Enquête 101: les faits d'abord

Que notre reportage ait suscité un tel front commun de journaux (les gardiens de la liberté de parole!) nous disant que toute vérité n'est pas bonne à dire peut être inquiétant.

Le français à Montréal



Souvent, les journalistes déplorent, entre eux, de n'être que la courroie de transmission des propos des personnages publics. Pas nous.
La ministre des Transports parle des dangers de la vitesse? Le Journal la suit avec un radar. Nous versons du colorant dans les toilettes de La Ronde pour montrer qu'elles se déversent dans le fleuve, testons les mesures de sécurité à l'aéroport, épluchons les comptes de dépenses de la lieutenant-gouverneur. Des jeunes intimidés sur Internet, dites-vous? Le Journal, lui, épingle de vrais cyberpédophiles et les regarde dans le blanc des yeux. C'est comme ça que nous concevons le métier.
Des gens disent avoir l'impression de se faire servir plus souvent en anglais dans le centre-ville? Le Journal investit sept semaines de travail de Noée Murchison pour vérifier. La journaliste a rédigé 97 demandes d'emploi. Sa candidature fut acceptée à 55 endroits; elle fut embauchée par 22 entreprises et a travaillé dans 15 d'entre elles. Neuf entreprises seulement sur 97 ont rejeté sa candidature parce qu'elle affirmait ne pas parler français. Voilà les faits.
The Gazette, qui s'y connaît un peu en matière de controverse linguistique, s'embrouille dans nos chiffres, accuse le Journal de sensationnalisme et conclut: «C'est le genre de journalisme dont on pourrait se passer.»
Un chroniqueur de La Presse, généralement pris au sérieux, répète sans vérifier l'erreur de The Gazette, et écrit que «82 demandes de Noée Murchison sur 97 ont échoué». Un autre chroniqueur, qui se prend généralement au sérieux, renvoie ses lecteurs au site de The Gazette qui a, dit-il, décortiqué «la méthodologie douteuse du reportage du Journal de Montréal».
Voyons, les gars! Si «ça l'additionne pas, comme dit Descartes», c'est parce que vous avez les mauvais chiffres! Neuf commerces sur 97 ont rejeté une candidature unilingue; pas 82.
Malhonnêteté
Les manchettes de journaux ne font jamais dans la dentelle, c'est sûr, mais accuser le Journal de sensationnalisme comme l'ont fait nos concurrents est malhonnête.
Nous savons que la langue déclenche les passions et nous savions que les politiciens et les autres médias s'empareraient de l'affaire, alors nous avons pris des précautions pour baliser le débat.
Nous avons mis les chiffres sur la table et souligné la pénurie de main-d'oeuvre et la qualité de la candidature de notre journaliste. Nous avons aussi décrit le centreville comme un exemple d'intégration et de bilinguisme appliqué et écarté les comparaisons avec les années 1960. Nous avons mis les lecteurs en garde contre la tentation de paniquer et de réclamer des lois plus strictes. Nous avons caché les noms des commerces pour leur éviter des ennuis. Est-ce là du sensationnalisme? Ben voyons donc!
Quand Mme Pauline Marois et les ténors nationalistes ont commencé à parler de «crise» et à réclamer des lois plus sévères, l'analyste politique du Journal, Marco Fortier, fut le premier à souligner l'opportunisme de leur empressement. Les propos plus modérés du gouvernement et de l'opposition officielle furent dûment rapportés dans nos pages.
Le Journal a simplement fait le travail de vérifier une situation: une candidate unilingue anglophone n'a pas de problème à se faire embaucher pour vendre des cafés ou des babioles au centre de Montréal.
Que notre reportage ait suscité un tel front commun de journaux (les gardiens de la liberté de parole!) nous disant que toute vérité n'est pas bonne à dire peut être inquiétant.
Mais... La Presse, The Gazette, mêmes erreurs, même combat? On préfère rire...
- source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé