La semaine dernière, il s’est passé quelque chose de franchement bizarre qui ne peut pas faire autrement que de nous amener à nous interroger sur ce qui est en train de se passer à La Presse. En effet, la parution le même jour d’un éditorial d’André Pratte et d’une chronique d’Alain Dubuc sur le même sujet, la création éventuelle d’un nouveau parti politique à l’initiative de François Legault et de Joseph Facal avait, comme je l’ai d’ailleurs souligné dans mon artiche précédent intitulé L’aveu de Pratte, un certain côté pathétique qui tranche singulièrement avec la morgue à laquelle La Presse, et en particulier MM. Pratte et Dubuc, nous ont habitués depuis une quinzaine d’années.
Mais au delà du caractère pathétique de l’aveu que Pratte et Dubuc se trouvaient implicitement à faire en reconnaissant qu’ils s’accommoderaient très bien d’une formation nationaliste et même souverainiste pourvu qu’elle reporte son ambition principale dans l’avenir pour promouvoir dans l’immédiat un agenda fiscal conservateur, et donc, implicitement, que le fédéralisme est désormais discrédité au Québec, on constate que leur initiative avait également un côté désespéré, tellement même que les principaux intéressés (Legault, Facal et Bouchard) se sont sentis obligés de prendre rapidement leurs distances en précisant, pour au moins le principal intéressé, que le projet pourrait même ne jamais aboutir !
Avouez que, pour un instrument de pouvoir comme La Presse, le résultat est plutôt désastreux !
L’année dernière encore, La Presse tenait le haut du pavé. Puis ont commencé à émerger certaines critiques à l’endroit du gouvernement Charest, puis La Presse s’est jointe aux autres médias qui réclamaient une enquête sur l’industrie de la construction, puis les critiques se sont faites encore plus fortes, à un point qui m’a même amené à affirmer qu’elle lâchait ses pit-bulls contre Charest. Et aujourd’hui, non seulement La Presse tourne-t-elle le dos à Jean Charest, mais elle en arrive également à la conclusion qu’elle doit revenir sur son soutien historique au PLQ pour favoriser désormais l’émergence d’un nouveau parti.
Un de mes anciens collaborateurs du temps où j’étais en politique appelait ça « se r’virer l’cul à’ crèche », une expression qui m’a toujours séduit par son caractère imagé et très expressif.
Alors, qu’est-ce donc qui peut pousser un instrument de pouvoir comme La Presse à adopter un comportement si étrange qu’il le place en rupture radicale avec sa vocation et son passé ? Sans doute une combinaison de facteurs dont seul le passage du temps pourra nous dire quelle a été leur influence relative dans ce résultat pour le moins stupéfiant.
***
Mais pour l’heure, rien ne nous empêche de dresser une liste de ce que pourraient être ces facteurs.
Pour toute entreprise, l’argent est le nerf de la guerre. Or non seulement La Presse peine-t-elle à se redéfinir commercialement dans le contexte de l’Internet et des nouveaux médias, ce qui a entraîné une chute de son tirage et de ses revenus publicitaires, mais en plus doit-elle composer avec les effets d’un ralentissement économique bien réel. Les nouvelles orientations politiques pourraient donc être une tentative de se rapprocher, pour des raisons de survie économique, des opinions de son marché, qui n’ont jamais figuré au premier rang de ses préoccupations depuis que Paul Desmarais en est le propriétaire, et c’est peu dire.
Évidemment, à une chute du tirage correspond également, tôt ou tard, une perte d’influence qui peut-être d’autant plus forte que les opinions exprimées par La Presse se trouvent à plusieurs égards en porte-à-faux avec celles de la population qui constitue son marché. C’est l’hypothèse que j’exprimais il y a quelques mois dans mon article intitulé La Presse a-t-elle atteint les limites de son influence ?
Une autre possibilité serait que l’empire Desmarais se soit rendu compte que la propriété de La Presse ne l’assurait pas pour autant, et ce malgré tous les efforts qu’il mettait à se concilier les faveurs du pouvoir politique en le soutenant, d’obtenir le retour d’ascenseur escompté. Ainsi, les nouvelles orientations politiques pourraient être le résultat d’espoirs trahis. Pensons au CHUM, à Hydro-Québec, à la Caisse de dépôts, au projet Rabaska. Rien à perdre, donc, à lâcher le PLQ et à brûler tous ses vaisseaux.
Par ailleurs, l’agenda de l’empire a du mal à passer dans l’opinion. On ne peut pas dire que l’épisode des Lucides auquel André Pratte était clairement identifié se soit soldé par un franc succès, ni même qu’il ait permis de promouvoir de façon efficace l’agenda du conservatisme fiscal qui permettrait à l’empire de mettre la main sur les plus beaux fleurons économiques du Québec. Dans cette hypothèse, les manoeuvres des derniers jours seraient une dernière tentative, désespérée, de faire débloquer la situation à son bénéfice. (Voir à ce sujet http://www.vigile.net/Les-lucides-demasques et http://www.vigile.net/La-lucidite-ravalee)
Enfin, il est aussi possible que l’empire Desmarais se soit rendu compte que La Presse était devenue un boulet sur le plan de l’image (une image bien amochée ces dernières années) en raison de l’animosité qu’elle génère chez un nombre important de Québécois, et que les avantages qu’il est en mesure de tirer de sa propriété ne l’emportent plus sur les inconvénients. On serait donc en train de jouer les dernières cartes dans l’espoir de ramasser quelques levées de toute façon bien hypothétiques, comme on le fait quand on termine une partie déjà perdue.
Le plus triste dans tous ces cas de figure, comme on dit à Paris, c’est que nulle part l’intérêt et l’avenir de la grande institution qu’est La Presse ne semblent prendre la place qui leur revient.
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5 commentaires
Christian Huot Répondre
17 octobre 2010Avouez que, pour un instrument de pouvoir comme La Presse, le résultat est plutôt désastreux ! TLH
C'est plutot le contraire. Le résultat est excellent. Vous en êtes la preuve vivante.
Comme tous les fédéralistes vous lisez le journal et en faite la promotion régulièrement. Que peut-on demander de mieux ?...
Enfin, il est aussi possible que l’empire Desmarais se soit rendu compte que La Presse était devenue un boulet sur le plan de l’image (une image bien amochée ces dernières années) en raison de l’animosité qu’elle génère chez un nombre important de Québécois, RLH
Un boulet sur le plan de l'image ?... Pas du tout.
Regardez la séquence des événements, de juin à décembre 2009. Constatez comment le directeur Crevier a manié avec délicatesse, expérience et adresse, les négociations pour le renouvellement des conventions collectives, plus de 500 employés, sans qu'il y ait débrayage ou lockout.
Dans un contexte où pour une chute de 14 % des revenus, le directeur Crevier devait couper 6 % dans la masse salariale, tous les gens d'expérience de la consultation et de l'administration que je côtoie tous les jours, des gens qui affichent un parchemin des HEC au mur de leur bureaux, disent que c'est une réussite.
L'image de la Presse s'est remarquablement bien maintenue, depuis un an.
Votre affirmation est donc un symptôme du transfert.
CH
Jean-Paul Gilson Répondre
12 octobre 2010oui d'accord sur la manipulation des masses
alors se justifie d'autant plus une déclaration unilatérale d'indépendance afin de retrouver les leviers de note destin. Les déclarants auront besoin ici de faire preuve d'éthique nationale (nettoyage éthique si j'ose dire) plus que de programmes. D'ailleurs celui du bloc est près depuis belle lurette , 2005
(imaginer le Québec souverain http://www.blocquebecois.org/fichiers_public/proposition_principale_05v2.pdf) L'avez-vous lu en entier?
On pourrait partir de là . Legault Facal font le jeu du capitalisme ambiant or ce que le peuple espère est moins un leader charismatique qu' un fondateur du désir collectif QUI SOIT DE BONNE FOI!
Archives de Vigile Répondre
12 octobre 2010Force Québec : La séduction de Legault
Les Québécois sont en colère et disponibles. Trompés par le Parti libéral, peu entichés par le Parti québécois de Pauline Marois qu’ils ont beaucoup fréquenté, ils ne demandent qu’à être séduits par un nouveau courtisan qui leur promet de changer les choses. Un besoin de changement balaie le Québec.
Il a suffi que les médias dévoilent que François Legault consulte beaucoup et songe à lancer une nouvelle formation politique pour que les petits cœurs des électeurs se remettent à battre avec frénésie.
Jean Charest aurait besoin de l’intercession du frère André pour améliorer sa cote. Le Parti québécois a été pacifié par Mme Marois, mais il a peine à incarner une façon différente de gouverner. Quant à l’ADQ de Gérard Deltell, elle vivote. Alors, quand apparaît un vent d’espoir incarné par un ancien ministre, les électeurs se remettent à rêver.
François Legault est un homme d’affaires, cofondateur d’Air Transat, qui a fait fortune avant de faire de la politique. C’est Lucien Bouchard qui l’a convaincu de plonger dans le monde politique, où il a occupé des postes importants - Industrie et Commerce, Éducation, Santé - avant de déclarer forfait.
En juin 2009, il a quitté le PQ avec éclat en disant : «Je sens que le Québec s’est engagé dans un déclin tranquille, trop souvent dans la résignation et l’indifférence.» Il identifiait alors trois défis à surmonter : l’écart de richesse du Québec avec les autres États de l’Amérique du Nord, l’inefficacité de nos réseaux de santé et d’éducation, la crise des finances publiques.
Attendons de voir ce que le nouveau prétendant a à offrir, mais le Québec est assurément en mode écoute.
Source ; Agence QMI,Donald Charrette,12/10/2010
Archives de Vigile Répondre
11 octobre 2010Du côté médiatique, il n'y a pas de doute que La Presse et Pratte se sont fait passer une quenelle géostratégique par le SPQ-Libre.
Facal débute les rumeurs d'un parti de droite (avec Legault)en mai 2010.
C'est autour du 22 septembre que le SPQ-Libre lance la rumeur que Facal-Legault-Bouchard préparent sérieusement la création de ce parti.
Ce qui a excité Pratte comme un chatte en chaleur.
Biensûr, nous-nous sommes amusé comme des fous à tuer dans l'oeuf ce projet qui n'était rien d'autre qu'un miroir de l'esprit psychotique de Pratte et son journal servile à Sa Majestée Desmarais Premier et ses p'tits Princes.
Le monarque s'est fait enc.... !
Bravo au SPQ-Libre !
Archives de Vigile Répondre
11 octobre 2010Un texte à lire:
http://www.betapolitique.fr/Une-alternative-social-democrate-00298.html
Je le redis, oubliez le "néo-libéralisme", étudiez le "néo-démo-socialisme".
Si le PQ ne prend pas cette occasion, ce sera le PLQ ou, éventellement, Force Québec, qui s'emploieront du terme.
Ça fait trois ans que je vis ce néo-démo-socialisme (appelez le comme vous voudrez), et je suis convaincu que c'est la voie à suivre pour que le Québec finisse par sortir des débats stériles gogauche et droidroite.