Les armes se sont presque tues au Liban. À peine les entend-on murmurer dans ce qui subsiste des villages que la barbarie a détruits. Des effluves de charniers masquent l'odeur des cèdres et des fleurs, si tant est qu'il en reste encore après le passage des hordes. Une guerre pour rien, constatent les Israéliens qui ont encore un peu de sens commun. Comme s'il y avait une justification à la guerre. Il n'y en a pas. Il ne peut pas y en avoir, sinon on nous aurait menti en ce qui concerne la valeur de la vie et l'importance du respect de la dignité des personnes.
Fruit à la fois d'une haine qui s'alimente au plantureux buffet des pires ignominies et de la stratégie de monstres froids qui se drapent dans les habits du Bien pour dissimuler le Mal qui les habite, ce crime, cette négation des valeurs qu'on nous inculque à peine expulsé du ventre de notre mère, ne sert que les intérêts des marchands d'armes et la fortune des sociétés pétrolières qui voient leurs profits atteindre des sommets vertigineux.
Le drame qui ensanglante le Moyen-Orient, les corps éventrés des enfants et des vieillards qu'on retire des ruines fumantes de ce qui fut leur maison, sont les «dommages collatéraux» du grand jeu des petites personnes qui dirigent présentement les destinées des États-Unis.
Il sert aussi, sans doute, les intérêts des despotes qui craignent de subir le même sort que l'islamisme a réservé au chah d'Iran. Chose certaine, toute cette violence ne sert ni les intérêts d'Israël ni ceux de la Palestine.
Et pourtant, des intérêts communs
En fait, peu de peuples ont des intérêts plus communs que ces deux peuples aujourd'hui ennemis. Israéliens et Palestiniens partagent le même espace aérien et maritime, s'abreuvent à la même eau, respirent le même air. Quand ils creusent le sol, Israéliens et Palestiniens trouvent souvent des artéfacts qui racontent leur histoire commune et millénaire.
La logique voudrait qu'une telle promiscuité conduise ipso facto à la plus étroite collaboration. À moins, bien sûr, qu'un peuple veuille dominer l'autre, le cannibaliser, le réduire à l'esclavage. À moins, bien sûr, que des consciences tordues croient qu'un peuple peut, sans conséquences désastreuses, imposer sa règle à l'autre éternellement.
Le destin d'Israël, c'est d'être un peuple moyen-oriental, pas une succursale des États-Unis. C'est ce que m'a enseigné un vieux kibboutznik avec qui je réparais des clôtures à Ramat Yohanan, en Galilée, il y a près de 35 ans. L'homme avait connu l'horreur de la Shoah. Il avait tout perdu et avait pourtant retiré de cet enfer tant de sagesse que le jeune socialiste que j'étais en était tout remué. Les amis d'Avraïm -- je crois que c'était son nom -- étaient des fermiers palestiniens, et il m'emmenait prendre le thé chez eux, où ils se parlaient en arabe.
Une souveraineté-association
L'avenir d'Israël tient à sa capacité de s'inscrire dans la logique du développement de cette région du monde d'où l'Occident tire le fondement de son éthique. La survie d'Israël tient à sa capacité de s'affranchir des États-Unis et des calculs géopolitiques d'une puissance en pleine décomposition sur plusieurs plans, notamment sur le plan moral.
À la suite du désastre humain et politique de l'affrontement entre le Hezbollah et Israël, il faut proposer une offensive de paix résolument ambitieuse. Or cette offensive devrait à mon avis venir d'Israël. Elle devrait porter sur une vision audacieuse des rapports entre les peuples voisins que sont la Palestine, Israël et le Liban.
Concrètement, elle devrait prendre la forme d'une proposition visant à mettre en place une structure de type fédéral qui, reconnaissant la souveraineté des peuples, gérerait des intérêts communs, notamment l'eau, la sécurité frontalière et la gestion de l'activité touristique. Une souveraineté-association, quoi !
Pour rendre cela possible, il faut qu'Israël, l'État de très loin le plus riche, propose une aide très généreuse et inconditionnelle au développement de la Palestine. Les pays musulmans de la région devraient bonifier substantiellement l'aide israélienne et la communauté internationale devrait soutenir concrètement ces efforts.
Comme on n'efface pas tant de haine accumulée d'un trait, cette opération devrait être menée rondement mais sans précipitation. Elle devrait s'accompagner d'une démarche d'échanges culturels favorisant la découverte d'une humanité commune.
La paix au Moyen-Orient passe par le triomphe de la créativité politique et de la solidarité humaine dans le respect des cultures, des croyances et, surtout, des droits humains. La situation actuelle est le produit du côté sombre de notre espèce, mais si nous sommes capables du pire, nous sommes aussi capables du meilleur.
Ne tuons pas toute espérance.
Henri Lamoureux
_ Écrivain et socioéthicien
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