Bien préparée, Marois parvient à tirer son épingle du jeu

Débat des chefs - Québec 2008




(Québec) Devant une Pauline Marois très combative, mardi soir, le chef libéral Jean Charest s'est fréquemment retrouvé sur la défensive après avoir été sommé d'expliquer le bilan de son gouvernement en santé et en économie.
Mario Dumont, qui pourtant jouait son va-tout, a d'abord paru éteint dans ces échanges souvent passionnés, parfois cacophoniques. L'adéquiste a longtemps eu du mal à s'immiscer dans les échanges intenses entre ses adversaires sur la santé. Il s'est toutefois repris plus tard, sur l'économie et les politiques familiales.
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Quelques sorties de Dumont ont paru faire mouche. Quand Jean Charest a convenu que la dette était passée de 141 à 148 milliards, Mario Dumont a ironisé : «Et vous dites que vous ne faites pas de déficit! Allez chercher un comptable d'un bon petit dépanneur de quartier et faites-lui expliquer ça.»
«Si la priorité était l'économie, on serait ici, à l'Assemblée nationale, on travaillerait ensemble, on ne serait pas en élections», a lancé M. Dumont.
C'est clairement Pauline Marois qui avait préparé ses interventions avec le plus de minutie. Ses intonations, ses gestes souvent accusatoires, ont contrasté avec l'attitude souvent statique de ses deux adversaires. Surtout, elle s'est adressée plus souvent directement aux auditeurs en fixant la caméra. Son équipe avait placé les attentes très bas, et la chef péquiste semblait satisfaite à l'issue de la joute.
Elle a glissé cependant quand elle a soutenu avoir «les mains attachées par le mouvement souverainiste». Elle a voulu préciser, après le débat, qu'elle voulait parler de la nécessaire solidarité des souverainistes.
Avec une pluie de statistiques, Jean Charest voulait faire barrage, il mitraillait un peu mécaniquement ses répliques, toutefois. «On est responsables de tout ce qui marche pas », a-t-il lancé, impatient, à l'intention de la chef péquiste. «Cela fait six ans que vous êtes là. Défendez donc votre gouvernement plutôt que de critiquer le nôtre», a-t-elle répliqué à bout portant, comme exaspérée après une première heure d'échanges.
Mme Marois a jeté les gants dès la déclaration d'ouverture, accusant Jean Charest d'avoir déclenché des élections pour cacher une crise économique prochaine. Elle a carrément sorti ses griffes dans le dossier de la santé, quand Jean Charest l'a accusée d'avoir laissé partir des médecins à la retraite dans les années 90.
«Vous ne reconnaissez toujours pas aujourd'hui l'impact que ça a eu sur les patients », lui a lancé M. Charest. « Depuis le début de la campagne, M. Charest s'essuie les pieds sur moi. Mais ça fait six ans qu'il est au pouvoir, c'est son bilan qui est en cause », a répliqué Mme Marois. « Avec le fiasco que vous avez laissé en santé, a-t-elle soutenu, visant le premier ministre, vous n'avez même pas été capable de construire un hôpital.»
Et quand M. Dumont a pris le relais de Jean Charest, elle a répliqué : «Épargnez-moi la cassette de M. Charest.»
Le chef libéral s'est retrouvé souvent sur la sellette et a dû essuyer les tirs croisés de ses adversaires sur l'économie, la raison qu'il a invoquée pour justifier le déclenchement des élections.
Même quand ils débattaient entre eux, M. Dumont et Pauline Marois «s'adressaient à moi», a-t-il relevé après le débat; il a jugé la formule «cacophonique», comme l'avaient craint, dès le début, ses conseillers.
Les échanges ont tourné au vacarme quand il a été question des pertes de la Caisse de dépôt, à un point tel que le modérateur Stéphan Bureau a lui-même senti le besoin de poser la question au chef libéral, sans obtenir de réponse lui non plus. Impassible, M. Charest a souligné que plusieurs experts appuyaient sa position, comme quoi ce serait intervenir politiquement que de forcer la Caisse à rendre ses résultats publics avant l'échéance normale de février. Selon Mario Dumont, en revanche, l'organisme qui gère la caisse de retraite du reste du Canada publie ses chiffres à tous les trois mois.
«On vit une situation exceptionnelle ; il faut que des informations soient données aux Québécois pour les rassurer», a martelé Mme Marois, réclamant à nouveau la divulgation des résultats de la Caisse.
«Au dernier débat, j'avais un document dans ma poche. Aujourd'hui, c'est vous. Vous connaissez le montant des pertes de la Caisse», a lancé Mario Dumont, rappelant que le Globe and Mail parlait hier matin d'une vente de feu des actifs de la Caisse, pressée de trouver 10 milliards de liquidités. Pour Jean Charest, la Caisse fonctionne selon les mêmes règles qui prévalaient sous le gouvernement péquiste.
Pour Mario Dumont, les cotisants à la Régie des rentes ont le droit de connaître l'impact de ces pertes sur les cotisations qu'ils devront payer. Sur l'économie encore, Mme Marois a rappelé qu'elle était la seule des trois à avoir été au gouvernement en période de turbulence économique.
«La meilleure façon d'aider quelqu'un, c'est d'avoir un chèque de paie», a dit M. Charest, citant en exemple les mesures adoptées pour aider le secteur forestier.
«Vos plans, il y a en a eu six dans le dans le domaine forestier; vous avez annoncé 1,4 milliards et il ne s'est rien fait», a rétorqué Mme Marois. M. Dumont et Mme Marois s'en sont pris au bilan économique du gouvernement; le milliard en baisse d'impôts annuelles n'est jamais venu. La croissance économique québécoise traîne toujours derrière celle des autres provinces, a rappelé Mme Marois.
Le chef adéquiste s'est enflammé, plus tard, quand M. Charest l'a accusé de vouloir réduire les allocations familiales. «Où avez-vous pris ça? Cela n'existe pas. On est le parti de la famille», a répliqué l'adéquiste sans que M. Charest ne justifie ses accusations.
Un autre accrochage est survenu quand Mario Dumont a associé la contrebande des cigarettes au tabagisme chez les jeunes.
M. Charest a préféré accuser M. Dumont et Mme Marois d'avoir placé le dossier constitutionnel en tête de liste de leurs priorités. « Tous les Québécois doivent prendre note que vous et Mme Marois venez tout juste de vous entendre sur le fait que vous aviez une priorité, rouvrir le débat constitutionnel», a lancé M. Charest.
- Avec la collaboration de Malorie Beauchemin, Tommy Chouinard et Martin Croteau.


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