Marois surprend Charest et Dumont

Dans un débat musclé, les chefs se querellent autour de leur bilan

Débat des chefs - Québec 2008

Antoine Robitaille, Guillaume Bourgault-Côté, Robert Dutrisac - Québec -- Les trois chefs de parti ont offert hier soir un débat passionné, parfois cacophonique et acrimonieux, qui a souvent tourné à la querelle de bilans en santé, en éducation et en économie. Pauline Marois a surpris par sa combativité, alors que Jean Charest s'est souvent retrouvé sur la défensive, entre autres choses en raison des attaques de Mario Dumont.
«Ça suffit, sa cassette!», a répété à de multiples reprises Pauline Marois, alors que Jean Charest a cherché plusieurs fois à rejeter sur elle la responsabilité des problèmes en santé, en éducation et en économie. «Je suis étonné d'entendre M. Charest, il est incapable de défendre son bilan», a-t-elle lancé à un moment, soulignant que le Parti libéral était au pouvoir depuis près de «six ans». Mme Marois a multiplié les petites phrases volées où elle épinglait ses adversaires -- «La compassion, on repassera», «vous dites n'importe quoi!» -- tout en soutenant qu'elle tentait de rester polie.

Jean Charest s'est présenté comme le meilleur capitaine pour tenir la barre dans la tempête économique à venir et a insisté inlassablement auprès de M. Dumont pour savoir où il amputerait le budget de l'État de deux milliards comme il l'a promis. M. Dumont a pour sa part tenté à plusieurs reprises de renvoyer les deux autres chefs dos à dos, mais, à certains moments, sur la culture notamment, il a fait front commun avec Pauline Marois.
Le débat s'est animé une première fois lorsque la question de la santé a été abordée. Mario Dumont a accusé Jean Charest de ne pas avoir respecté ses promesses de 2003 en matière de santé. Mais le chef libéral a rejeté la responsabilité des problèmes du réseau sur Mme Marois et sa décision de mettre à la retraite des milliers d'infirmières et de médecins, il y a dix ans. Selon le chef libéral, Mme Marois n'a pas conscience des torts qu'elle a causés au système de santé. «Vous êtes la personne la plus mal placée au Québec» pour dénoncer les ennuis du réseau, lui a dit M. Charest. La chef péquiste s'est fâchée, accusant M. Charest de mentir à la population. Mme Marois a qualifié le bilan libéral en santé de «fiasco». À un moment, le chef libéral a alors voulu prendre l'initiative en exposant les mesures qu'il propose aujourd'hui et en cessant de parler du passé, mais les deux autres chefs l'en ont empêché.
Dans ce segment comme à d'autres moments du débat, Mario Dumont a eu un peu de mal à prendre sa place. Sur la santé, il a affirmé que c'était «un gros travail de dire qui avait fait pire dans le passé». Il a exposé son option d'un système mixte, mais M. Charest lui a rétorqué qu'il manquait de médecins pour les mettre devant le dilemme de choisir entre le privé et le public.
Les pensions en danger
Dans le bloc sur l'économie, Mario Dumont a lancé une première salve au sujet de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Citant un article du Globe and Mail paru hier, qui affirme que la Caisse avait vendu à perte quelque 10 milliards d'actif pour refaire ses liquidités, Mario Dumont a brandi un spectre: «Les Québécois ont appris que leurs pensions étaient menacées», a-t-il déclaré.
Mme Marois a fait valoir que la situation exceptionnelle à laquelle fait face la Caisse exige que l'institution informe la population. «La Caisse doit opérer indépendamment de la politique», a répliqué M. Charest. Citant des experts, le chef libéral a souligné que la performance de la Caisse, elle, n'est pas jugée «sur dix jours, mais sur dix ans».
Jean Charest a vanté les gestes que son gouvernement a faits pour contrer le ralentissement économique, notamment les investissements dans les infrastructures. Il a d'ailleurs reproché aux deux autres de ne pas les avoir soutenus. Mario Dumont s'est dit inquiet du peu de pouvoir que le gouvernement du Québec peut avoir pour y faire face. «C'est pareil comme si, il arrive un ouragan et, moi, je suis le député et je me mets devant», a-t-il dit. «Les premiers 83 millions qu'on avait pour la crise financière, vous les avez mis dans les élections», a accusé M. Dumont, faisant référence au coût des élections.
Le chef adéquiste a dénoncé l'augmentation de la dette qui s'est produite sous le gouvernement libéral. Le chef adéquiste a surpris M. Charest en lui demandant d'évaluer la taille de la dette du Québec. Après avoir confondu 120 «millions» et 120 «milliards», Jean Charest a rappelé que le rapport entre la dette et le PIB avait baissé depuis 2003.
Prises de bec en éducation
La discussion sur le thème de l'éducation et de la famille a donné lieu à d'autres prises de bec bruyantes entre les belligérants.
M. Dumont a attaqué la réforme Marois, soutenant qu'elle avait sapé la culture de l'effort à l'école, et a reproché à M. Charest de n'avoir rien fait pour la corriger. Jean Charest a dénoncé la mise à la retraite de 1200 experts pour les élèves en difficulté du temps où Mme Marois était ministre. Cette dernière lui a reproché l'augmentation des frais de garde de 5 à 7 $. Lorsque Jean Charest a affirmé que M. Dumont souhaiterait réduire les allocations familiales pour financer son programme de 100 $ pour les frais de garde aux parents, le chef adéquiste a bondi: «Il a pris ça où?»
En dialoguant avec Mario Dumont, Pauline Marois y est allée d'une tirade explosive, affirmant que les interventions de l'ancien ministre Pierre Reid au sujet de la réforme avaient mis le Québec «à feu et à sang». M. Dumont lui demandait de reconnaître que la disparition des bulletins chiffrés et du concept de redoublement avait nui à l'éducation des jeunes. Mme Marois a indiqué que la réforme avait de bonnes bases, mais que le «bateau a perdu son capitaine en cours de route».
Mme Marois a accusé M. Charest de n'avoir rien fait pour régler les problèmes de décrochage scolaire. Quand le débat s'est de nouveau enflammé, la chef du PQ a lancé un «je suis un peu fatiguée, là» destiné aux propos de Jean Charest, mais récupéré au vol par ses adversaires qui y ont vu une admission cocasse de ses prétendus ennuis de santé.
La constitution, un monstre?
Dans le dernier bloc intitulé Le Québec de demain, les trois chefs ont discuté avec vigueur sur le rapatriement des pouvoirs en culture, Pauline Marois et Marois Dumont réclamant des changements constitutionnels, Jean Charest proposant une entente administrative avec Ottawa.
«C'est possible sans drame de faire des amendements constitutionnels», a assuré Mme Marois, qui s'est citée en exemple avec l'amendement constitutionnel qu'elle a négocié pour déconfessionnaliser les commissions scolaires. «Elle veut ajouter à une crise financière une crise constitutionnelle», a répondu M. Charest qui a déploré que la chef péquiste veuille un référendum sur ce sujet en cas d'échec des négociations. «M. Charest est le roi des référendums, a fait remarquer Mme Marois. Il en a fait 89 dans le cadre des défusions municipales, donc il ne doit pas avoir peur de cet outil démocratique par excellence.»
En conclusion, Jean Charest a réfuté que «tout ce qui va mal» est de sa faute alors que «tout ce qui va bien» est attribuable à d'autres, comme ses adversaires l'ont laissé entendre. Mme Marois a pour sa part mis en relief son expérience pour «traverser la tempête» économique à venir. «Je l'ai déjà fait dans le passé, et le Québec s'en est bien sorti», a-t-elle dit en concluant qu'elle ferait avancer le Québec vers un statut souverain, un thème sur lequel elle est rarement revenue. M. Dumont s'est quant à lui présenté comme la solution de remplacement à «la valse de milliards de promesses».


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