexuels ne se sont améliorés
que par le travail intellectuel difficile mais réel du libéralisme
philosophique sur lui-même qui est garant et à la fois inventeur des droits
humains. C’est ce libéralisme qui fait de la laïcité une disposition
centrale qui est capable malgré un dogmatisme initial à ses débuts au 18ème
siècle par son détachement progressif du religieux d’avoir finalement
reconnu sans préjugés que les gens toutes races confondues, les personnes
handicapées, les personnes avec des problèmes psychiques, les gais et les
femmes sont des êtres humains complets comme les hommes de race blanche et
de tradition chrétienne.
Et là ce travail de reconnaissance n'est pas terminé, la première
révolution philosophique libérale qui s'est manifestée après sa première
invention qui est celle de la laïcité fondée sur le citoyen travailleur
maître de sa destinée, c'est celle qui a consisté à abolir l'esclavage des
africains. Ce libéralisme historique du 19ème siècle a innové et en même
temps s'est révélé conservateur sur les femmes, les fous et la folie
enfermés dans des asiles pendant que l'instauration de la prison à remplacé
progressivement la potence mais à travers une féroce répression à peine
coloré par la notion de réhabilitation. Ce libéralisme historique n'a
jamais su reconnaître pleinement les droits sociaux des travailleurs
salariés
concédant toutefois avec le temps le droit de vote pour les salariés
dépourvus de capital, le 40 h semaine et le droit à la protection
syndicale. Ce libéralisme s'est empoisonné avec le colonialisme et la
notion d'un darwinisme social à teneur économique et raciste.
Toutefois au 20ème siècle, le libéralisme pratique et philosophique
capable de retournement a su intégrer les droits des femmes, diminuer
l'enfermement psychiatrique, reconnaître en droit tout les peuples à
disposer d'eux mêmes. Sans laïcité, cet endroit progressif et cet envers
conservateur du libéralisme n'auraient pu se confronter. La raison
réfléchie qui est le moteur de la laïcité a su empêcher l'établissement
d'un dogmatisme irréfutable durant un millénaire formateur de ségrégation
et de discriminations sédimentés dans des lois (loi de l'église) canoniques
contre toutes les minorités existantes.
Le mouvement multiculturel à travers ( en omettant ici le calcul réel de
Trudeau contre le Québec autour de celui-ci) une sorte de dialectique
(raisonnement) tête par-dessus tête a cru pouvoir réconcilier laïcité et
une pratique plus étendue des religions afin d'accueillir la culture
d'origine des nouveaux arrivants soit pour fin d'adaptation à la culture
majoritaire ou carrément pour une cohabitation difficile utopique de
pratiques rituelles avec les lieux publics qui sont réservés à un usage
fonctionnel. Le droit à la liberté religieuse est un des droits
fondamentaux mais à la condition que sa privatisation ferme l'empêche de
réinventer des religions qui confondent l'espace privé avec l'espace
public, ce qui engendrerait une puissance religieuse pouvant s'attaquer un
jour au principe même de raison synonyme de l'esprit critique et de la
liberté. Les règles religieuses: juives, chrétiennes musulmanes, sikhs et
hindouistes qui fusionnent le surnaturel au matériel terrestre produisent
un discours intégriste qui, en assimilant exemples l'infirmité ou le sexe à
l'idée de faute, crée, lui, un espace mental dangereux.
J'inviterais M. Grey de reconsidérer le philosophe M. Foucault qui
homosexuel s'est battu pour établir la généalogie de la culture occidentale
donc comprenant entres autres ses aspects religieux catholique et
protestant afin de démonter tous les mécanismes qui en son sein encouragent
l'oppression. Il a été défenseur du droit des prisonniers, des fous et des
handicapés à travers le récit de leurs conditions mais dans le cadre de
cette description historique il a démontré par ses études comment la
pratique chrétienne dans sa splendeur historique enfermait les individus
communs dans une subordination aux autorités princières et ecclésiastiques
terrorisés dans la peur de l'au delà et culpabilisés de plus en plus sur
leur sexualité et l'ensemble de leur comportement.
Jamais M. Foucault n'a pensé comme certains penseurs anglo-saxons qu'une
pénétration de la religion dans le champ de la laïcité pouvait s'avérer
éthiquement correct. Il s'est plutôt tourné en conclusion prématurée de ses
travaux par la mort vers le retour aux grecs de l'antiquité qui ont créés
entre autres le théâtre tragique comme véhicule de conscientisation morale
à travers une catharsis émotive faite d'une ouverture plus grande que celle
coincé des religions monothéistes. M. Foucault croit en tant que philosophe
des différences se méfiant des majorités contre les minorités au "vivre
autrement" de l'individu toutefois sans s'imaginer que la religion puisse
en être un véhicule!
"L’égalité des sexes est presque universellement acceptée. Quelle est la
définition ? Faut il croire que les hommes et les femmes sont identiques,
et que les différences sont le résultat du conditionnement social ou
peut’on affirmer l’existence des différences innées ? Est-il nécessaire
d’avoir un nombre égal d’hommes et de femmes dans toutes les institutions
ou suffit-il d’éliminer les barrières ?"
L'égalité des sexes selon Julius Grey, ah bon il entretient encore une
certaine confusion nécessaire à son propos. Le biologique vs le
conditionnement social pour pouvoir évaluer la différence des sexes. Nul
doute que le conditionnement religieux structure un rôle inférieur à la
femme et qu'elle est tenue comme responsable des dérives masculines par son
pouvoir de séduction. Les États Unis imprégnés d'un protestantisme
fondateur qui s'est transposé dans une religion civile qui fait voir ses
ravages jusqu'à aujourd'hui (Irak) dans la série de ses vieux films de
l'âge d'or hollywoodien a souvent montré par le rôle de ses femmes fatales
ce qu'elles pouvaient réserver comme sort aux hommes. C'est un exemple
parmi d'autres qui illustre la puissance d'une conception du monde
réalisant les conditions de préjugés. La femme est différente
biologiquement de l'homme mais à l'intérieur d'une unicité physiologique
aussi importante qui la réunit à l'homme.
Un vulgaire épisode du Docteur House (série américaine dramatique et
documenté sur la médecine) a illustré qu'avant la transformation des
cellules chez les embryons au milieu de leur croissance, tous les bébés qui
poussent dans le ventre de leur mère sont des filles avant la
différenciation sexuelle.
Sans faire de la biologie une caractéristique absolue, les sexes se
ressemblent et s'égalisent bien plus que l'on croit.
Déconstruire un discours est quelque chose d'essentiel parce que le
pouvoir de visibilité dans les médias ne signifie pas avoir raison.
L'indépendance du Québec, c'est libérer la minorité québécoise francophone
du Canada majoritairement anglophone. Le droit des minorités contre les
majorités concerne aussi le Québec.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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