Il faut sauver l’église Saint-Jean-Baptiste

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Pour la passation de la mémoire

L’église Saint-Jean-Baptiste, dans le faubourg du même nom à Québec, a une force d’attraction architecturale qui m’interpelle et m’inspire depuis longtemps. Je suis née sur la Côte-Nord, mais dès mes dix ans, j’ai eu la chance d’accompagner mon père lorsqu’il venait faire ses achats à Québec. Cette virée de cinq heures en auto se concluait par l’apparition de la falaise et de son profil bien caractéristique. Outre le Château Frontenac, monument repérable grâce à sa silhouette très connue, c’est l’église Saint-Jean-Baptiste qui ressortait comme élément puissant du paysage. Je m’inquiète aujourd’hui de la possible disparition de cette forte présence. Il y a urgence d’agir.

En 1998, dès mon entrée en fonction à titre de ministre de la Culture, j’ai eu à prendre position sur le patrimoine religieux, car l’église Notre-Dame-du-Chemin était menacée de démolition. À ce moment, j’ai pris la décision de ne pas intervenir, car l’église n’était pas patrimoniale. Le maire de Québec d’alors, M. Jean-Paul L’Allier, l’archevêque Mgr Couture et moi avons cependant signé une entente afin de donner la priorité aux églises patrimoniales, entente dans laquelle l’église Saint-Jean-Baptiste était placée en bonne position. On y stipulait qu’avant de vendre une église, l’archevêché devait donner deux ans aux citoyens pour préparer un projet de reprise en main par la communauté. Malheureusement, cette entente n’a pas été renouvelée. Toutefois, son esprit demeure dans les relations entre les communautés et l’archevêché ; les gens en ont retenu que nos églises, nous les avons payées et, si cela est viable, nous avons le droit d’en conserver l’usage.

Le ministère de la Culture (MCCQ), la Ville, l’archevêché et les gens du quartier, par la présence de représentants, comme le conseil de quartier ou la Société Saint-Vincent-de-Paul, ont intérêt à s’asseoir ensemble le plus rapidement possible afin qu’émerge une solution et que ce monument exceptionnel puisse continuer à vivre. Une table de concertation est en train de se mettre en branle, et je compte bien y participer.

Cela dit, pour que nos efforts ne soient pas vains, il nous faut la collaboration active des deux principaux partenaires dans ce dossier, soit le MCCQ et l’évêché. J’ai rencontré assez souvent le curé Pierre Gingras pour savoir que le conseil de fabrique auquel il appartient est dépassé par l’ampleur de la tâche. Ceci nous amène à un constat : le Québec, au premier chef son gouvernement, devra bien affronter un jour le fait que des bénévoles ne peuvent pas, à eux seuls, assumer la survie de notre patrimoine religieux. La Commission de la capitale nationale a déjà réfléchi à ce sujet ; il faudrait remettre l’ouvrage sur le métier.

Ensuite, le MCCQ doit donner du temps au milieu afin qu’il puisse s’organiser. Des projets ont émergé (Ekklesia), et des compagnies privées semblent vouloir s’inscrire dans le mouvement de la protection du patrimoine (Le Soleil, 21 mars). Une subvention du Conseil du patrimoine religieux était prévue pour restaurer l’église ; il faut qu’elle soit garantie par le MCCQ le temps de présenter et de réaliser un projet porteur d’avenir. Je demande deux ans, pendant lesquels l’entretien de l’église devra être assuré, bien sûr. Si notre patrimoine est aussi sacré que le slogan du MCCQ le dit, qu’on en prenne acte et qu’on agisse en conséquence. La passation de la mémoire se fait aussi par un patrimoine vivant. Veillons-y.


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