La question Obama

Débat des chefs - Québec 2008

À Tout le monde en parle, Guy A. Lepage a sa légendaire "question qui tue". Au débat des chefs, sûrement éclipsée par la cacophonie dominante, la plus révélatrice fut plutôt celle que j'appellerais "la question Obama".
Dans le bloc "avenir du Québec", voici la question envoyée par un citoyen: "On a vu Barack Obama relancer l'American dream. Étant de la Génération X, je me demande ce que vous trois avez à offrir comme projet de société à la nouvelle génération québécoise?"
Les réponses? Pas très obamesques, par contre. Même pas un tout petit peu. Alors, désolée. Pour un "projet de société", n'appuyez pas sur le un. Pour le moment, il n'y a pas de service au numéro composé...
Mario Dumont répondit ceci: "C'est simple: rebâtir nos écoles." C'est un début. Mais comme pour le reste, et malgré son impressionnante résurrection sur la forme, le chef de l'ADQ s'est fait l'écho de plusieurs préoccupations réelles des Québécois, a posé de bonnes questions, mais a offert peu de solutions crédibles.
Et Pauline Marois de suivre Mario: "Je suis persuadée que le projet le plus mobilisateur que l'on puisse imaginer est d'investir en éducation." Pas la souveraineté? Ah bon. Jean Charest? Alors là, ce fut quelque chose! Sortant sa cassette "économie" - thème imposé par lui-même obligeant -, il enfila sa liste d'épicerie à la vitesse de l'éclair: "Mon rêve, c'est de créer un nouvel espace économique pour le Québec! C'est cinq grands projets: mobilité de la main-d'œuvre avec la France; ouvrir le Nord québécois; négocier le libre-échange avec le Canada, une entente commerciale avec l'Ontario et une autre sur la mobilité de la main-d'œuvre à travers le pays." Quoi? Et on n'ira pas sur Mars aussi?
Bref, Jean Charest n'était pas le seul à avoir ses "cassettes". Mais pour ce qui est d'un véritable "projet de société", pour reprendre la question du citoyen, meilleure chance la prochaine fois.
PAS UN MOT SUR...
Contrairement au débat fédéral, pas un mot ne fut prononcé sur la culture ou l'environnement. Même pas une minuscule question sur Rabaska. Rien sur l'intégration et la francisation. Sur l'économie, à part le refrain de la "tempête" appréhendée et Jean-Charest-Fleurdelix voulant qu'on se protège comme de bons petits Gaulois (!), pas un mot sur la lutte à la pauvreté. Faut croire qu'il n'y a plus de pauvres... Sur la famille et la justice sociale: rien sur la nécessité d'une réforme du Code civil pour donner aux conjoints de fait les mêmes droits qu'aux conjoints mariés, comme c'est le cas dans le reste du pays. Sur la santé? Hormis Mario, qui assume pleinement son penchant pour le privé et semble le seul à comprendre l'importance dans une société vieillissante d'aider financièrement les aidants naturels, les deux autres ont servi leur profession de foi habituelle sur le système public. Petit problème: leurs politiques respectives l'ont tour à tour affaibli.
Et sur l'éducation - le Québec dream de Pauline Marois et de Mario Dumont? Pas de solution réelle à la fameuse réforme d'inspiration socioconstructiviste radicale (ça ne s'invente pas), pas un mot sur le taux de diplomation inférieur des francophones, ni sur l'enseignement déficient du français et de l'histoire, ni sur les montants indécents dépensés par les universités dans le "béton", etc. Sur la Caisse de dépôt et placement? On ne sait toujours pas ce qui s'y passe. Une chance qu'on a le Globe and Mail pour nous en informer minimalement.
Sur la question nationale? Ce que serait l'"autonomie" adéquiste est toujours aussi mystérieux. Jean Charest parle de donner de la "stature" au Québec avec son chapelet d'ententes internationales. Mme Marois a parlé de la souveraineté du bout des lèvres, mais tout en affirmant, sans broncher, qu'au Canada, "il est possible, sans drame, de faire des amendements constitutionnels". Sans drame? Robert Bourassa a dû se retourner dans sa tombe! Si ce fut le cas pour la déconfessionnalisation des commissions scolaires, on sait pourtant que depuis Meech, la Constitution est verrouillée à triple tour pour tout ce qui touche à la question nationale.
VOUS ME FAITES UNE PETITE FAVEUR?
Tenez. Une bonne nouvelle. Ce débat devrait mettre fin, espérons-le, à ces commentaires étonnants sur l'impact de la présence de la première femme chef de parti. Depuis le début de la campagne, on entendait que M. Charest et M. Dumont ne pourraient pas se comporter de la même manière avec une femme; qu'ils ne pourraient être aussi "agressifs"; que Mme Marois ne pourrait pas trop s'affirmer, sinon elle aurait l'air "hystérique", etc. Au risque de me répéter, la réalité est pourtant, et heureusement, tout autre.
Les citoyens, qu'ils soient ou non d'accord avec certaines idées de Mme Marois, l'ont vue au débat des chefs les exprimer de manière tout au moins aussi "virile" que les deux autres! Quant à messieurs Charest et Dumont, ils ont débattu avec Mme Marois comme ils le font à l'Assemblée nationale, soit aussi durement et sans lui faire le moindre cadeau. La politique, après tout, n'est pas un salon de thé. Les trois chefs le comprennent fort bien. Il serait peut-être temps que ça se sache.
Alors, vous me faites une petite faveur? Lorsque vous entendrez cette cassette-là, auriez-vous l'amabilité de la jeter enfin à la poubelle? Merci.


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