L’enterrement du siècle

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La destruction programmée de l'indépendance économique du Québec

En demandant que Rona demeure propriété québécoise, Pierre Karl Péladeau et François Legault veulent nous ramener au siècle dernier, estime le premier ministre Couillard.

Son ex-collègue Raymond Bachand avait aussi fait échec à une première tentative du géant américain Lowe’s pour s’emparer du quincaillier québécois en 2012, mais cela s’explique sans doute par ses antécédents péquistes, dont il avait manifestement gardé des séquelles.

D’accord, Robert Bourassa, qui avait incité la Caisse de dépôt à intervenir pour empêcher que l’empire Steinberg ne tombe entre des mains étrangères, n’a jamais été péquiste, mais l’ensemble de son oeuvre ne démontre-t-il pas que ce rejeton de la Révolution tranquille, tout libéral qu’il était, avait été infecté lui aussi par le bacille du nationalisme introduit par Duplessis ?

Il est vrai qu’à la différence de la tentative avortée de 2012, l’offre améliorée de Lowe’s a reçu la bénédiction du conseil d’administration de Rona et de l’important actionnaire qu’est la Caisse de dépôt, mais la vente en catimini du bloc d’actions que détenait Investissement Québec laisse croire que le gouvernement avait d’ores et déjà renoncé à bloquer une éventuelle récidive.

En sa qualité de p.-d.g. de Montréal International, la nouvelle surperministre du Développement économique, Dominique Anglade, avait pour mandat d’attirer des investissements étrangers dans la région métropolitaine. Il est pour le moins paradoxal qu’elle amorce sa nouvelle carrière en présidant à la perte d’un des fleurons de Québec inc. et d’un autre siège social.

Mme Anglade a manifestement voulu adapter son discours à la philosophie de laisser-faire de son nouveau patron, mais elle aurait pu s’épargner le ridicule de qualifier la transaction de « bénéfique » pour l’économie québécoise. M. Couillard a senti le besoin de corriger le tir en disant sa préoccupation pour ceux qui risquent d’en faire les frais. Dans son enthousiasme, Mme Anglade avait sans doute oublié que l’empathie est le nouveau mot d’ordre au gouvernement.


L’intervention de l’État pour protéger la propriété québécoise des entreprises les plus structurantes n’est pas la seule caractéristique de ce détestable XXe siècle que l’actuel premier ministre semble vouloir enterrer. En réalité, toutes les manifestations de nationalisme, qu’elles soient de nature politique, économique ou identitaire, paraissent archaïques à ses yeux, le projet souverainiste étant évidemment la quintessence de la ringardise et de cette « mentalité d’assiégés permanents » que dénonce M. Couillard.

Personne ne nie la nécessité de gérer l’argent des contribuables avec rigueur, mais l’austérité à laquelle la société québécoise a été soumise au cours des deux dernières années cachait mal une aversion pour l’État providence mis en place par les gouvernements successifs à partir de 1960, peu importe le parti dont ils étaient issus.

Son insensibilité à l’insécurité identitaire qui a marqué le dernier demi-siècle est tout aussi manifeste. Malgré la lutte acharnée que le PLQ, sous la direction de Claude Ryan, a menée contre l’adoption de la Charte française, Robert Bourassa a tout de suite compris la nécessité de prendre acte du désir d’affirmation du Québec francophone, mais aussi de la fragilité de sa situation en Amérique du Nord. Cela semble également dépassé aux yeux de M. Couillard.

Le gouvernement Lévesque avait signé une première entente sur l’immigration avec Ottawa, mais c’est le gouvernement Bourassa qui a obtenu les pouvoirs qui permettent au Québec de sélectionner ses immigrants et de les intégrer à la majorité francophone. Les besoins en main-d’oeuvre des entreprises semblent maintenant avoir la priorité, quitte à accentuer le recul du français.
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