"La petite loterie", version 21ème siècle

Après ça, ils prennent leurs airs surpris et se désolent quand les scandales éclatent au grand jour

Maclean's - corruption Québec

La petite Loterie, version 21ème siècle
Je n’ai pas encore pu lire l’article du MacLean’s sur ce paradis de corruption qu’est le Québec, mais l’enflure médiatique et les réactions de vierge offensée m’ont bien fait rire. Et j’ajoute que c’est un excellent coup de publicité pour le MacLean’s car lorsque j’ai voulu l’acheter samedi dernier, on m’a répondu que tous les numéros s’étaient vendus!
Ceux qui ont lu [La petite loterie de Stéphane Kelly->13730] ont peut-être trouvé bien ironique d’apprendre qu’un membre de la colonie canadian de Montréal a fait tout un plat à propos de ce paradis de corruption qu’est le Québec. Il est en effet assez ironique qu’après avoir mis en place depuis 250 ans tout un système pour acheter la collaboration des plus véreux d’entre nous, nos maîtres se scandalisent que leurs hommes de mains, qu’ils paient grassement pour nous asservir, se servent à pleines mains dans l’assiette au beurre.
[->rub1197] La couverture est toute une trouvaille : bonhomme carnaval déambulant avec une valise pleine d’argent et qui laisse échapper quelques billets, avec un grand titre « The most corrupt province in Canada ». Ça me rappelle une autre de leurs pages couvertures à sensation, au milieu des années 1990, qui titrait « An inside look at Quebec’s cult of death » après les suicides du Temple solaire. [Josée Legault en a déterré une autre->30825] sur son blogue vendredi dernier : un numéro où Montréal était décrite en couverture comme une capitale de la corruption.
À Radio-Cadenas, Charrette a commencé son émission de vendredi avec le sujet. Deux invités, Patrick Lagacé de la grosse Presse à Desmarais, et Francine Pelletier, documentariste. Lagacé se dit d’accord avec l’essentiel de l’article, notamment avec la thèse de l’auteur selon qui la grande présence de l’État dans l’économie et les réseaux tissés serrés entre les milieux d’affaires Québécois amplifient le risque de corruption. À la décharge de Lagacé, il a tout de même donné des exemples de corruption dans les autres provinces, notamment en Colombie Britannique où mêmes des premiers ministres ont été mis en cause. Cependant, tout ce beau monde à l’émission de Charrette s’est entendu pour donner d’une certaine manière raison à l’auteur de l’article, tout en se disant insultés de l’insistance que les médias Canadiens anglais mettent à taper sur le Québec.
J’ai suivi un peu ce qu’on a dit de l’affaire sur Vigile. Beaucoup de réactions offensées compréhensibles, mais à mon avis, comme dans [l’affaire Tierney->rub1100], beaucoup de monde passe à côté d’un élément essentiel.
Et c’est ici qu’intervient La petite loterie de Stéphane Kelly.
***
Dans tout ce qu’on voit, entend, sait, dit et écrit au sujet de la corruption endémique et systémique à Montréal en particulier et au gouvernement du Québec en général, on insiste assez peu sur le fait que cette corruption est le fait de politiciens fédéralistes. Dans La petite loterie, Stéphane Kelly explique que c’est par l’argent, le pouvoir, les titres et les postes de prestige que la Couronne s’est assuré la loyauté des élites politiques du Canada-Français après l’écrasement des rébellions de 1837-38. Mais en fait, dès les lendemains de la Conquête et de la cession de la Nouvelle-France à la Couronne Britannique, cette dernière a eu besoin d’alliés influents chez les Canadiens-Français pour s’assurer l’obéissance et la soumission du peuple. Le clergé et les marchands ont rempli ce rôle au début. Aujourd’hui, leurs hommes de paille sont nos politiciens fédéralistes et toute la clique du milieu des affaires qui est d’abord loyale envers son portefeuille. Et depuis l’apparition de la superclass appelée par Rockefeller, j’en soupçonne plusieurs parmi notre élite économique de vouloir en faire partie, quitte à trahir leur peuple.
Comme je l’écrivais plus haut, il est assez ironique de voir et d’entendre les anglais déplorer que le Québec soit la province la plus corrompue au Canada alors que c’est justement le système d’exploitation colonial qu’ils ont mis en place qui génère cette corruption. Dès le début de notre mariage forcé, ils ont eu recours à ceux des nôtres les plus enclins à céder au chant des sirènes de l’argent, des postes bien en vue, des titres prestigieux et de belles carrières afin de s’assurer le contrôle d’une population toujours réticente à collaborer avec le pouvoir anglais. Après ça, ils prennent leurs airs surpris et se désolent quand les scandales éclatent au grand jour.
Vendredi dernier, [Josée Legault rappelait->30825] sur son blogue une page couverture du MacLean’s montrant Montréal comme un nid de corruption. Or, à la dernière élection municipale, elle a elle-même souligné que lorsque le vote est analysé selon la langue, le vote francophone s’est divisé à parts à peu près égales entre le libéral corrompu Tremblay, la péquiste Harel qui a de la misère à parler l’anglais (un grave handicap à ce qu’il paraît), et un troisième dont j’ai oublié le nom. Mais le vote des anglos et des allophones, lui, est allé massivement pour Tremblay, le libéral fédéraliste mêlé à la pègre. Placés devant le choix entre un fédéraliste aux fréquentations douteuses et une péquiste dont l’honnêteté et l’intégrité ne sont pas entachées par les odeurs de scandales, les anglos et ceux qu’ils ont détournés de leur intégration normale à la majorité de langue française préfèrent avoir la mafia à l’hôtel de ville.
Après ça, Patriquin et le MacLean’s font des pages couvertures avec la corruption au Québec. C’est comme s’ils étaient incapables de se rendre compte qu’en misant sur les hommes qu’ils ont séduits avec l’argent et le prestige pour garder le contrôle sur le Québec, ils ouvrent toute grande la porte à la corruption tous azimuts. Charest a quitté le Parti Conservateur pour aller prendre la barre du PLQ moyennant un pont d’or, a dit Radio-Canada il y a 12 ans. Il a fini par admettre qu’il touche une prime de $75,000 par an depuis 10 ans, longtemps après que le journal Le Québécois en avait fait la démonstration. Le maire Tremblay, un ancien du PLQ, est mêlé à des affaires louches à la mairie de Montréal. Les infractions systématiques du camp du non au référendum de 1995 qui ont mené au scandale des commandites. À la commission Gomery, Chuck Guité qui se justifiait en disant « on était en guerre » et Jean Pelletier qui en rajoutait en précisant que quand on est en guerre, on ne se préoccupe pas de savoir d’où viennent les munitions, on les tire.
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Afin d’atteindre leur objectif de garder le contrôle sur le Québec, les anglais ont toujours été obligés de s’associer à ceux d’entre nous qui sont les plus réceptifs aux charmes de l’argent, du pouvoir, même si c’est celui d’un homme de paille, des postes importants et des titres prestigieux d’institutions qui nous sont étrangères parce qu’elles nous ont été imposées par le conquérant. Alors il n’y a pas de quoi être surpris que les partis fédéralistes soient des nids de corruption et d’affairistes qui pensent plus à leur propre avancement qu’à défendre âprement les intérêts de leur peuple.
Ce qui est ironique par contre, c’est de voir des anglais déplorer cette situation et se demander si l’argent, que ce soit la prime de $75,000 par an au chef du PLQ ou les maudits paiements de péréquation, si l’argent donc est la seule chose qui retient les Québécois dans le Canada. Ceci alors qu’ils ont eux-mêmes créé de toutes pièces cette situation, ce système. Leurs hommes de main au Québec ne sont pas loyaux envers le Canada pour ses qualités intrinsèques, ils le sont parce que c’est plus payant. C’est à ce genre de personnages veules, achetables et corruptibles qu’ils ont confié la tâche de maintenir le Québec dans le giron du Canada. Alors pourquoi s’étonnent-ils ensuite que le Québec soit la province la plus corrompue dans leur pays.
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Les réactions outrées de la direction du Carnaval de Québec m’ont bien fait rire aussi. Était-ce Daniel Gélinas, celui-là même qui a vendu le 400ème de Québec au fédéral qui en a profité pour récrire l’histoire à sa guise, qu’on entendait à la radio dire qu’il songeait à des poursuites contre le MacLean’s? Les gens de Québec qui se sentent offensés par cette utilisation mesquine d’un des symboles les plus connus de leur ville n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ce sont eux qui ont voulu en faire partie, du Canada. Ce sont eux qui nous ont fait perdre le référendum de 1995 car étant donné la prévisible tricherie institutionnalisée du camp du non, un oui massif des Canadiens-français était d’autant plus important. Ce sont eux qui ont élu des députés conservateurs pour avoir le « vrai » pouvoir et qui se sont retrouvés avec pour représentants une dizaine de tartes qui ont maladroitement tenté de forcer la main à leur patron pour qu’il accepte de financer le nouveau colisée et qui ont ainsi donné des munitions à tous ceux qui carburent au Quebec bashing. Comme illustration de ce que la soumission, la dépendance et l’illusion du pouvoir nous coûtent, c’est difficile de trouver plus éloquent.
J’aimerais bien que l’incident du MacLean’s serve de leçon et en réveille quelques-uns. Malheureusement, comme d’habitude les médias se complaisent dans les réactions de vierges offensées et personne ne pointe du doigt le système qui génère ce genre de problèmes qui empoisonnent notre vie politique. J’espère que mon texte apportera un éclairage différent et éveillera quelques esprits.
Florent Marquis

Québec


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2010

    Excuse de Rogers proprio du Maclean’s
    http://www.ameriquebec.net/actualites/2010/09/28/laffaire-macleans-au-quebec-4848.qc#comment-19937

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    Lorsque le OUI ne fait que 23% chez les Francos de Pontiac alors qu'il a fait près de 60% à Québec, tu ne blâmes pas les Québécois pour la perte du référendum comme on le fait depuis 15 ans. Tu te demandes pourquoi l'Outaouais nous a fait dans les mains alors que Parizeau avait promis qu'il embaucherait TOUS les fonctionaires québécois à Ottawa, promesse qui a fait peur à bien des fonctionaires à Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    Monsieur Noël,
    Florent Marquis est de Québec.
    Pas de Montréal. Il ne sait même pas le nom du coloré chef de Projet Montréal, Richard Bergeron.
    Il ne parle pas des régions de l'Outaouais, parce qu'il ne connaît pas ces places.
    Excellent texte, m. Marquis.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    Y'a de ces sujets comme ça qui ne finissent jamais. C'est un peu comme avec ta femme.
    Tu as un problème. Elle te reproche quelque chose qui lui déplait. Tu t'assoies, tu prends le temps de bien l'écouter, et tu règles la question. A la fin de la discussion elle te dit c'est correct, c'est réglé. Affaire classée.

    Erreur grave. Une femme n'oublie jamais. Elle va te le remettre sur le nez 6 mois ou 6 ans plus tard.
    C'est un peu comme ca avec le référendum perdu à Québec. Tu as beau expliquer en long et en large que le référendum n'a pas été perdu à Québec mais dans l'Outaouais, ça ne rentre pas. Ca revient constamment, comme ta femme qui ne veut pas comprendre.
    http://www.vigile.net/Le-mythe-du-referendum-perdu-a
    Dans Papineau le OUI des francophones a fait 40,9%, Gatineau 37,5%, Hull 35,5%, Chapleau 30,3% et Pontiac 23,4%. Voilà pour le mythe montréalais que c’est à Québec qu’on a perdu le référendum...

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    J'ai l'impression que JLP va arriver en trombe pour défendre les Canadiens-français.
    Les Québécois sont ceux qui, principalement suite à 1837, ont refusé de se laisser acheter par Ottawa.
    Les gens qui encore aujourd'hui défendent à la fois l'appellation "Canadien-français" pour pour le Québec et se disent souverainistes, qu'ils soit historien ou pas, ne connaissent absolument rien à leur histoire ou bien ils sont royalement conditionnés. Les Canadiens-français en dehors du Québec sont en voie de disparition, et c'est justement parce qu'ils se sont tous faits acheter en s'imaginant pouvoir survivre dans le Canada.
    Vive le Québec libre, pas "Vive le Canada-français libre avec les achetés d'Ottawa". A moins qu'on veuille vraiment continuez le processus de la bananisation du Québec et de la disparition du Québécois, où Elvis Gratton serait votre Premier Ministre :)

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    Monsieur Marquis, bravo pour votre clairvoyance.
    Ivan Parent