L'essentiel est bâclé - Les symptômes

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!

L’essentiel est bâclé – Les symptômes
Dans son article “Notre éternelle adolescence”, J. Facal met à mon avis le doigt sur une donnée essentielle pour comprendre la valse-hésitation des Québécois à prendre leur destin en mains. Il écrit :

« L’origine de cela est historique. Avant 1760, le pouvoir ultime sur notre collectivité résidait à Paris. Après 1760, il logeait à Londres. Depuis 1867, il est à Ottawa, où nous sommes de plus en plus minoritaires. Nos représentants ont toujours eu quelqu’un au-dessus d’eux. Notre peuple ne s’est jamais pleinement autodéterminé. »

Je ne cherche pas ici à m’approprier la paternité de cette lecture de notre mentalité, mais la même idée m’était venue à l’esprit à force d’étudier notre histoire et d’observer nos comportements. Jamais dans notre histoire nous n’avons été livrés à nous-mêmes et n’avons eu à assumer l’entière responsabilité de ce qui nous arrive. Bien au contraire, nous avons toujours été d’une manière ou d’une autre sous la tutelle d’une puissance étrangère : Paris sous le Régime Français, Londres de 1760 à 1867, et Ottawa depuis. Quoique certains historiens ont expliqué que du temps du Régime Français, Paris manquait de moyens pour faire respecter sa pleine et entière autorité sur son territoire nord-américain , ce qui a peut-être été l’embryon d’une culture de l’indépendance et de la responsabilité nationale.

Ce type d’évolution a laissé des traces dans notre culture politique parmi lesquelles je relève une incapacité de trancher définitivement d'un côté ou de l’autre (la pleine intégration dans le Canada réel, ou l’indépendance), l’étiquette de radical et de pur et dur qui colle si facilement à Parizeau et à ceux qui l’appuient simplement parce qu’ils placent la population devant un choix clair alors que jamais de tels qualificatifs n’ont été employés dans les médias pour décrire le fédéralisme intransigeant de Pierre-Elliott Trudeau ou le Clarity bill de Stéphane Dion. La manifestation la plus éloquente de notre incapacité de nous voir sans intermédiaire entre nous-mêmes et le reste du monde serait notre manie de nous enticher de demi-mesures comme la souveraineté-association de 1980 (et même cela a échoué), la souveraineté-partenariat de 1995 (ce qui a presque réussi), ou encore la facilité avec laquelle nous nous laissons séduire par ceux qui nous promettent l’affirmation sans briser le lien comme le proposait l’ADQ à ses débuts, et comme nous le propose François Legault aujourd’hui.

Ne trouve-t-on pas étrange que depuis le temps qu’on en parle, il n’y ait qu’une poignée d’œuvres littéraires qui se situent dans un Québec indépendant ? Le seul roman de ce type auquel je peux penser est « Pour la patrie » de Jules-Paul Tardivel, écrit en 1895. À ma connaissance (et je suis loin d’avoir lu tout ce qui se publie au Québec), pas un film, pas un téléroman, pas une pièce de théâtre, pas une bande-dessinée, même pas une chanson, rien ou si peu dans notre production culturelle qui tente de mettre en scène ce que pourrait être un Québec indépendant. Nos créateurs laissent tout le champ libre aux fédéraux qui nous dépeignent la tiers-mondialisation du Québec s’il choisit l’indépendance.
Nos artistes et nos créateurs, dont plusieurs se disent ouvertement souverainistes, semblent incapables de nous représenter un Québec indépendant dans notre imaginaire, même si ça fait des décennies qu’on parle de cette indépendance sur toutes les tribunes. Comment alors s’attendre du peuple qu’il se représente un Québec indépendant et ajuste ses comportements électoraux en ce sens?

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Cette inexpérience à assumer le pouvoir ultime est peut-être aussi ce qui empêche les nationalistes du PQ à prendre clairement position sur certains enjeux internationaux sur lesquels nous aurions à nous prononcer si nous étions indépendants. Par exemple, qu’est-ce qui empêche Pauline Marois, Pierre Curzi, Bernard Drainville ou d’autres de dire clairement qu’un Québec indépendant ne se serait jamais embarqué dans la guerre d’Afghanistan ? Est-ce parce que l’armée et la politique étrangère, c’est l’affaire d’Ottawa ? Est-ce par crainte d’essuyer une rebuffade de la grosse Presse à Desmarais qui ne manquerait pas l’occasion de les traiter de prétentieux et de les accuser de mettre la charrue devant les bœufs ou de se mêler de ce qui ne les regarde pas ? Pourquoi ces scrupules puisque ce genre d’attaque d'un média fédéraliste n’est que trop prévisible ?

« Le travail essentiel est bâclé » comme l’affirme Pierre Bouchard dans son texte du 17 mars 2011. Oui, ce travail est bâclé. Cette mentalité de dominé, cette incapacité à se voir sans intermédiaire entre nous-mêmes et le reste du monde, ce refus de choisir d’assumer toutes nos responsabilités sont les fruits de notre expérience historique et constituent peut-être le principal obstacle à l’indépendance. Nous n’avons jamais entrepris de travailler à changer de mentalité. Je n’ai pas de solution à ce problème. Il y a 15 ans Parizeau a travaillé très fort pour nous pousser à franchir ce pas, se disant peut-être qu’une fois le seuil franchi, personne ne voudrait revenir en arrière.

Je ne sais pas aujourd’hui comment surmonter cet obstacle. Si j'ai bien compris les 13 principes de la stratégie d’état de Jean-René-Marcel Sauvé, notre culture politique de dominé fait partie du contexte. Pour surmonter cet obstacle de taille, nous avons entre autres à formuler des objectifs atteignables dans l’espace et le temps. La boîte à suggestions est ouverte.

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Florent Marquis
Québec
20 mars 2011


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2 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    20 mars 2011

    Votre texte pèche par le même travers que celui de Joseph Facal, qui oublie que Nous ne sommes pas entre Nous seulement, qu’il y a un électorat ethnique radicalement contre la souveraineté, si ce n’est contre Nous-mêmes. C’est cela que les souverainistes n’ont jamais voulu surmonter de sorte qu’ils se trouvent—en apparence seulement—devant un mur : comment emmener un peuple—en apparence seulement—indifférent à sa propre liberté.
    Il me semble qu’une solution serait que le P.Q. s’adresse à Nous de façon exclusive et sincère. Cela fait 40 ans qu’une vielle stratégie ne fonctionne…pourquoi toujours souffler dans un ballon crevé ?

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    20 mars 2011

    M Marquis,
    Voici une lecture géopolitique 101 du Plan Marois, tirée des arguments statutaire et de principes que j'ai cru comprendre de ses travaux de M JRM Sauvé:
    http://www.vigile.net/Le-difficile-changement-de
    Je m'excuse de "ploguer" mon texte périodiquement mais, le fait est que nous sommes dans un changement de paradigme et qu'il urge de le comprendre si on veut mettre fin à ces débats sur le Grand soir et revenir à l'urgente totale de défendre notre État contre le pillage systématique dont il fait l'objet par le régime libéral présentement.
    JCPomerleau