Feu le référendisme?

Il ne servirait à rien à la direction du PQ de nier qu'il y a dans ce qu'elle s'apprête à proposer une rupture, non pas avec l'objectif ultime de la souveraineté, mais avec la démarche consacrée par le dernier congrès.

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars

Des ministres du gouvernement Charest s'empressaient hier de tirer à boulets rouges sur la chef du Parti québécois, Pauline Marois, après qu'elle eut déclaré que, devenue première ministre, elle poserait des «gestes de souveraineté» avant un référendum. Avant de s'inquiéter de voir le «chaos» s'installer, selon le mot de Benoît Pelletier, attendons que soit terminée la révision en cours du programme péquiste portant sur l'accession à la souveraineté.
Ce qu'entreprend la chef péquiste est un virage majeur. Elle l'avait d'ailleurs annoncé au moment où elle devenait en juin dernier candidate à la succession d'André Boisclair: «Le PQ doit rompre avec le piège d'échéancier ou d'obligation référendaire», écrivait-elle alors. Devant l'électrochoc qu'avait été le résultat de l'élection du 26 mars, elle disait avoir compris que l'obsession référendaire desservait l'option souverainiste.
Un tel virage ne se négociera pas sans difficultés. Pour préparer le terrain, Mme Marois a envoyé en éclaireur le coprésident du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose. Dans un texte publié dans le numéro de décembre de L'Action nationale, ce dernier propose ainsi de «congédier le référendisme» pour adopter plutôt «une gouvernance souverainiste». Une démarche pour laquelle Mme Marois avoue pencher aujourd'hui.
Quelles formes prendra cette gouvernance péquiste? Gérald Larose les définit dans ce texte, qui a tout de l'allure d'un programme de gouvernement. À plusieurs égards, il nous ramène au PQ de 1976, l'étapisme en moins. L'objet clairement affirmé est d'avancer vers la souveraineté en posant des gestes qui sont de l'ordre de l'affirmation des pouvoirs et des compétences du Québec. On y trouve plusieurs propositions similaires à celles que l'on peut lire dans le programme de l'ADQ, telles l'adoption d'une constitution québécoise et l'institution d'une citoyenneté québécoise, mais aussi une attitude offensive face à Ottawa, visant à créer un rapport de force. Il n'y a cependant pas de gestes de rupture, comme certains militants péquistes voudraient en voir adopter et que les libéraux aimeraient pouvoir dénoncer, si ce n'est l'abolition du poste de lieutenant-gouverneur.
On peut mesurer l'ampleur du changement proposé à la lumière de la réaction de certains militants. Un Denis Monière, souverainiste engagé de longue date, y voit tout simplement une évacuation de la souveraineté comme enjeu des prochaines élections. Il ne sera pas le seul à reprocher l'abandon d'un discours souverainiste au profit d'un discours nationaliste. Ils ont raison dans la mesure où la souveraineté ne sera pas un objectif qui primera en tout temps sur tous les autres. Le débat est loin d'être terminé, mais cela pourra conduire, tant le virage proposé est majeur, à des divisions qu'il faudra assumer.
Il ne servirait à rien à la direction du PQ de nier qu'il y a dans ce qu'elle s'apprête à proposer une rupture, non pas avec l'objectif ultime de la souveraineté, mais avec la démarche consacrée par le dernier congrès. Il ne servirait à rien de chercher à concilier des approches qui ne le sont pas eu égard au but défini d'entrée de jeu par Pauline Marois de «redevenir le parti des Québécois». Le jugement porté par les électeurs le 26 mars est clair. Les faits sont têtus, dit-on. Il faut savoir les regarder avec lucidité sans faux-fuyants.
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bdescoteaux@ledevoir.com
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