Denys Arcand ne recule devant rien

6455b388c48c0bff367e55509d9c8455

La chute de l’empire américain

C’est Denys Arcand, l’éblouissant réalisateur de La chute de l’empire américain, son dernier film unanimement encensé par les critiques.


À une exception près, Louis Philippe Ouimet de Radio-Canada, celui-là même qui avait dans une entrevue infâme agressé Gilbert Sicotte, qu’une poignée d’étudiants du Conservatoire d’art dramatique avait accusé de harcèlement psychologique. La direction du conservatoire a d’ailleurs congédié le talentueux comédien, victime de la rectitude politique.


Donc, à l’instar du journaliste Ouimet, tous les croisés de la rectitude politique sortiront « ambivalents » et choqués par ce film jubilatoire, un film si intelligent qu’il dérange. Car Denys Arcand déploie son talent à tirer à boulets rouges sur ce qui fait du Canada et du Québec le paradis de la bien-pensance, la bienséance, la vertu et du culte de la pureté.


À travers ses films, Denys Arcand perturbe nos assurances tranquilles. L’historien fait œuvre de sociologue en cernant nos travers, nos hypocrisies, notre naïveté légendaire et nos faiblesses historiques. Il ne recule devant rien. Sa liberté lui permet de créer des personnages si vrais, si authentiques, si pervers et si touchants à la fois que personne ne sort indemne de ce film-miroir qu’il tend aux spectateurs.


Personnages inclassables


Nous vivons dans un monde qui départage avec rage les bons des méchants, les justes des injustes, les fourbes des honnêtes. C’est un monde qui victimise systématiquement les êtres. Or, et c’est le côté courageux et émouvant de l’histoire qui nous est racontée, aucun des personnages n’est une victime. Les personnages sont inclassables selon nos critères contemporains. Car les salauds sont aussi attendrissants et généreux. La prostituée de luxe se transforme sous nos yeux en jeune femme amoureuse d’un garçon désillusionné trop intelligent, mais qui devient complice d’un hold-up.


À bien y penser, La chute de l’empire américain est la cure de désintoxication du conformisme actuel et de la rigidité sociale en train de nous robotiser.


La cruauté n’a pas de couleur, aucune classe sociale n’est à l’abri de la corruption, les femmes sont aussi perverses que les hommes, et ces derniers s’attendrissent, aussi immoraux soient-ils.


Différences


N’en avons-nous pas marre d’être étiquetés et de ne revendiquer qu’au nom de nos faiblesses, nos différences physiques, la couleur de notre peau, notre sexe, notre religion ?


La chute de l’empire américain aurait pu s’appeler aussi « La chute du monde occidental ». Ce monde du décervelage, de la mise à mal des connaissances, du recul de l’intelligence au profit de l’instinct, du narcissisme, des apparences et de la vacuité spirituelle. Car ce monde dans lequel on survit encore — mais pour combien de temps et à quel prix ? — nous mène inéluctablement vers une régression de nos libertés.


Qui eût pu imaginer que le soi-disant guide de la moralité occidentale, le président des États-Unis, pourrait enfermer au nom de la loi des enfants, bébés inclus, dans des camps après les avoir fait arracher des bras de leurs parents, et tout cela sans se faire hara-kiri politiquement? La démocratie est réversible. On tremble à l’écrire.