Discours d'ouverture de la session parlementaire à Québec

Huit mesures en huit mois

Extraits du discours prononcé hier par le premier ministre Jean Charest

Gouvernement Charest - à la remorque...



Alors, finalement, nous voici réunis dans un Parlement fort différent de celui que nous avons quitté le 21 février dernier. En élisant un gouvernement minoritaire, les Québécois nous ont rappelé avec force que c'est eux qui contrôlent le Parlement. Au moment d'inaugurer cette législature, M. le président, j'ai envie, moi aussi, comme l'ont fait nos concitoyens, de bousculer quelques règles. Je vais prendre aujourd'hui la liberté de m'adresser directement aux Québécois, à travers vous, bien sûr; après tout, nous sommes chez eux, dans leur maison.

Par votre choix du 26 mars dernier, donc, vous nous avez envoyé un message clair: vous voulez un gouvernement différent. Pourtant, pendant quatre ans, nous avons travaillé avec acharnement pour faire avancer le Québec. En bonne partie, vous nous avez sanctionnés pour des erreurs de parcours. C'est vrai que nous n'avons pas réussi à baisser les impôts autant que nous l'avions promis, mais il y a autre chose dans ce résultat. [...]
Accommodements raisonnables
Que serait le Canada sans le Québec? Le Canada devra un jour le reconnaître. Nous sommes les cofondateurs de ce pays, il porte l'empreinte de notre nation. Ces dernières élections se sont aussi déroulées avec, en fond de scène, un questionnement identitaire qui, en passant, n'est pas propre au Québec mais propre à notre époque. Je suis né à Sherbrooke. Je suis à demi irlandais; je le suis de par ma mère, dont le souvenir m'émeut à chaque jour. Est-ce que je suis moins québécois pour autant? Bien sûr que non. Est-ce que quelqu'un né au Québec mais prénommé Mustapha ou Helena serait moins québécois que vous et moi? On ne peut dresser de telles barrières entre nous. [...]
Naître au Québec est une chance; immigrer au Québec est un privilège; intégrer les immigrants est une responsabilité, c'est un geste réciproque. Pour celui qui arrive, c'est prendre avec le Québec les valeurs québécoises, les libertés individuelles, l'égalité entre les femmes et les hommes et la séparation entre la religion et l'État. De façon prioritaire, c'est aussi prendre avec le Québec cette langue qui est le coeur de notre liberté, de notre identité: intégration égale aussi francisation. Pour celui qui accueille, intégrer les immigrants, c'est s'ouvrir à la différence et aussi et surtout reconnaître les compétences.
Je crois dans la diversité qui enrichit notre identité, mais je dénonce le zèle religieux qui l'appauvrit. Nos chartes ont toujours eu pour but de protéger les minorités contre la majorité. Elles n'ont jamais eu pour dessein de permettre l'inverse. C'est donc dire qu'il y a une limite, une ligne qui doit être tracée.
La commission Bouchard-Taylor, chargée de faire le point sur les pratiques d'accommodements raisonnables, nous aidera à tracer cette ligne. Mais nous pouvons déjà agir dans l'intervalle. Nous allons par exemple renforcer le message livré à chaque immigrant [selon lequel] nos valeurs fondamentales ne sont pas négociables. Ce message, nous allons le rendre public pour que tous les Québécois sachent ce qu'on attend de ceux qui sont invités à venir partager notre avenir. Nous ferons cela tout en réaffirmant notre conviction [selon laquelle] le seul Québec possible est un Québec de la diversité. Il n'y a pas plus beau cadeau que le Québec puisse recevoir que les espoirs de quelqu'un venu d'ailleurs. Le Québec n'est jamais aussi grand que lorsqu'il ouvre ses bras.
Certains croient qu'on grandit lorsqu'on lève le menton, mais en agissant ainsi, on ne fait que s'empêcher de regarder l'autre. Moi, je pense qu'on grandit lorsqu'on tend la main. Ma position, c'est celle des rapprochements, des rapprochements indispensables. C'est ça, être libéral. Et cela nous rappelle une réalité fondamentale de cette assemblée. Sur le plan des valeurs, les partis politiques dans cette assemblée ne sont pas interchangeables. Il y a des principes et un idéal dans la tradition de notre formation politique.
Dans ce Parlement, chaque élu assume une responsabilité qui est hors de l'ordinaire. Le gouvernement ne pourra pas décider seul, l'opposition ne pourra pas seulement s'opposer. En d'autres mots, dans un Parlement minoritaire, les responsabilités grandissent et les intérêts partisans diminuent. Le premier devoir de ce Parlement est de réunir les Québécois, de bien les représenter, de bien défendre leurs intérêts. Nous n'avons les moyens d'aucune fracture, qu'elle soit sur la base de l'ethnicité ou de la religion. Nous n'avons les moyens d'aucune rivalité: le Québec, ce n'est pas la métropole contre la capitale nationale; le Québec, ce n'est pas les villes contre les régions. Il n'y a qu'un seul Québec, il n'y a qu'une seule nation. [...]
Un Québec prospère
Fidèle à la tradition du Parti libéral du Québec, mon nouveau gouvernement travaillera à la prospérité du Québec. Je veux d'abord protéger votre niveau de vie. Nous voulons le faire en réduisant vos impôts. Réduire les impôts, c'est un moyen d'encourager le travail, de récompenser l'effort, d'appuyer notre économie. Vous travaillez fort, je le sais. Vous méritez d'en garder davantage pour vous.
Pour le Québec, c'est aussi un enjeu de concurrence. Dans ce monde de concurrence, nous devons aussi être le plus compétitifs possible sur le plan fiscal. [...] Nous nous entendons dans ce Parlement pour renforcer notre économie et résoudre ces problèmes. Alors, nous allons agir avec détermination pour stimuler l'investissement, pour soutenir l'innovation, pour aider le secteur manufacturier à faire face à la concurrence internationale, pour former les travailleurs, pour appuyer nos agriculteurs, pour intégrer à l'emploi tous ceux qui le peuvent et pour associer nos premières nations et les Inuits aux succès du Québec.
Je propose dès aujourd'hui aux partis d'opposition de faire du renforcement de notre économie notre cause commune. Nous entraînerons la communauté des affaires, les syndicats et les centres de formation dans une offensive concertée pour relever le défi de la productitivé. [...]
Une place aux aînés
Mon nouveau gouvernement sera à l'écoute des Québécois. Je partage les inquiétudes de ceux dont les parents vieillissent. Mon propre père a récemment fêté ses 84 ans. Il vient de quitter la maison qu'il avait achetée l'année de ma naissance et qui n'a pas changé depuis 1978, l'année où ma mère est décédée. Je traverse avec lui cette étape de sa vie comme des milliers de Québécois le font avec leurs propres parents. Nous devons beaucoup à la génération qui nous a précédés. Ces femmes et ces hommes ont pour la plupart connu une vie faite de dur labeur et de grands sacrifices. [...] C'est à cette génération d'aînés que nous devons aujourd'hui respect et reconnaissance. C'est pour eux que nous mettrons sur pied, après discussion avec les partis de l'opposition, une consultation publique sur les conditions de vie des aînés. [...]
Des Québécois en santé
Mon nouveau gouvernement intensifiera ses efforts pour soigner les Québécois plus rapidement. Nous avons fait un travail colossal dans notre premier mandat pour redéployer les assises de notre système de santé. C'est sur ces nouvelles fondations que nous pouvons désormais bâtir. Nous mettrons en place la garantie d'accès aux chirurgies que nous étendrons graduellement. Nous augmenterons les efforts de prévention et de promotion et de saines habitudes de vie. Nous allons ouvrir plus grand la porte à une participation du privé dans notre système public de soins de santé.
L'État achètera des services au secteur privé, comme le permet maintenant la loi 33 adoptée en décembre dernier. Nous poursuivrons les travaux sur la place du privé dans notre système de santé pour améliorer l'accès aux soins et aux services. Mais je tiens à préciser que nous le ferons sur la base d'un système public à l'intérieur duquel le privé joue un rôle. Il n'y aura pas de marchandisation des soins, pas de commerce de la souffrance au Québec. Pour nous, c'est une question de valeurs, c'est une question de justice sociale.
La famille et l'éducation
Mon nouveau gouvernement sera à l'écoute de la famille. Dans les dernières années, nous avons instauré une prime de soutien aux enfants, développé des places en services de garde, institué des congés parentaux, et les naissances ont augmenté. Nous continuerons à développer des places en services de garde avec le souci d'offrir des solutions souples aux besoins variés des parents. Un peu plus d'un an après la mise en oeuvre des congés parentaux, dont le succès a dépassé toutes les prévisions, nous évaluerons les moyens de répondre encore mieux aux besoins des jeunes couples.
Mon nouveau gouvernement fera de l'éducation une priorité parce que l'avenir de notre nation en dépend. Mais nous allons ensemble obéir aux exigences de la réussite en donnant à nos universités les moyens de rivaliser avec les meilleures du monde. La réussite implique l'effort. La réussite est une responsabilité qui engage tous les Québécois. Nous allons également renforcer l'apprentissage du français à l'école mais aussi la fierté de cette langue dans l'espace public. Nous allons promouvoir la qualité du français parlé et écrit à travers tout le Québec. [...]
Développement durable
Mon nouveau gouvernement marquera l'avènement du développement durable. Nous ferons de chaque citoyen, qu'il soit individu ou entreprise, un agent de changement et de développement durable. Nous mettrons en oeuvre notre plan de lutte contre les changements climatiques. Nous créerons de la richesse avec notre énergie renouvelable, notre hydroélectricité, notre pétrole à nous. Nous travaillerons pour l'installation à Montréal d'une Bourse du carbone. Nous travaillerons avec nos voisins canadiens et américains parce que nous respirons le même air. Nous reboiserons nos forêts. Nous transformerons la crise du secteur forestier en une occasion de renouvellement de la ressource et d'accroissement de la compétitivité de l'industrie. [...]
Huit gestes concrets
Je vous dis aujourd'hui ce que nous ferons d'ici décembre prochain. Nous poserons, pas uniquement mais en particulier, huit gestes:
- nous baisserons vos impôts;
- nous ouvrirons les premières cliniques privées affiliées au réseau public;
- nous procéderons au dégel des droits de scolarité en bonifiant les prêts et bourses;
- nous mettrons en oeuvre un plan d'élimination de la malbouffe dans les écoles du Québec;
- nous ferons en sorte qu'un bulletin chiffré soit en vigueur dès la prochaine année scolaire;
- nous mettrons en place la redevance sur les hydrocarbures;
- nous allons régler les problèmes de nos agglomérations;
- nous présenterons une loi sur les armes à feu semi-automatiques et à circulation restreinte. [...]
Le premier jalon de notre marche sera posé d'ici la fin du mois avec la présentation d'un nouveau budget. Ce budget sera le reflet de vos priorités. Il sera guidé par deux maîtres mots: rigueur et transparence. Vous travaillez, vous travaillez déjà très fort pour chaque dollar gagné. Nous ferons en sorte que chaque dollar prélevé en taxes ou en impôts soit géré sainement. Vous avez droit, vous les contribuables québécois, à un répit. Je demande à l'opposition de faire comme nous, de prendre le parti de la classe moyenne et de permettre des baisses d'impôt enfin pour la classe moyenne du Québec. [...]
Alors, nous avons beaucoup de travail devant nous. Le 26 mars dernier, vous avez réaffirmé votre autorité sur cette assemblée. Vous avez choisi un nouveau gouvernement libéral avec une opposition plus forte. Vous nous demandez de travailler ensemble. Votre décision représente un défi que nous allons relever. Félix-Antoine Savard écrivait: «J'ai beaucoup mieux à faire que m'inquiéter de l'avenir. J'ai à le préparer.» C'est ce que nous allons faire ensemble. La réussite n'est pas affaire de taille et de nombre mais de coeur et de génie. Nous sommes cette réussite.


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