Les politiciens d'antan tentaient de déstabiliser leurs adversaires en leur demandant à brûle-pourpoint quel était le prix de la pinte de lait. Hier soir, Mario Dumont a pris Jean Charest complètement de court avec une question dont il n'avait pas le droit d'ignorer la réponse: à combien s'élève la dette du Québec? Le premier ministre était même très loin du compte.
Pour un homme qui se faisait fort de connaître ses dossiers sur le bout des doigts, surtout les dossiers économiques, l'erreur était pour le moins gênante et elle ne relevait pas simplement de l'anecdote. Des trois chefs de parti, M. Charest a sans doute été le moins convaincant, et ce n'est pas à cause de la cacophonie qu'il a déplorée.
Le premier ministre n'a peut-être pas été aussi mauvais qu'en 2007, mais son refus persistant de faire la lumière sur la mauvaise performance de la Caisse commence à l'embarrasser sérieusement.
À l'issue du débat, M. Charest semblait lui-même un peu fatigué de répéter sa cassette, au point d'avoir du mal à livrer de façon efficace les nouvelles petites phrases que lui avaient préparées ses adjoints. Quand «le statut» du Québec devient «la statue», il y a comme une impression d'immobilisme.
Il était prévisible que le premier ministre se retrouverait souvent pris entre deux feux, mais il ne s'attendait peut-être pas à une aussi bonne prestation de ses deux adversaires. Très détendue, Pauline Marois n'a pas semblé handicapée le moindrement par son manque d'expérience en matière de débat. La candeur de ses reparties était même assez rafraîchissante. «Monsieur Charest, vous dites vraiment n'importe quoi.» Compte tenu du peu d'attentes qu'elle avait créées, c'est elle qui a le plus agréablement surpris.
Après la campagne atroce qu'il a menée depuis deux semaines, plusieurs s'attendaient au pire de Mario Dumont. Au lieu de ses réflexions saugrenues sur la disparition de l'arbre de Noël, le chef de l'ADQ a fait preuve d'une retenue et d'un sérieux qu'il aurait eu grand intérêt à manifester au cours des 18 derniers mois.
Les stratèges libéraux craignaient de le voir sortir un lapin de son chapeau encore une fois, et M. Charest a semblé l'attendre toute la soirée. M. Dumont a plutôt présenté la «différence adéquiste» de façon tout à fait adéquate.
***
Avec 12 points d'avance à 12 jours du scrutin, M. Charest pouvait se contenter d'un match nul ou même d'une défaite honorable. La barre était nettement plus haute pour Mme Marois. Il ne s'agissait pas tant de conserver une chance théorique de coiffer son adversaire libéral au fil d'arrivée que préparer l'après-élection.
Si le PLQ l'emporte le 8 décembre, M. Charest deviendra le premier chef de parti depuis Maurice Duplessis à obtenir trois mandats d'affilée. L'exploit serait certes remarquable, mais il serait étonnant qu'il ait droit à un quatrième. Même s'il décide de passer la main avant les prochaines élections, celui ou celle qui sera chef du PQ dans quatre ans aura toutes les chances de devenir le prochain premier ministre. Le poste qu'occupe présentement Mme Marois sera donc l'objet de bien des convoitises.
La performance de la chef péquiste, après une campagne qui a été plutôt décevante jusqu'à présent, devrait améliorer ses chances d'avoir droit à un autre essai. M. Charest a été ravi de l'entendre dire qu'elle avait «les mains liées par le mouvement souverainiste», mais les militants péquistes ont certainement apprécié.
Rien ne peut jamais être tenu pour acquis au PQ. Même s'il récupère son statut d'opposition officielle, il demeure qu'il n'y a eu aucune progression dans les intentions de vote depuis le début de l'année. À son arrivée à la tête du PQ, Mme Marois s'imposait d'emblée comme la plus apte à occuper le poste de premier ministre. Dix-huit mois plus tard, elle a été complètement éclipsée par M. Charest. Après plus d'un quart de siècle de vie politique, il lui sera difficile de plaider que les Québécois n'ont pas eu le temps de la découvrir.
***
Les projections mathématiques effectuées par la firme HKDP à partir des derniers sondages de Crop et de Léger Marketing, qui créditent tous les deux l'ADQ de 12 % des intentions de vote, n'accordent qu'un seul siège à l'ADQ et ce n'est pas Rivière-du-Loup, mais plutôt Chutes-de-la-Chaudière.
Après l'avoir soutenu envers et contre tout depuis 14 ans, il serait néanmoins étonnant que les électeurs de Rivière-du-Loup prennent sur eux de donner son congé à Mario Dumont. Sa bonne performance d'hier ne suffira pas à renverser une tendance aussi lourdement défavorable à l'ADQ, mais s'il décide de passer à autre chose, il pourra au moins se consoler à l'idée qu'il a terminé sur une bonne note.
***
mdavid@ledevoir.com
Étonnante Pauline
Des trois chefs de parti, M. Charest a sans doute été le moins convaincant, et ce n'est pas à cause de la cacophonie qu'il a déplorée.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé