Michael Sabia à la CDPQ

L’homme de Rio*?

Jean Charest a les deux mains sur le volant et il sait très bien où il va et avec qui il y va !

Chronique de Louis Lapointe

Pourquoi voudrait-on retenir les services de Michael Sabia à la tête de Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ) ? Pourquoi Robert Tessier, cet ancien PDG de Gaz métro, a-t-il uniquement rencontré ce seul candidat à la présidence de la Caisse ?
Michael Sabia est un de ceux qui ont participé à la privatisation du CN avec Paul Tellier, un ami de Bryan Mulroney. Il est celui qui a raté la vente de BCE à Teacher’s. Sa formation est celle d’un avocat. Le fait qu’on ait nommé quelques jours avant lui Jean-Pierre Ouellet - un autre avocat, ami et ancien collègue du CN - comme administrateur de la CDPQ, indique bien que Michael Sabia était déjà choisi comme PDG de la Caisse avant même d’être sélectionné par le comité présidé par Robert Tessier.
Parallèlement à cette nomination, depuis plusieurs mois déjà, Jean Charest manipule avec succès l’opinion publique alors que tout semble orchestré dans le moindre détail comme une véritable campagne de désinformation: la scission de la CDPQ suggérée par Léon Courville, la privatisation d’Hydro-Québec proposée par Claude Garcia, la hausse des tarifs d’électricité demandée par Alain Dubuc. Mais la pièce maîtresse est ce reproche de Bernard Landry à la CDPQ de ne pas suffisamment investir dans l’économie québécoise, de ne pas être intervenue dans la vente d’Alcan à Rio Tinto.
Toutes ces annonces et ces dénonciations ne sont probablement que des leurres semés et alimentés de longue date visant à influencer l’opinion publique québécoise. Au grand soulagement des Québécois, il n’y aura pas de hausse majeure des tarifs d’électricité; il n’y aura pas scission de la CDPQ; il n’y aura pas de privatisation d’Hydro-Québec; pas parce que les Québécois n'en veulent pas, mais bien parce que les intérêts économiques des milieux financiers québécois sont ailleurs. En fait, le plan de Jean Charest prévoit probablement toute autre chose, donner en partie raison à Bernard Landry afin de mieux confondre ses adversaires?
***
Je suis allé consulter les transactions financières effectuées par Rio Tinto Alcan au cours des dernières semaines. Alors que Rio Tinto Alcan cherche depuis plusieurs mois à réduire le montant de sa dette de 38,9 milliards de dollars en attirant de nouveaux capitaux, Chinalco a récemment annoncé un investissement de 20 milliards$ dans Rio Tinto Alcan, dont 7 milliards $ sous forme d'obligations convertibles en actions, portant éventuellement sa participation à 18% du capital-actions. Or, depuis le 1er février dernier Rio Tinto Alcan est présidée par une Québécoise, Jacynthe Côté. Après la fermeture récente de ses usines les plus vétustes, tout indique que le géant de l'aluminerie se préparerait à un investissement majeur au Québec.
L‘équation est simple, parce qu'elle veut développer son réseau électrique, la Chine a besoin de fils d’aluminium que Rio Tinto Alcan lui fabriquera. Afin que cette opération puisse être rentable pour les actionnaires et dirigeants de Rio Tinto Alcan, il faudra de l’argent et des bas tarifs d’électricité. De son côté, la CDPQ a besoin de lucratifs placements pour regarnir ses coffres au profit de ses déposants. Un beau mariage en perspective!
Comment ne pas aussitôt déduire que la Caisse souhaite investir les économies des Québécois dans Rio Tinto Alcan, alors que le gouvernement du Québec garantira la sécurité et le bénéfice du placement par la vente d'électricité à bas tarifs dont Rio Tinto Alcan aura besoin afin de produire beaucoup plus d'aluminium au Québec pour beaucoup moins cher que ses concurrents ailleurs dans le monde, ce qui rapportera gros à ses actionnaires.
Or, figure parmi les actionnaires de Rio Tinto Alcan un grand ami et associé de Brian Mulroney, Yves Fortier, président d’Ogilvy Renault, ancien président du conseil d’administration d’Alcan, dont le cabinet d’avocats a finalisé la vente d’Alcan à Rio Tinto au cours de l’été 2007, obtenant toutes les autorisations de Québec et d’Ottawa dans un temps record. Allez savoir grâce à qui ? Rio Tinto Alcan est la société mère de IOR, anciennement Iron Ore, une compagnie que Brian Mulroney a déjà présidée.
Afin de maintenir de bas tarifs d’électricité, Hydro-Québec devra donc augmenter ses revenus d'autres sources en vendant plus d’électricité aux Américains. À cette fin, l’électricité du Québec a besoin d’un réseau fiable pour se rendre vers ses clients disséminés un peu partout sur le territoire américain. Un réseau qui devra nécessairement être modernisé et entretenu grâce à l'apport de capitaux en mal de hauts taux d'intérêt. Qui a l’expertise pour le faire ?
Michael Sabia a acquis une forte expérience en gestion de réseau au CN et à BCE. Comment ne pas alors imaginer que la Caisse puisse également participer au financement de l’achat d'un ou plusieurs réseaux de transport privé d’électricité aux États-Unis?
Une transaction à laquelle doit également s’intéresser Power Corporation qui a récemment acquis la précieuse expertise de l’ancien président de la CDPQ, Henri-Paul Rousseau, qu'elle a nommé à la vice-présidence de son conseil d'administration. Power Corporation pourrait-elle devenir l’acheteur de ce réseau et la Caisse son principal bailleur de fonds?
Pour que le Québec puisse vendre plus d’électricité aux États-Unis, les écologistes américains l'ont annoncé la semaine dernière, il faudra que le Québec augmente sa proportion d’électricité verte. C’est là qu’entre en jeu Nicolas Sarkozy et Électricité de France qui sont intéressés par l’énergie éolienne de la Baie-James et les réseaux de transport d’électricité d’Hydro-Québec vers les États-Unis. Un dossier auquel s’intéresserait également Me Lucien Bouchard.
Et par le plus grand des hasards, Jacques Lamarre, un ancien président de SNC-Lavalin dont l’expertise dans le domaine de l’énergie électrique est mondialement reconnue, particulièrement en Chine, serait également pressenti comme administrateur de la CDPQ.
Par ailleurs, l'actuel PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, est un ancien de Gaz-Métropolitain où il a été cadre, puis membre du conseil d'administration alors que Robert Tessier en était le PDG, deux gars de réseau qui se connaissent très bien.
Contrairement à la rumeur populaire, tout nous porte à croire que Jean Charest a les deux mains sur le volant et qu’il sait très bien où il va et avec qui il y va !
* Titre d’un célèbre film de Philippe de Broca

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2009

    Monsieur Lapointe a raison sur toute la ligne. Ce qu'il avance dans son billet du 16 mars devrait nous guider et nous éclairer dans notre réflexion sur les vrais enjeux cachés du gouvernement majoritaire de Jean Charest.

    Denyse H. Richard,
    Bois-des-Filion
    Qc