PROCHE-ORIENT

Conférence portant sur l’État islamique – Compte rendu

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Le récit d'un Québécois parti combattre l'État islamique au côté des Kurdes

Le samedi 26 janvier 2019 avait lieu à Lévis une conférence organisée par le « Groupe de Réflexion sur les Enjeux Québécois » (GREQ).  La première partie de la conférence était présentée par l’abbé Berteaux qui relatait le martyre des chrétiens d’orient. La seconde était présentée par Olivier Lavigne-Ortiz qui racontait son expérience comme combattant volontaire dans l’armée kurde en guerre contre l’État islamique.



Prenez note que le texte ci-dessous a été complété avec des éléments d’information n’ayant pas été présentés à la conférence. Nous avons cru bon d’insérer quelques mises en contexte pour permettre au lecteur de mieux comprendre l’information présentée. Nous avons également appuyé certaines affirmations de l’Abbé Berteaux par des sources. Noter également que l’auteur de ses lignes a visionné le documentaire complet « Parmi les héros ».


Ainsi, il est possible que le compte rendu dépasse légèrement le contenu présenté. 



Le martyr des chrétiens d’Orient – Présentation de l’Abbé Berteaux


En première partie de la conférence, l’abbé Berteaux nous présente l’idéologie islamiste telle que véhiculée par les courants les plus radicaux.  On présente l’islam [radical]comme une idéologie totalitaire où la religion envahit la vie publique, le droit, le politique et la vie privée. Pour les islamistes, la séparation des pouvoirs (politique, religieux, droit) serait ainsi l’œuvre d’infidèles. La foi religieuse n’est pas qu’une facette du musulman, mais doit constituer l’entièreté de sa personne.  La Sharia, qui est le droit islamique, est un envahissement du religieux sur la vie publique.


L’abbé rappelle que l’Islam puise ces racines dans la vie de Mahomet, qui était un chef de guerre, un conquérant, un homme qui possédait plusieurs sabres, lances et cuirasses. Le prophète de l’Islam est ainsi très contrasté avec celui du christianisme, Jésus, qui à la base était un homme pacifique portant un message d’amour universel; à l’inverse Mahomet est un guerrier qui a fait couler le sang.


L’abbé nous apprend aussi que le Coran aurait été dicté de Dieu à Mahomet, et que Mahomet l’avait ensuite dicté à ces disciples. Pour ainsi dire, la parole de Dieu s’est fait livre. Pour les radicaux, le Coran est dicté et pris au pied de la lettre. Il ne doit pas être interprété. Faire l’interprétation du Coran serait un crime. À l’inverse, c’est l’interprétation des passages de la bible des chrétiens qui en révèle le message. Or, le problème du Coran c’est qu’il comporte des passages violents et d’autres qui sont pacifiques. Par exemple, dans certains passages, on appelle à tuer les non-croyants : « Tuez les polythéistes partout où vous les trouverez » (Le Figaro, 30 juillet 2014). L’interprétation du Coran permet de nuancer les passages violents pour une pratique modérée; à l’inverse le Coran pris au pied de la lettre mène inévitablement à des violences. Selon L’abbé, c’est 40% des musulmans qui croient qu’il faut prendre le Coran au pied de la lettre. Le radicalisme islamique comporte ainsi beaucoup d’adhérents. L’abbé nous apprend qu’il est faux de prétendre que les terroristes sont des abrutis, 44% d’entre eux auraient fait des études supérieures; citons par exemple le complot pour commettre un attentat terroriste sur un train de VIA Rail par un étudiant au doctorat de l’INRS au Québec (Radio-Canada, 23 avril 2013).  L’abbé mentionne qu’à la suite des conquêtes islamiques les dirigeants de l’empire ont dû user de modération dans l’application des principes islamiques.


Mieux comprendre le fondamentalisme islamique permet de comprendre les agissements des fanatiques de Allah.  En effet, l’Islam a pour objectif de conquérir tous les hommes. Le Jihad, c’est le devoir d’expansion de la terre de l’islam par les moyens militaires; c’est la conversion par la guerre.  Lorsque l’on étudie l’histoire, on se rend compte que le Moyen-Orient (Turquie, Liban, Israël, Syrie) et l’Afrique du Nord (Égypte, Algérie, Tunisie, Libye, Maroc) étaient chrétiens bien avant d’être musulman.  C’est à travers l’Empire romain que la chrétienté s’est propagée, voir carte ci-dessous (Cliquer pour agrandir).





C’est plus tard, sous les conquêtes islamiques que l’islam est arrivé au Moyen-Orient et en Afrique du nord. En effet, l’Islam est né en 610 lorsque l’archange Gabriel aurait récité le Coran à Mahomet dans une grotte. L’Islam est donc venu remplacer le christianisme dans bien des cas.  L’Islam est bien souvent incompatible avec les autres religions puisqu’il cherche à les convertir par tous les moyens possibles. Prenons par exemple le concept de Dhimmitude; les citoyens de foi chrétienne (ou de religion autre que musulmane) de pays conquis par l’Islam étaient appelés Dhimmi. Le Dhimmi devait payer un impôt spécial, ne devait pas afficher ses symboles religieux et respecter plusieurs interdits. Parmi les interdictions, on notait les interdits suivants :



  • Ne pas porter d’armes

  • Ne pas chevaucher un cheval,

  • Ne pas construire de nouveaux lieux de culte

  • Ne pas élever la voix lors de cérémonies

  • Ne pas ressembler aux musulmans dans leur habillement.

  • Ne pas avoir des maisons plus hautes que celles des musulmans

  • Bannières, croix, tout signe visible ou audible de leur foi leur était proscrit

  • Obligation de discrétion dans la pratique de leur culte et l’enterrement de leurs morts

  • Les Dhimmis devaient céder le passage lorsqu’ils croisaient à pied un musulman ou s’ils étaient à dos-d’âne descendre de leur monture.


Vous comprendrez ainsi que ceux qui n’étaient pas musulmans étaient considérés comme des citoyens de seconde classe dans les pays conquis. Il était interdit à un non-musulman de mariée un ou une musulmane. Convertir un musulman vers le christianisme était aussi passible de mort. Ainsi, le statut de Dhimmitude favorisait fortement la conversion des chrétiens vers l’Islam. Évidemment, la Dhimmitude n’est plus officiellement pratiquée, par contre il permet de mieux comprendre comment les religions non musulmanes finissent par être évincées des pays musulmans.


L’abbé Berteaux relate les dérives d’un islam qui se radicalise et qui ronge le Moyen-Orient depuis les dernières années de l’histoire récente. Attentats visant les églises, enlèvements de prêtres, assassinat de l’Archevêque chaldéen de Mossoul (Iraq) en 2008 (VaticanNews, 13 mars 2018); attentat dans la cathédrale syriaque (chrétienne) de Bagdad en 2010 : 52 morts dont des enfants égorgés (LeFigaro, 1er novembre 2010) ; répression sanglante des Coptes (chrétiens) en Égypte en 2011 (LeMonde, 9 octobre 2012). L’abbé affirme que les islamistes veulent que les chrétiens quittent le Moyen-Orient; sur les portes des chrétiens, on écrit « déguerpissez ».  En effet, en 2003, les chrétiens étaient 1 500 000 en Iraq, en 2018, il n’était plus que 250 000 (Wikipédia, Sans Date A).


L’Abbé termine sa présentation en affirmant que la solution aux martyrs des chrétiens d’orient face à la terreur de l’Islam radical est la conversion des musulmans; il faut leur démontrer l’amour du christ. Il cite en exemple le prêtre chrétien égyptien Zakaria Botros dont la mission est de convertir les musulmans au christianisme.


Parmi les héros – présentation de Olivier Lavigne Ortiz


L’abbé Berteau avait mis la table pour comprendre l’idéologie des fanatiques de l’état islamique. Par la suite, Olivier Lavigne-Ortiz reprit le flambeau pour raconter son histoire comme combattant volontaire dans l’armée kurde.  C’est en montrant des extraits de son documentaire et des photos de son aventure qu’il présente son histoire.


Olivier est un vétéran de la guerre d’Afghanistan; un tireur d’élite du Royal 22e régiment.  C’est en Afghanistan qu’il obtient son surnom « Wali ».  En demandant aux Afghans de l’appeler Oli, les Afghans l’ont surnommé « Wali », nom qui, dans leur langue, était plus naturel à prononcer.


En 2015, la guerre d’Afghanistan était terminée, l’armée canadienne n’envisageait pas d’autre déploiement et Olivier avait choisi de ne pas renouveler son contrat.  C’est alors que le vétéran apprenait les horreurs subites par les populations civiles sous le joug de l’état islamique (EI).  C’est ainsi qu’il décida de s’enrôler comme combattant volontaire pour aller combattre l’EI avec les Peshmergas (soldats kurdes).  Seulement deux mois séparaient son retour au Canada de son départ pour le Kurdistan*.



*Le Kurdistan est une région autonome du nord de l’Iraq aspirant à son indépendance. En 2017, un référendum sur l’indépendance fut gagné avec 92.7% d’appuis. 




Carte de l’Iraq et de la Syrie aux prises avec les jihadistes de L’EI


Rapidement, Olivier comprend que rejoindre les rangs de l’armée kurdes ne sera pas une mince affaire. Il doit d’abord prendre un billet d’avion pour l’Égypte, puis se rendre au Kurdistan par la terre ferme.  Ensuite, il doit réussir à convaincre les Kurdes du sérieux de sa démarche pour qu’on le fasse venir au Kurdistan. Sur place, il doit se procurer une arme fonctionnelle. Et puis, encore faut-il que les Peshmergas l’amènent au front. Wali relate que les Kurdes sont très protecteurs; pour ses premières missions, ils l’envoyaient lui et d’autres volontaires occidentaux sur des territoires sécuritaires; on l’envoyait en effet effectuer des missions bidon pour éviter qu’il se fasse tuer.  Il aura fallu que lui et d’autres décident de partir en solo en direction du front pour que les Peshmergas acceptent finalement de l’impliquer dans de réelles offensives militaires.


Olivier au Kurdistan – source : Olivier Lavigne-Ortiz, Compte Instagram


Le conférencier explique que la guerre entre le Kurdistan et l’état islamique est de type conventionnel. Contrairement à l’Afghanistan, au Kurdistan, une ligne de front marqué par des tranchées sépare les territoires kurdes libres de ceux sous contrôle de l’EI.  Wali relate même qu’il est très mal vu de se promener avec des armes au Kurdistan. Dans son documentaire, on constate que dans les villes Kurdes, rien ne laisse paraître que le pays est en guerre; les centres-villes sont propres, les jeunes s’amusent et les adultes se divertissent, et certains déguste une Corona (bière très populaire au Kurdistan).  On se sera attendu à voir des images d’un pays dévasté par la guerre, or il n’en est rien.



Centre-ville d’Erbil, Kurdistan irakien, 2015 


Tranchant radicalement avec les puristes de l’Islam que sont les combattants de l’État islamique, les combattants kurdes sont des musulmans modérés. Selon Wali, les Kurdes sont un peuple fantastique et accueillant, qui adorent les occidentaux. En effet, dès que Wali et d’autres occidentaux entraient dans les villages kurdes, les gens venaient se prendre en photos avec eux; souvent, les marchands leur offraient des cadeaux dans le but de partager leur culture. Wali relate par exemple qu’un artisan lui a confectionné un habit traditionnel sur mesure en refusant d’être payé.  Le conférencier relate qu’a plusieurs reprises lui et d’autres volontaires ont fait le test de laisser tomber leur portefeuille pour voir s’il serait volé ou s’il serait rapporté. À chaque fois le portefeuille était rapporté.


Dans le documentaire, Wali explique que la guerre c’est 95% d’ennuis et d’anticipation et 5% d’action.  En effet, dans plusieurs scènes, les protagonistes sont sur le qui-vive, mais le combat n’y est pas. En effet, contrairement à un film de guerre, on constate dans le documentaire que la plupart du temps, les soldats sont dans l’attente d’un combat ou la recherche de l’ennemi.


Le vétéran affirme que ce n’est ni le courage ni la détermination qui permet la victoire sur le champ de bataille, mais plutôt la puissance de feu. L’aviation des pays de l’OTAN a efficacement neutralisé l’équipement militaire lourd que pouvait posséder l’état islamique.  Les Kurdes, militairement mal équipés, ont quand même à leur disposition des tanks et d’autres véhicules blindés. De plus, les Peshmergas peuvent compter sur l’aviation de l’OTAN. Pour ces raisons, les Kurdes possèdent un avantage net sur leur adversaire de l’EI. Dans une des scènes du documentaire, on voit les Peshmergas trianguler la position ennemie ce qui engendre par la suite un bombardement par les forces occidentales.


Malgré ses faiblesses, l’ennemie possèdent un atout de taille : l’utilisation de véhicules piégés pilotée par des commandos suicides. Dans une des scènes captées par Olivier, un véhicule abordant un drapeau blanc explose près d’une ville qui venait tout juste d’être libérée par l’armée kurde.  La puissance de l’explosion captée par la caméra d’Olivier est impressionnante. La scène est également choquante puisque l’on assiste à la détresse d’un père qui tient dans ses bras le haut du corps de sa fillette; le bas du corps ayant été pulvérisé par la violence de la bombe.


Quoiqu’en disent les vidéos de propagande de l’état islamique sur le courage des guerriers d’Allah; au dire de Wali, lorsqu’ils sont faits prisonnier, les soldats de l’état islamique tremblent comme des feuilles.  Ils n’ont peut-être pas tort de trembler, car dans bien des cas, ils ne seront pas emprisonnés, mais plutôt exécutés par les Peshmergas qui ont « peu de patience » pour les soldats de l’EI.


Outre la guerre, Wali nous a appris quelques anecdotes.


Concernant la corruption, on mentionne qu’au Kurdistan, c’est la norme. Olivier résume la chose ainsi : les gens ne parlent pas de corruption, ils disent « avoir de bonnes relations ». Quand on a de bonnes relations, il est possible de conduire en buvant de l’alcool (même si c’est un pays musulman) et de passer un barrage policier sans problème.


Concernant le vivre ensemble, l’auteur mentionne que les Kurdes détestent les Arabes. Il relate une anecdote, où un Peshmerga qu’il considérait comme « un bon gars » avait ouvert le feu sur une famille arabe sans armes. Heureusement, son arme qui était de mauvaise qualité l’avait empêché d’atteindre sa cible. À titre de rappel historique, le lecteur doit comprendre que les Kurdes sont un peuple sans pays dont le territoire est occupé par l’Iraq, la Syrie, la Turquie et L’Iran. Après la Première guerre mondiale, le traité de Sèvre en 1920 était censé donner un pays aux Kurdes (voir carte ci-bas); malheureusement, les victoires militaires de la Turquie ont empêché cet avènement et un nouveau traité, celui de Lausanne, faisait disparaître l’état kurde. Sans entrer dans les détails, les Kurdes ont été largement opprimés par les Arabes durant l’histoire récente; ne citons par exemple que de 1975 à 1980, l’armée de Saddam Hussein avait détruit 4000 villages kurdes dans ce que l’on appelle le génocide kurde.  Le ressentiment que les Kurdes expriment fasse aux Arabes s’explique ainsi par le contexte historique et géopolitique.


Carte du Kurdistan et le partage des territoires selon les traités de Sèvre et de Lausanne (source)


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